En effet, imaginons que l’ensemble de nos concitoyens puissent demain avoir accès au numérique grâce à des infrastructures de qualité, comme nous le souhaitons tous : les fractures existeraient toujours, voire s’aggraveraient, si les autres dimensions du problème n’étaient pas abordées !
Je pense aux fractures sociales, au sens large, c'est-à-dire celles dont sont victimes les personnes âgées, isolées ou exclues de la société de l’information, et j’y intègre la fracture territoriale, qui est loin, de mon point de vue, de ne concerner que les possibilités techniques de réception ; elle est avant tout une fracture sociale entre les territoires.
Dans les zones rurales, les difficultés ne se limitent pas à la question de l’accès aux nouvelles technologies ; se pose aussi un problème d’information et de formation à leur utilisation.
Ce n’est, certes, pas l’objet de la présente proposition de loi – ce n’est donc pas une critique en soi –, mais, lorsque nous débattons ici des milliards d’euros que nous engageons, peut-être pourrions-nous également examiner de quelles lignes budgétaires nous pourrions disposer pour réduire les fractures dans l’accès à la culture et à l’information. À cet égard, l’éducation nationale a une responsabilité fondamentale, ne serait-ce que parce qu’elle concerne tous les enfants.
Les fractures seraient sans doute moins importantes si les efforts qui s’imposent à cet égard étaient réalisés. Je pourrais également mentionner les possibilités d’accès autres que l’abonnement individuel ; il y a très peu d’offres collectives pour ceux qui n’ont pas les moyens de se connecter à partir de chez eux.
Faute d’appréhender le problème en ces termes, nous aurons délibéré en pure perte et sans la moindre conséquence concrète pour des millions de nos concitoyens.
Le déploiement est dans une phase très avancée, notamment en ce qui concerne la télévision numérique. La région Alsace passera au tout numérique le 2 février prochain. Pensez-vous sincèrement, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous qui suivez de très près ces questions, que l’information a été diffusée en profondeur sur l’ensemble du territoire alsacien ? Les personnes âgées, par exemple, sauront-elles s’équiper d’un décodeur, l’initialiser et même s’en servir ?
Avec le hertzien, c’était simple, il suffisait de brancher le poste sur le secteur et d’avoir une antenne râteau ! Mais comment feront dorénavant les personnes âgées, qui vivent souvent isolées, parfois malades, et qui, pour certaines, n’ont d’autre visite que celle du facteur tous les quatre ou cinq jours ? Cette première expérience risque de nous ramener brutalement à la réalité : sans l’aide de quelqu’un pour effectuer les branchements et les réglages, puis expliquer comment l’installation fonctionne, ceux qui, aujourd'hui, sont déjà un peu exclus de la société de la communication risquent de se trouver demain devant un écran noir !