Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 10 décembre 2009 à 9h10
Lutte contre la fracture numérique — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons aujourd’hui en séance publique la deuxième lecture de la proposition de loi de M. Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.

À la fin du mois de juillet, lors du vote de ce texte en première lecture, vous m’aviez confié une lettre de mission, notamment pour trouver les ressources financières nécessaires à la réduction de la fracture numérique. Je vais essayer de vous convaincre ce matin que cette lettre de mission a largement été remplie, tant pour le très haut débit que pour la télévision tout numérique terrestre.

J’évoquerai d’abord les réseaux à très haut débit.

Plus que jamais ces nouveaux réseaux représentent un véritable défi pour le maintien de la compétitivité mais aussi pour la société.

L’État est conscient de ce défi. La loi de modernisation de l’économie, discutée ici même l’année dernière, a défini le cadre de développement de ces réseaux, que le Gouvernement s’attache, depuis lors, à mettre en œuvre. Les schémas directeurs, tels qu’ils ont été proposés au Sénat et dont la mise en œuvre a été renforcée à l’Assemblée nationale, seront un outil essentiel.

Le premier enjeu est la libération des investissements privés. La proposition de loi issue du Sénat prévoyait plusieurs mesures afin de compléter le cadre législatif dans les zones très denses. L’Assemblée nationale les a validées et le Gouvernement y est bien entendu favorable.

Au-delà des zones très denses, les différents acteurs, publics et privés, seront amenés à coopérer, afin de mutualiser les investissements et d’éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité.

La proposition de loi issue du Sénat prévoyait ainsi plusieurs dispositions visant à accélérer le déploiement des réseaux en fibre optique dans les zones les moins denses de notre territoire.

Je pense à la possibilité – et ce n’est qu’une possibilité – pour les collectivités locales de devenir investisseurs minoritaires dans les réseaux, ou à la mise en œuvre de nouvelles compétences par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Ces dispositions ont été validées par l’Assemblée nationale.

Il s’agit d’anticiper l’avenir et d’éviter qu’une nouvelle fracture numérique ne se développe. Cela nécessite de coordonner les fonds publics et les fonds privés.

La proposition de loi issue du Sénat prévoyait également la mise en œuvre d’un fonds d’aménagement numérique des territoires. J’ai personnellement défendu à l’Assemblée nationale l’idée de ce fonds, qui était contestée par certains, de nombreux députés souhaitant le supprimer ou l’alimenter par une taxe qui nous semblait contre-productive, à ce stade de développement des réseaux, sur les investissements privés.

Par ailleurs, la commission sur le grand emprunt a proposé que soient réservés 4 milliards d’euros au développement de l’économie numérique, dont 2 milliards d’euros pour l’accès au très haut débit. Ce montant sera un élément crucial pour l’investissement au profit de tous les territoires et valide de fait votre proposition de créer un fonds d’aménagement numérique. J’aurai l’occasion ce matin de revenir plus en détail sur nos hypothèses économiques et sur la façon dont la commission sur le grand emprunt a calibré sa proposition.

Voilà quelques jours, le Président de la République déclarait : « Sur le numérique, on sera au rendez-vous. Nous ne voulons pas prendre de retard sur le très haut débit. »

Enfin, le passage à la télévision tout numérique permettra de libérer des fréquences de bonne qualité ; c’est le dividende numérique. Ce dividende permettra, notamment pour les zones les plus reculées, de développer des services à très haut débit. Le Parlement sera bien entendu consulté sur les conditions d’attribution de ces fréquences, comme vous l’avez proposé en juillet et comme l’Assemblée nationale l’a confirmé la semaine dernière.

Permettez-moi maintenant d’évoquer le passage à la télévision tout numérique terrestre.

La proposition de loi aborde les enjeux structurants de la télévision numérique terrestre, la TNT, dans le cadre de l’extinction de la télévision analogique prévue avant le 30 novembre 2011, date à laquelle 100 % des foyers devront recevoir la TNT. Le Gouvernement y veillera.

