Mes chers collègues, le programme 163 est doté de 699,72 millions d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de 39,52 millions d'euros, soit de près de 6 % par rapport à l'année dernière.
Toutefois, ce budget en augmentation masque principalement un jeu d'écriture comptable. Le doublement du budget du service national universel (SNU), qui constitue la quasi-intégralité de cette hausse relève d'une démarche de sincérisation des coûts. Je reviendrai sur ce point.
Ce budget appelle également une deuxième remarque générale : les principales hausses des crédits pour des mesures « jeunesse et vie associative » sont dans la mission « plan de relance ». Au total 609 millions d'euros sont inscrits dans le plan de relance au profit d'actions de soutien aux associations ou d'engagement de la jeunesse. Je pense aux postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) ou au service civique.
Bien évidemment, je me réjouis de ces sommes importantes. Elles témoignent d'une reconnaissance par le Gouvernement de l'utilité de ces outils. Mais, je regrette que la grande majorité de l'effort financier du Gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative se fasse dans un cadre conjoncturel, qui a vocation à disparaître très rapidement. Or, la promotion d'une société de l'engagement nécessite un investissement continu et de moyen terme.
J'en viens maintenant à une analyse plus thématique. Le secteur associatif a montré toute sa force pendant la crise de la covid-19. Mais il a également été très durement frappé. Voici quelques chiffres pour illustrer mes propos : 66 % des associations ont complètement suspendu leurs activités. 55 000 associations déclarent ne pas pouvoir maintenir les salaires. Les déclarations d'embauche sont en chute de 45 %. Enfin 30 000 associations sont menacées de disparition. De manière générale, les associations ont eu de très fortes difficultés à accéder aux aides de l'État. Certes, le PLFR 4 prévoit 5 millions d'euros en faveur des associations. Mais la France en compte près de 1,5 million ! Je regrette ainsi qu'il n'y ait eu aucun abondement du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).
En effet, le FDVA est un outil indispensable de soutien aux associations. Le « FDVA 1 » a permis de former près de 170 000 personnes. Toutefois, de l'avis de tous, les possibilités de formation qu'il offre restent en deçà des demandes des bénévoles.
Les crédits du « FDVA 2 » - le soutien aux projets et à l'innovation - ont été exécutés dans leur intégralité. Une attention particulière a été portée aux petites associations : 80 % des associations bénéficiaires ont 2 salariés ou moins et 62 % n'adhèrent à aucun réseau national ou sectoriel. La subvention moyenne est de 2 900 euros. Pour le FDVA, 2021 sera l'année du premier abondement annuel venant des comptes inactifs des associations en déshérence.
Toutefois, ces montants restent insuffisants : pour la campagne 2020, le nombre de dossiers de demandes de subventions était deux fois plus nombreux que le nombre de dossiers retenus ; et les montants alloués deux à trois fois inférieurs aux demandes. Surtout, toute la campagne 2020 a eu lieu avant la crise de covid-19, c'est-à-dire, avant les difficultés financières des associations.
Les crédits Fonjep sont en augmentation, mais la question d'une hausse pérenne se pose : 2 000 postes Fonjep sont financés dans le cadre de la mission « plan de relance ». Vous le savez, ces « postes Fonjep » ne correspondent pas en tant que tel à des emplois, mais à une subvention annuelle de 7 200 euros. Ces postes Fonjep sont particulièrement importants : ils sont perçus pour trois ans ce qui permet une certaine visibilité pour l'association bénéficiaire. Par ailleurs, à l'heure où les subventions publiques sont attribuées sous la forme d'appel à projets, les postes Fonjep demeurent l'une des rares aides qui soutient l'association en tant que telle. Il est important de continuer à aider les associations pour ce qu'elles sont, et pas uniquement pour ce qu'elles font !
J'en viens maintenant à la création de 60 000 parcours emplois compétences - les PEC - qui sont selon le Gouvernement « la nouvelle formule des emplois aidés ». Mais cet outil est mal calibré pour répondre aux besoins des associations. Il est au final beaucoup moins efficace que les précédents contrats aidés. Tout d'abord, le taux de subvention par l'État est inférieur : 65 % contre 75 % auparavant. Le reste à charge est trop important pour des associations qui sont nombreuses à connaître des difficultés de trésorerie du fait de la covid-19. En outre, il s'agit principalement d'un outil d'insertion. Or, toutes les associations ne sont pas capables de faire de l'insertion. En cette période particulièrement difficile, il me semble qu'un retour aux emplois aidés « ancienne formule » avec une prise en charge par l'État à hauteur de 80 %, voire 85 %, serait de nature à mieux soutenir les associations.
Je terminerai ce volet associatif en évoquant le compte d'engagement citoyen. Il permet aux personnes éligibles d'acquérir des droits de formation. Cet outil répond à une demande forte des bénévoles de pouvoir se former. Je crains toutefois que le CEC reste trop confidentiel. J'appelle donc le Gouvernement à communiquer et informer sur l'existence de ce dispositif.
J'en viens maintenant au service national universel. Mes doutes sont nombreux. Vous le savez, le SNU a été fortement touché par la covid-19. La phase 1 n'a pas pu se tenir. En 2021, l'expérimentation est reconduite à l'identique, mais le budget double : il passe de 30 à 62 millions d'euros. La raison est un rapatriement dans le compte 163 de dépenses oubliées ou prises en charge de manière invisible par d'autres ministres. Si nous ne pouvons qu'apprécier cette démarche de transparence budgétaire vis-à-vis du Parlement, je m'étonne que ces coûts n'aient pas été intégrés dès le PLF 2020. Le coût par jeune est de 2 300 euros, hors coût de développement de système d'information, de communication et d'évaluation.
