Intervention de Jean-Jacques Lozach

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 2 décembre 2020 à 8h45
Projet de loi de finances pour 2021 — Crédits « sport » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport :

Monsieur le président, mes chers collègues, il aura fallu attendre huit mois pour que le Gouvernement prenne la pleine mesure du choc auquel le mouvement sportif a été confronté depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Certes, le secteur du sport a pu pleinement bénéficier dès le printemps des dispositions générales mais ces mesures ne tenaient pas compte du caractère particulièrement préjudiciable de la crise sanitaire pour ce secteur.

Lors de la présentation de ses conclusions le 17 juin dernier, le groupe de travail « Covid-19 - sport » de la commission de la culture avait pourtant établi que « la crise que connaît le secteur du sport était profonde et durable » et constaté par ailleurs qu'à cette date « aucun plan de relance digne de ce nom n'a été présenté et mis en oeuvre ».

Je rappelle que le groupe de travail avait fait plusieurs propositions parmi lesquelles :

- la mise en place d'un plan global pour soutenir le secteur du sport à la rentrée de septembre 2020 ;

- des aides spécifiques financées par un déplafonnement de la « taxe Buffet » ;

- la création d'un crédit d'impôt dédié aux annonceurs dans le sport ;

- et la mise en place d'un « Pass Sport » pour encourager les 14-20 ans à pratiquer un sport en club.

Au lieu de présenter au printemps dernier un plan global pour le secteur du sport comme cela a été fait pour le secteur de la culture, le Gouvernement a réagi au travers d'annonces successives intervenues avec retard à mesure que la situation du secteur se détériorait.

Une première étape a consisté en la mise en place en juin 2020 d'un fonds de solidarité afin de soutenir les petites associations sportives. Ce fonds, opéré par l'Agence nationale du sport (ANS), a été doté d'une enveloppe initiale de 15 millions d'euros financée par redéploiements de crédits de l'agence pour 8 millions d'euros et du ministère des sports pour 7 millions d'euros. Face à l'épuisement rapide de ces crédits, le ministère a tout d'abord envisagé d'abonder le fonds de 4 M€ avant, finalement, d'opter pour sa reconduction en 2021 à hauteur de 15 millions d'euros également.

La présentation du projet de loi de finances (PLF) 2021 a constitué une deuxième étape significative avec d'une part, une hausse des moyens de l'ANS et, d'autre part, la mise en place d'un plan de soutien au secteur du sport.

La hausse de ces crédits reste certes limitée dans le cadre du programme 219 dont les crédits s'élèveront à 436 millions d'euros, soit une progression de 1,84 %. Cette hausse se traduira par un accroissement de 5 millions d'euros des moyens consacrés à la prévention par le sport et à la protection des sportifs.

L'essentiel de la hausse des crédits concerne en réalité le budget de l'ANS qui est alimenté d'une part, par une subvention du programme 219 en légère baisse à 133,2 millions d'euros et, d'autre part, par des ressources issues des taxes affectées à hauteur de 180,54 millions d'euros, contre 146,4 millions d'euros en 2020. En 2021, c'est la totalité du produit de la « taxe Buffet », soit 74,1 millions d'euros qui sera affectée à l'ANS ce qui représente une hausse globale de 34,1 millions d'euros.

On ne peut que se réjouir du déplafonnement de la « taxe Buffet » qui constituait une revendication ancienne de la commission de la culture lors de l'examen de chaque projet de loi de finances.

L'annonce d'une enveloppe de 122 millions d'euros sur deux années, portée à 132 millions d'euros à l'issue de l'examen du budget à l'Assemblée nationale, constitue la deuxième annonce importante concernant la politique en faveur du sport.

Cette enveloppe issue du plan de relance comprend :

- une aide de 40 millions d'euros afin de financer 2 500 emplois prioritairement pour les jeunes de moins de 25 ans dans les associations sportives locales d'ici 2022 ;

- une dotation de 12 millions d'euros afin de proposer aux jeunes les plus défavorisés - 1 500 en 2021 et 1 500 en 2022 - un parcours personnalisé vers une qualification en vue d'un emploi dans les métiers du sport ou de l'animation : c'est le dispositif SESAME ;

- des subventions à hauteur de 50 millions d'euros pour permettre aux collectivités territoriales et aux fédérations et associations sportives de conduire des opérations de rénovation énergétique d'équipements sportifs structurants ;

- une aide de 8 millions d'euros à la transformation numérique des fédérations sportives ;

- un soutien aux fédérations sportives à hauteur de 21 millions d'euros en 2021 pour financer en urgence des actions de soutien à la reprise sportive des clubs dans le cadre des projets sportifs fédéraux (PSF).

Nous avons été nombreux à partager le sentiment du mouvement sportif exprimé en octobre dernier selon lequel le plan de relance n'était pas équilibré puisque seulement 21 millions d'euros étaient destinés aux clubs et que l'essentiel des crédits était fléché vers l'emploi dans le secteur sportif et la transition écologique.

Afin de répondre aux conséquences du huis-clos dans les enceintes sportives, un premier ajustement a été opéré avec l'annonce de la création d'un « fonds de compensation billetterie » doté de 110 millions d'euros à destination des fédérations, des ligues professionnelles et des organisateurs de manifestations sportives qui ont subi des pertes de recettes de billetterie entre juillet et décembre 2020. J'aurais souhaité que ce fonds perdure au moins jusqu'à juin 2021 puisqu'il est peu probable qu'un fonctionnement normal soit rétabli d'ici là. Si cette prolongation n'est pas exclue par le Gouvernement, celui-ci se prononcera en janvier compte tenu de la possibilité annoncée de prévoir des jauges de 20 à 30 % dans les enceintes sportives.

