Sur ce budget 2021, nous partageons avec mes collègues Michel Savin et Claude Kern le même état des lieux.
La situation de la politique du sport et de son financement devient, au-delà du contexte sanitaire actuel, très complexe. Si le montant du budget était à la hauteur de cette complexité, il ne se limiterait pas à 0,14 % du budget de l'État ! Mais cela n'est pas nouveau.
Les 3 milliards d'euros présentés dans le bleu budgétaire concernent essentiellement le sport professionnel de haut niveau : les secteurs fédéré et associatif passent sous les radars.
Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, 132 millions seront consacrés au sport sur deux ans. Mais nous ne voyons pas encore aujourd'hui leur traduction budgétaire. Un « Pass sport », doté de 100 millions d'euros, a été annoncé, l'ANS a été mandatée pour le mettre en oeuvre. Mais son directeur, lors d'une récente réunion de pilotage, a indiqué que le sujet de son financement serait traité dans un projet de loi de finances rectificative en mai ou juin 2021. Beaucoup d'annonces n'ont donc pas été suivies d'effet en termes budgétaires.
Quelques mesures sectorielles ont toutefois été prises pendant la crise ; je pense notamment au secteur hippique et à la filière équine.
Le rôle central joué par l'ANS participe de cette complexité accrue. Je rappelle que, dans une décision récente, le Conseil d'État a annulé l'arrêté portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public (GIP), statut sous lequel a été créée l'ANS. Sur les 436 millions de crédits du programme 219, 304 millions, soit les trois quarts, sont fléchés sur l'Agence. C'est désormais un GIP, dont l'État n'est qu'une des quatre composantes, qui définit la politique sportive du pays ! Le périmètre du ministère se limite désormais à : une action normative - arrêter la liste des sportifs professionnels -, une action internationale - contribuer à la préparation des grands évènements sportifs internationaux -, une action interministérielle : « sport et santé » ; « sport et handicap » -, et à une action en faveur de l'éthique du sport.
À cela s'ajoute la nouvelle configuration ministérielle, le sport étant intégré à un grand ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Une restructuration est aussi en cours au niveau de nos territoires avec les nouvelles directions régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et au sport (DRAJES). Il devient très compliqué de se retrouver dans ce paysage administratif.
S'agissant des CTS, le projet de transfert aux fédérations sportives a été abandonné, ce qui a permis un certain apaisement. Mais la situation demeure très perfectible en termes de formation et de répartition entre les différentes fédérations. On est toujours sur un rythme de 40 suppressions de postes de CTS par an, par non remplacement de départs en retraite. Pourtant, on sollicite de plus en plus le secteur du sport, par exemple dans le cadre des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où un volet sportif est imposé. Les CTS interviennent aussi à ce niveau. Or, dans une récente lettre ouverte, des maires de ces quartiers dénoncent l'absence d'avancée en termes d'équipement et d'animation.
Concernant l'AFLD, la situation financière est tendue : elle a puisé depuis des années dans ses réserves de trésorerie. On est loin de l'objectif de 10 000 prélèvements annuels. Je rappelle qu'il s'agit d'une autorité administrative indépendante (AAI), pas d'un opérateur national. Elle reproche au ministère l'absence de perspective. Celui-ci lui demande en effet de faire toujours plus avec les mêmes moyens !
La souffrance du monde sportif concerne tous les secteurs, professionnel, amateur, associatif. Des dizaines de fédérations sportives sont aujourd'hui en grande difficulté pour boucler leur budget. Le nombre de licenciés pourrait baisser de 25 % voire de 35 % s'agissant de la natation. Un autre secteur est particulièrement éprouvé, celui des loisirs sportifs marchands, qui comprend les salles de sport, de fitness, d'escalade, de stretching, etc. Ces structures ne rouvriront pas avant le 15 janvier prochain. Selon les chiffres qu'on nous a transmis, leurs pertes s'élèveraient à un milliard d'euros.
Et quand on y regarde de plus près, on constate qu'il y a des disparités en termes de taux de TVA : alors que les parcs de loisir, les accrobranches, les salles de trampoline bénéficient d'un taux réduit, les salles de sport se voient appliquer le taux normal. Ces inégalités sont à supprimer.
Le foot professionnel, dont il est beaucoup question dans les médias, accuse, quant à lui, 700 millions d'euros de pertes, soit un quart du chiffre d'affaires des clubs.
Face au projet de budget présenté par le Gouvernement, le Sénat a pris ses responsabilités en adoptant des amendements prévoyant des financements supplémentaires. Ce que nous attendons maintenant, c'est le financement du « Pass sport ». J'estime, pour ma part, que ce nouvel outil devrait cibler la tranche des 14-20 ans ; l'on sait en effet que la rupture dans la pratique sportive se situe à la sortie du collège, à la sortie du lycée et à la fin de la première année d'études supérieures. Un besoin de financement complémentaire venant des collectivités territoriales sera aussi nécessaire ; certaines ont d'ailleurs déjà mis en place des dispositifs similaires. Surtout, ce « Pass sport » devrait avoir vocation à devenir un élément structurel, et non pas seulement conjoncturel, de notre politique sportive. Il faut être plus ambitieux : passer son montant de 50 euros à 300 euros et viser plus loin que la seule aide à la reprise d'une licence sportive. C'est un dossier à suivre...
Sur la question des équipements sportifs, notre parc est aujourd'hui très vétuste. Un cinquième a plus de cinquante ans. Selon un rapport de la Cour des Comptes, 21 milliards d'euros seraient nécessaires pour le rénover ! Dans le plan de relance, 50 millions d'euros y sont consacrés, autant dire qu'on est loin du compte...
Le sujet du sport à l'école me préoccupe aussi. Le ministère en fait l'une de ses priorités. Mais son document programmatique m'est apparu confus à la lecture : dans quel cadre se déploie cette priorité ? Qui la finance ? Qui l'organise ? Je crains que tout cela ne se termine en expérimentation... Seuls deux volets sont précisés et financés, le programme « aisance aquatique » et le plan « savoir rouler à vélo » à l'entrée au collège. Je rappelle qu'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) classe la France 119ème sur 146 pays en matière d'éducation physique. En primaire, trois heures par semaine devraient être consacrées à la pratique sportive, on en est loin.
S'agissant du sport féminin, la Conférence permanente créée en 2017 est en panne. Le ministère le reconnaît. Elle doit être relancée.
Concernant les infrastructures de transport pour la préparation des Jeux olympiques, il y a clairement une volonté de rationaliser les dépenses. Dans le dossier de candidature de Paris, 70 millions d'euros étaient prévus pour le Stade de France. Seuls 50 millions d'euros sont aujourd'hui inscrits. Cette enveloppe, qui intègre aussi la périphérie du stade, ne porte pas sur les équipements sportifs à proprement parler.