Quant à la phase 2, c'est-à-dire, la mission d'intérêt général pendant 15 jours ou 84 heures, le milieu associatif a fait part de ses doutes. Certains préfets n'ont ainsi pas jugé utile de les associer aux réflexions sur le déploiement de cette phase. Plusieurs mouvements associatifs s'interrogent sur la compatibilité des valeurs qu'elles portent et souhaitent promouvoir, avec la forte dimension militaire qu'a aujourd'hui le SNU. Au final, de nombreuses associations hésitent à poursuivre le conventionnement avec l'État sur le déploiement du SNU. Je l'avais déjà indiqué l'année dernière : il est urgent d'avoir une réflexion de fond sur les objectifs du SNU dans son ensemble, ainsi que sur les phases 1 et 2.
Je terminerai cette présentation du programme 163 par le service civique ; un dispositif qui a fait ses preuves depuis 10 ans. Il me semble important de tirer un premier enseignement de la crise de la covid-19 : il serait intéressant que tous les contrats de mission de service civique prévoient la possibilité de « détourner » un jeune de sa mission, avec son accord, pour l'affecter à une mission d'urgence. Lors de son allocution du 14 juillet dernier, le Président de la République a annoncé la création de 100 000 nouvelles missions de service civique dans le cadre du plan 1Jeune1solution. Elles s'ajoutent au 145 000 annuelles prévues par les lois de finances depuis deux ans. Cette annonce est une reconnaissance de l'utilité du service civique. Mais le défi à relever est important. Au total, ce sont 90 000 missions qui doivent être proposées sur les quatre derniers mois de 2020 : les 60 000 missions initialement prévus par le calendrier d'exécution de 2020, auxquelles s'ajoutent les 10 000 missions de rattrapage du premier semestre - c'est-à-dire des missions qui auraient dû commencer pendant le 1er confinement et qui n'ont pas pu avoir lieu. Et enfin les 20 000 missions du plan de relance au titre de l'année 2020. Et pour 2021, ce sont 80 000 missions supplémentaires qui doivent être trouvées.
La mobilisation de tous les acteurs publics est donc essentielle pour relever ce défi de taille. Or, les instructions aux préfets fixant les objectifs et les thématiques prioritaires n'ont été envoyées que mi-septembre et la première réunion interministérielle n'a eu lieu que fin septembre. Deux mois ont été perdus. De même les collectivités locales doivent également se mobiliser. Seuls 12 % des missions se font dans des collectivités locales. La communauté de communes peut être un échelon intéressant. Je trouve particulièrement intéressant les expériences de pépinières de service civique, ou de pôles d'appui dans les territoires. Ils permettent de présenter aux associations et collectivités territoriales l'intérêt du service civique dans un contexte de renouvellement des équipes municipales, et de les accompagner.
Je finirai avec trois points de vigilance pour 2021. Le premier concerne la qualité des missions dans cette phase de développement très rapide du service civique. Mme El Haïry a indiqué un recrutement de 13 personnes supplémentaires. Cela me paraît indispensable pour s'assurer de la qualité des missions mais aussi pour vérifier qu'il n'y a pas de substitution à l'emploi.
Deuxième point de vigilance : la formation des tuteurs, notamment dans les nouvelles structures. Elle doit avoir lieu avant l'accueil du volontaire, et idéalement avant la définition de la mission. L'agence du service civique est consciente de cet enjeu. C'est pourquoi elle a lancé un marché public sur la formation des tuteurs. Il a été remporté par l'alliance « Unis-Cité/ligue de l'enseignement ». Cette alliance propose des formations taillées sur mesure pour le service civique : par exemple « accompagnement du volontaire pendant sa mission », ou « atelier de découverte du rôle du tuteur ». Or, certains ministères et structures n'ont pas recours à cette formation et forment leurs tuteurs par d'autres biais. Il me semblerait logique que les structures d'accueil et a fortiori les ministères privilégient les formations issues du marché lancé par l'agence du service civique.
Enfin, le service civique doit être une solution offerte à tous les jeunes, quel que soit leur lieu de résidence. Les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés, avec des solutions à apporter en termes de déplacement, de logement et d'accompagnement des volontaires, mais aussi d'intermédiation pour soulager et épauler la structure d'accueil.
En conclusion, la hausse du programme 163 est majoritairement due à une sincérisation des comptes. Les principales augmentations se trouvent dans la mission « plan de relance » et risquent d'être conjoncturelles : elles ne concernent que 2021 et éventuellement début 2022. Quant au SNU, mes doutes persistent voire s'intensifient. Il représente désormais 10 % des crédits du programme 163. Imaginez le budget de l'éducation nationale avec ses 74 milliards d'euros, dont 10 % - c'est-à-dire 7,4 milliards d'euros - seraient utilisés pour un dispositif expérimental, qui risque ne pas pouvoir se déployer en 2021 pour les mêmes raisons qu'en 2020, et seraient ainsi sacrifiés au détriment d'autres mesures à financer. Vous ne l'accepteriez pas. Je ne l'accepte pas pour le programme 163. C'est la raison pour laquelle je propose de donner un avis défavorable à ce programme.