Intervention de Nathalie Élimas

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 2 décembre 2020 à 8h45
Audition de Mme Nathalie élimas secrétaire d'état auprès du ministre de l'éducation nationale et des sports chargée de l'éducation prioritaire

Nathalie Élimas, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et des sports, chargée de l'éducation prioritaire :

Merci, monsieur le président.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est un honneur et un plaisir pour moi de pouvoir échanger avec vous aujourd'hui. C'est en effet la première fois que je vous rencontre et que j'ai l'occasion de m'exprimer sur l'expérimentation que je souhaite mettre en place à compter de septembre 2021.

Avant d'entrer dans le détail de l'expérimentation, je souhaite d'abord vous présenter ma feuille de route en quelques mots.

Comme vous le savez, ce secrétariat d'État est une création. C'est une première sous la Ve République. Le secrétariat d'État à l'éducation prioritaire a été créé pour répondre à la volonté du Président de la République et du Premier ministre de lutter contre l'inégalité des chances, une des priorités de ce quinquennat.

Ma feuille de route repose sur trois piliers. Le premier, dont nous allons discuter aujourd'hui, a trait à la refonte de la carte de l'éducation prioritaire. Je détaillerai ce point un peu plus tard.

Le deuxième pilier s'attache à promouvoir ou à développer les mesures et les dispositifs mis en place par Jean-Michel Blanquer qui, depuis son arrivée, en 2017, a beaucoup oeuvré pour l'éducation prioritaire : dédoublement des classes CP-CE1 - que nous allons d'ailleurs étendre aux classes de grande section pour la rentrée prochaine -, cordées de la réussite, internats d'excellence, dispositif « Devoirs faits », cités éducatives, dont le secrétariat d'État assure le pilotage. Les cités éducatives sont aujourd'hui quatre-vingts. J'ai annoncé le 12 octobre dernier la création de quarante cités éducatives supplémentaires dotées d'une plateforme numérique nationale et d'une offre de services destinée à les aider à se mettre en mouvement et à répondre à leurs différents projets.

Je mets par ailleurs en avant des dispositifs comme « Devoirs faits », cette aide aux devoirs qui est proposée aux élèves des collèges, parfois à distance afin de répondre aux besoins des élèves des territoires ruraux, qui dépendent souvent d'un car scolaire pour se déplacer. Ces « e-Devoirs faits » sont également une façon de répondre à la crise sanitaire malheureusement bien installée et d'éviter le brassage des élèves des écoles et des collèges.

Enfin, le troisième pilier de ma feuille de route, plus social, s'inscrit dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté. J'étudie de près l'utilisation des fonds sociaux, souvent sous-consommés, ou les dispositifs comme le petit-déjeuner ou la cantine à 1 euro.

J'en reviens à la refonte de la carte de l'éducation prioritaire. En préambule, et afin de rassurer chacun, je répète qu'en aucun cas, à ce stade, ni même à la rentrée 2021, nous ne toucherons à la carte des REP et des REP+ telle qu'elle existe.

Les établissements en REP+ sont souvent adossés à la carte des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui sera elle-même revue plus tard. Ce sujet sera donc traité dans le même temps par cohérence territoriale.

Pour les établissements labellisés REP, le Grenelle de l'éducation qui se tient en ce moment comporte une dizaine d'ateliers, dont trois au moins sont plus spécialement consacrés à l'éducation prioritaire. C'est l'occasion de mener un travail de fond sur l'éducation prioritaire et les questions indemnitaires. Le dialogue social est également engagé, et j'attends les conclusions du Grenelle.

L'expérimentation que je propose constitue une troisième voie. Elle démarrera en septembre 2021 et donnera bien évidemment lieu à une évaluation qui, si cela s'avère nécessaire, sera étendue à quelques académies supplémentaires. Si le dispositif se révèle parfaitement concluant - ce que je souhaite -, nous verrons comment sortir du zonage tel qu'il existe aujourd'hui. Si c'est un échec, j'y mettrai un terme.

Dès ma nomination au poste de secrétaire d'État, j'ai entrepris, jusqu'à ce que je sois confinée comme chacun, un tour de France de l'éducation prioritaire. Je me déplace deux fois par semaine dans les académies. Je vais à la rencontre des acteurs de l'éducation nationale, mais également des élus. J'échange aussi beaucoup avec les associations d'élus à propos de cette expérimentation et au sujet de ma feuille de route.

Enfin, j'ai rencontré l'ensemble des organisations syndicales, que je réunis à nouveau à partir du mois de décembre. Je souhaite mener ce travail en coconstruction avec l'ensemble des acteurs.

Cette expérimentation s'inspire fortement du rapport de la Cour des comptes et des rapports Azéma-Mathiot ou Salomé Berlioux. Elle se déroulera à partir de septembre 2021.

Trois académies ont été retenues pour ce faire, Lille, Marseille et Nantes qui, du fait de leur diversité géographique, de leurs caractéristiques sociales et économiques, offrent une idée assez représentative de ce que pourrait donner cette expérimentation si elle était généralisée sur le territoire national.

Les objectifs sont évidemment très clairs : il s'agit d'introduire plus de progressivité, de mieux tenir compte des contextes locaux, de mener des analyses de terrain plus fines et, surtout, de faire entrer de nouveaux publics. La carte des REP et des REP+, telle qu'elle existe aujourd'hui, ainsi que vous le disiez, monsieur le président, met de côté près de 70 % de nos élèves. Il y a donc là une injustice.

De plus, ce zonage binaire ignore certains établissements et certains élèves. Vous parliez des « écoles orphelines ». C'est un exemple très juste et très pertinent. Ces écoles, géographiquement situées dans un quartier avec des établissements labellisés REP, mais rattachées à un collège situé de l'autre côté de la route ou de la voie de chemin de fer, ne disposent pas de ces moyens.

Les lycées professionnels qui ne sont plus dans la carte depuis 2014-2015 peinent aussi, alors que les indicateurs leur permettraient de bénéficier de moyens dont ils ne jouissent pas.

Des établissements enclavés situés sur un territoire rural sont par ailleurs en perte d'attractivité et auraient besoin de bénéficier de moyens pour sortir de l'ornière.

D'autres territoires peuvent connaître, à un moment donné, des situations conjoncturelles difficiles, par exemple lorsqu'une entreprise qui salarie bon nombre d'habitants d'une ville serait amenée à fermer, provoquant un choc conjoncturel et social que l'on pourrait amortir en dotant les écoles de moyens.

L'idée consiste à faire entrer de nouveaux publics, de nouveaux territoires, et de leur allouer progressivement des moyens en fonction de leurs besoins propres.

Pour autant, il ne s'agit pas d'une politique d'éducation prioritaire totalement à la carte, à l'échelle de l'établissement. Nous allons conserver un cadre national et une politique publique nationale. Les critères, que nous pouvons d'ailleurs rediscuter dans toute la phase amont préparatoire avant le lancement de l'expérimentation, demeurent nationaux. Toutefois, les recteurs d'académie, en fonction des besoins et des particularités de leurs établissements ou de leur territoire, pourront actionner des critères particuliers.

Cette expérimentation sera fondée sur la base de contrats locaux d'accompagnement (CLA), qui seront passés entre l'établissement et le recteur. Ils seront conditionnés à un engagement portant sur des objectifs pédagogiques. La finalité demeure en effet de veiller à élever le niveau général de nos élèves.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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