Madame la ministre, tous les rapports, ces dernières années, convergent sur un point : la politique de l'éducation prioritaire mise en oeuvre depuis sa création en 1981 n'a pas atteint ses objectifs.
Pour remédier à la modestie de ses résultats, il faut forcément passer par une analyse des causes, et si une partie de celles-ci a été récemment prise en compte, d'autres difficultés clairement identifiées ne le sont pas. J'évoquerai ici le manque d'attractivité des établissements en REP, qui aboutit à l'affectation de jeunes enseignants peu aguerris, ni assez formés ni assez soutenus, l'absentéisme, qui est plus marqué, avec du personnel affecté au remplacement trop peu nombreux. Ceci rejoint la question des moyens qui a été abordée tout à l'heure.
En outre, la carte des écoles et des collèges classés effraie une partie des familles et conduit à une forme de ghettoïsation de ces établissements.
Enfin, il existe des disparités entre zones urbaines et zones rurales. La réforme que vous avez annoncée propose certes d'expérimenter une nouvelle approche de l'éducation prioritaire, mais qu'en est-il de la ruralité, qui fait l'objet, depuis le début des années 1980, d'une politique scolaire par défaut, sans portage politique au niveau national, à l'inverse de la politique de la ville, qui concentre depuis quarante ans des moyens importants sans avoir produit les résultats attendus ?
Nos villages se vident et l'école, dans les campagnes, peut devenir un facteur d'attractivité et de développement des territoires ruraux si on lui en donne les moyens. Or les critères retenus font davantage prévaloir l'origine sociale des élèves que leur origine géographique. Comment comptez-vous faire, madame la ministre, pour que les 70 % des élèves socialement défavorisés non scolarisés en REP puissent, demain, bénéficier du dispositif « École prioritaire » ?
S'il est bien sûr nécessaire de conserver les REP+, qui répondent aux besoins des territoires particulièrement défavorisés, pour les autres - et notamment les territoires ruraux éloignés de toute autre structure de soins et d'accompagnement psychopédagogique - une politique spécifique doit pouvoir être mise en place et prendre en compte le fait que les classes à multiniveaux y demeurent une réalité très forte, malgré les politiques de regroupements intercommunaux.
Enseigner dans de telles classes demande une pratique spécifique qui n'est pas abordée dans la formation initiale des enseignants.
Il est important aussi que la nouvelle politique prioritaire soit définie au niveau académique et départemental, et qu'elle soit l'occasion d'une concertation respectueuse, apaisée et constructive entre l'éducation nationale et les collectivités locales. Ce n'est pas souvent le cas, alors que ces mêmes collectivités sont les premières, après l'État, à financer la dépense en matière d'éducation.
Il est aujourd'hui socialement vital pour la ruralité de mettre fin à une politique éducative par défaut et de pouvoir la décliner très localement. Alors qu'on parle d'égalité républicaine, trop de territoires sont encore exclus des dispositifs publics ou privés qui leur permettraient d'échapper à une précarité annoncée.
Quelles sont les mesures envisagées pour répondre aux attentes des enseignants qui ont épuisé les dispositifs d'aide classiques dans le premier degré en milieu rural ?