La troisième étape a été marquée par plusieurs annonces faites par le Président de la République le 17 novembre dernier. Le chef de l'État a ainsi confirmé la création du « Pass sport ». Ce dispositif doté de 100 millions d'euros devrait voir le jour en 2021 afin d'aider les publics les plus fragilisés à accéder à des licences sportives.

J'avais proposé depuis deux ans, avec un collègue député Régis Juanico, la création d'un dispositif similaire dont je rappelle qu'il ne trouvera sa pleine mesure que dans une étroite articulation avec les initiatives similaires des collectivités territoriales afin d'atteindre un montant d'environ 300 euros prenant en charge le coût de la licence mais également la cotisation au club. J'insiste également sur la nécessité de créer un dispositif pérenne et pas seulement conjoncturel, ainsi que sur l'intérêt de viser la classe d'âge des 14/20 ans et pas seulement des publics fragilisés. Le ministère des sports estime qu'un bilan devra être fait à l'issue de la première année d'application afin d'engager dans un second temps des mesures pérennes en faveur de la réduction des inégalités dans l'accès à la pratique sportive.

Par ailleurs, afin de répondre à la situation des clubs qui subissent une perte de chiffre d'affaires sans avoir été fermés administrativement, l'État a décidé de leur accorder des allègements de cotisations sociales patronales dans le cadre d'une enveloppe de 105 millions d'euros.

Concernant maintenant les autres aspects du budget et notamment la préparation des Jeux olympiques, une nouvelle hausse est prévue en 2021 pour doter le programme 350 de 234,1 millions d'euros en crédits de paiement dont 225,6 millions d'euros accordés à Solidéo. La préparation des Jeux olympiques franchit aujourd'hui un nouveau cap avec, d'une part, une remise à plat de la carte des installations olympiques afin de réaliser des économies et, d'autre part, la fin des études et la préparation de la phase de construction compte tenu d'une livraison des équipements prévue en septembre 2023.

Le directeur général de la Solidéo estime que le calendrier est tenu avec l'achèvement de la phase de conception. Le premier trimestre 2021 marquera le début de la phase de construction. L'enveloppe financière définie en 2016 devrait être respectée.

L'abandon du projet de transfert obligatoire des conseillers techniques sportifs (CTS) aux fédérations sportives n'a pas mis un terme aux interrogations sur l'avenir de ces cadres indispensables. Le ministère des sports indique que l'arrêt de la réforme statutaire doit permettre d'engager une réforme managériale.

Cette réforme managériale devrait se traduire par une réorientation de certains CTS vers les politiques publiques prioritaires, des redéploiements en fonction des projets stratégiques des fédérations sportives, un repositionnement afin de permettre aux CTS de travailler sur des sujets transversaux, la mise en place d'une formation continue au sein d'une nouvelle « école des cadres » et une reprise des recrutements par concours. L'ensemble de ces actions doit permettre aux CTS d'apporter « un appui transversal » au monde du sport.

Le soutien aux fédérations sportives est maintenant opéré par l'ANS à travers des conventions d'objectifs et les projets de performances fédéraux (PPF). L'ANS bénéficiera d'une subvention de 90 millions d'euros - qui pourrait être augmentée compte tenu des annonces récentes - au titre de la haute performance et du haut niveau. Ces crédits seront utilisés notamment pour soutenir les athlètes via des bourses, développer la recherche sur les datas, favoriser l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau et financer des équipements structurants pour le haut niveau.

Les moyens de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) augmenteront en 2021 de près de 0,8 million d'euros à 23,7 millions d'euros en crédits de paiement. L'articulation entre l'Insep et l'ANS demeure un sujet de préoccupation compte tenu du fait que la stratégie du haut niveau relève maintenant de la compétence du manageur de la haute performance. L'ANS a présenté début octobre son plan de transformation pour la haute performance dénommée « Ambition bleue » préparé sans véritable coordination avec l'Insep. Une plus grande coordination entre ces deux instances me semblerait valoir la peine d'être recherchée.

L'enjeu de 2020 consistait pour les Creps à nouer une relation solide avec l'ANS. Il apparaît que cette relation pourrait prendre une forme institutionnelle, les Creps étant amenés à constituer les relais de l'agence sur le terrain.

Selon son directeur général, l'ANS prévoit de transférer des compétences aux Creps par voie de convention ce qui pose la question des régions dépourvues de Creps. Je rappelle le souhait ancien de la commission que chaque région puisse bénéficier d'un Creps.

Concernant la lutte contre le dopage, nous ne pouvons que constater, à nouveau, la situation financière tendue de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) qui ne dispose toujours pas d'une dotation lui permettant de faire face à l'accroissement de ses missions ni d'atteindre l'objectif de 10 000 prélèvements annuels.

Le projet de nouveau laboratoire constitue par ailleurs une source de préoccupation. Le maintien à Châtenay-Malabry occasionnera, en effet, un loyer annuel de 250 000 euros en 2021 et 2022 payé au conseil régional d'Île-de-France, propriétaire du site. Quant aux études conduites pour le nouveau site en 2020 à hauteur de 695 000 € qui ne bénéficiaient d'aucun crédit de paiement dans le PLF 2020, elles feront l'objet d'un report de charges en 2021 et seront financées sur l'enveloppe de 5,4 millions d'euros prévue dans le cadre du programme 350.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, et notamment des nouvelles mesures décidées par l'État, je propose à la commission d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits des programmes 219 et 350 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2021.

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