Le passage à la TNT, vous le savez tous, n’a rien d’anodin et nous avons eu l’occasion d’en discuter en juillet dernier. Pour emporter cette bataille et concrétiser le dividende numérique, qui est important pour nos territoires et, en particulier, pour les moins denses d’entre eux, nous devons d’abord informer et accompagner les foyers, en premier lieu les plus défavorisés, ainsi que les publics sensibles, ceux qui sont les plus éloignés du numérique, dans le cadre du programme de basculement progressif et régional que nous avons adopté.

C’est l’objet du programme national d’accompagnement que le Gouvernement a mis en place pour tous les Français, en y consacrant 277 millions d’euros, dont 40 millions d’euros provenaient d’un arbitrage du Premier ministre consécutif aux discussions que nous avions eues sur le sujet de la TNT au Sénat, à la fin du mois de juillet dernier.

Dans la continuité des travaux effectués par le Sénat, à l’occasion de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, nous avons décidé de compléter ce dispositif. Le 21 octobre dernier, le Premier ministre a ainsi pris plusieurs mesures, qui ont toutes été retranscrites dans le texte qui vous est aujourd'hui soumis.

Quelle sera l’incidence de ces mesures ? D’abord, elles permettront d’améliorer la couverture « hertzienne », comme vous le souhaitiez, grâce à une augmentation raisonnée des puissances des émetteurs. Les effets n’en seront pas négligeables, puisque cela permettra de couvrir 1, 6 % de la population en plus. Dans certains territoires, les plus défavorisés en termes de couverture hertzienne, ce taux pourra atteindre jusqu’à 6 %.

Tous les foyers situés en zone d’ombre de la réception hertzienne numérique – ceux qui avaient l’analogique par l’antenne râteau et qui n’auront pas le numérique par ce biais – bénéficieront d’une aide pour accéder à la TNT, notamment par le satellite. Cela représente un effort financier important, auquel les chaînes devront participer, comme le réclamaient de nombreux élus. Il est évalué à 56 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 40 millions d’euros déjà évoqués, soit au total près d’une centaine de millions d’euros.

Certaines collectivités souhaitent maintenir la diffusion hertzienne dans les zones d’ombre, parfois pour un nombre limité de foyers, ce qui, de notre point de vue, n’est pas rentable, mais peut correspondre à un choix politique local. Conscient que ce souhait est partagé par nombre d’entre elles, l’État a décidé de les accompagner financièrement dans cette démarche d’investissement, en tenant compte des aides qu’il aurait accordées à ces foyers pour s’équiper d’une parabole. L’aide sera donc pour partie proportionnelle.

Par ailleurs, et l’idée en revient à Pierre Hérisson, auquel je veux rendre hommage, nous avons institué des commissions territoriales pour la TNT, réunissant des élus, le GIP et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, afin de s’assurer que le passage au tout-numérique respecte l’équité territoriale. Plus qu’une simple commission de suivi, il s’agit véritablement d’une commission d’anticipation et d’un lieu de négociation, le cas échéant, d’une convention entre le GIP et une commune qui serait soumise à des conditions particulières.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures ont déjà été toutes testées dans le Nord-Cotentin, où la troisième et dernière opération pilote, et celle de plus grande ampleur, du passage au tout-numérique a eu lieu il y a quelques semaines, le soir du match France-Irlande pour être précis !

Les résultats ont été très positifs. Tout a été fait pour réduire au minimum le risque d’écran noir, et associer pleinement les élus à cette transition. Un dispositif d’accompagnement spécifique a été mis en place après l’arrêt, car nous nous sommes rendu compte de la nécessité d’une telle mesure, quelle qu’ait été la qualité du dispositif d’anticipation.

Les enseignements que nous tirerons de cette expérience pilote nous permettront d’enrichir le dispositif existant en vue du passage au tout-numérique de l’Alsace le 2 février prochain. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, au début de l’année prochaine, les opérations pilote cesseront et le basculement se fera région après région.

La fracture numérique n’est pas une fatalité. L’écran noir ne l’est pas davantage. Au travers de l’enrichissement qu’a connu le texte depuis sa première lecture au Sénat, j’ai le sentiment que le Gouvernement a rempli la lettre de mission qui lui avait été confiée.

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