Mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entrer plus avant dans l’examen du texte, je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse.
Plusieurs d’entre vous, en particulier Hervé Maurey, Jacques Blanc, Michel Teston et Mireille Schurch, ont exprimé leurs inquiétudes sur la couverture du territoire par la TNT. Il me semble que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale leur apporte une réponse satisfaisante.
L’État consacrera 333 millions d’euros sur trois ans au déploiement de la TNT, dans la droite ligne de ce qu’a voulu le Sénat en première lecture. L’Assemblée nationale a prolongé cet effort en prévoyant 56 millions d’euros supplémentaires.
Par ailleurs, l’augmentation des puissances a un impact significatif sur l’amélioration de la couverture des territoires les plus défavorisés. J’ai communiqué les chiffres, département par département, à la commission. Ces données sont naturellement publiques.
Je sais que le besoin d’équité territoriale est important. Jacques Blanc, qui nous a parlé de la Lozère, a insisté sur ce point.
S’agissant du cofinancement des émetteurs, je me réjouis de constater que certains d’entre vous sont d’ores et déjà demandeurs. Nous aurons besoin de fixer une date limite pour le dépôt des demandes afin de nous assurer que les émetteurs complémentaires sont bien mis en place. En effet, les foyers qui seront couverts par ces émetteurs n’auront du coup pas droit à l’aide à la parabole et nous ne voudrions pas les en priver avant d’être certains qu’ils ont bien une autre solution. Un délai de neuf mois pour savoir si l’on se dirige vers l’une ou l’autre des deux solutions semble assez protecteur.
Un montant maximal et un montant minimal de cofinancement seront fixés en fonction des subventions accordées par l’État pour financer les paraboles dans le secteur géographique considéré. Plus la population concernée est importante, plus le cofinancement sera attractif, ce qui semble assez logique si l’on veut une mise en œuvre la plus intelligente possible.
Nous serons particulièrement attentifs à ce que, dans le cadre du cofinancement, les dépenses des collectivités soient des dépenses d’investissement. Le coût usuel pour un émetteur se situe entre 7 500 euros et 15 000 euros, pour un émetteur de taille moyenne.
Les commissions territoriales, nées d’une initiative de Pierre Hérisson, permettront une meilleure concertation, une meilleure anticipation et, surtout, un meilleur échange d’informations en amont sur tous ces sujets.
Michel Teston a opposé la notion de couverture minimale à celle de couverture maximale. Le terme « minimal » est mal choisi, j’en conviens : il frappe l’oreille de manière négative, mais, dans cette proposition de loi, il signifie « couverture garantie » et ne désigne pas la couverture la moins étendue possible.
En fait, cette disposition vise à sécuriser la liste complémentaire de 1 626 sites proposée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui s’avère très positive, puisqu’elle a permis d’augmenter le nombre de sites numérisés. Vous le voyez donc, « minimal » n’a pas le sens de « minimum », monsieur le sénateur.
En ce qui concerne la montée en débit des territoires et le très haut débit, certains d’entre vous, comme Hervé Maurey ou Michel Teston, ont souligné que l’on ne pouvait pas développer le très haut débit s’en s’assurer au préalable que l’ensemble des territoires disposaient déjà d’un accès au haut débit dans des conditions satisfaisantes.
Tel est l’objectif visé par le label « Haut débit pour tous » qui vient d’être lancé. Il s’agit d’un service minimum, je dirais même d’un service d’urgence, car je souscris aux propos de tous ceux d’entre vous qui ont souligné la nécessité de développer le haut débit, compte tenu du très grand bénéfice qu’il apporte. Ce service d’urgence permettra donc aux foyers des zones les plus reculées de disposer, généralement grâce à une offre satellitaire, d’un accès internet pour moins de 35 euros par mois tout compris, c’est-à-dire en incluant la location éventuelle du matériel.
Cet appel à projets a été « calé » sur un minimum de 512 kilobits par seconde, mais les candidats à ce label proposent déjà, ils nous l’ont dit, 2 mégabits par seconde. Ce débit sera certainement appelé à augmenter au fur et à mesure, c’est pourquoi il me semble dangereux de fixer un minimum dans la loi.
Par ailleurs, le texte adopté par l’Assemblée nationale demande un rapport et des propositions concrètes pour la montée en débit des territoires : j’y travaille actuellement avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Nous confirmons ainsi nos engagements sur l’accès de tous les Français au haut débit.
Telle est la réponse que je souhaite apporter ici à ceux d’entre vous qui, comme Michel Teston ou Mireille Schurch, privilégient l’approche du service universel.
Cette approche était adaptée pour le téléphone, mais il ne nous semble pas qu’elle le soit de la même manière pour le haut débit.
Le processus doit être progressif : la migration vers le très haut débit permettra aussi de faire monter en débit nos territoires, à condition, bien sûr, que les crédits restent réutilisables par la suite pour le très haut débit.
L’identification d’un certain nombre de fonds par la commission du grand emprunt national participe aussi de ce mouvement et constitue un espoir formidable.
Permettez-moi de revenir sur quelques ordres de grandeur. Certains d’entre vous ont cité des montants allant de 30 à 40 milliards d’euros pour la seule fibre optique. Je ne souscris pas à ces chiffres. En effet, après étude attentive, il apparaît que ce montant sera en fait amené à diminuer dans les prochaines années, à mesure que les investissements dans la fibre optique prendront de l’importance.
Par ailleurs, un certain nombre de foyers auront accès aux services de très haut débit grâce aux fréquences du dividende numérique. Tel est d’ailleurs bien l’objet du basculement vers la télévision numérique avec l’extinction de la diffusion en mode analogique. Pour ces foyers, la fibre optique ne sera certainement pas adaptée, car il faut savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette solution ne convient pas à toutes les situations et partout.
Pour répondre très précisément à M. Maurey, le besoin de financement pour la fibre optique dans les quinze prochaines années s’élève, selon nous, à 15 milliards d’euros, compte tenu des éléments que je viens de mentionner. Cette somme est globale et concerne toutes les zones, les plus denses comme les moins denses.
Ce financement sera, bien sûr, partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les investisseurs privés : par exemple, dans les zones les plus denses, les investisseurs privés interviendront seuls. L’État n’aura donc pas à trouver 15 milliards d’euros.
Certains d’entre vous, comme Michel Teston et Mireille Schurch, estiment qu’il faut taxer les opérateurs pour abonder le fonds. À ce stade du développement des réseaux, cette approche nous semble très contre-productive, car elle aboutirait à un ralentissement des investissements. Or l’État ne peut pas assumer seul le financement de la fibre optique, et ce ne serait d’ailleurs pas légitime, puisque certains de ces investissements sont totalement rentables pour le secteur privé seul.
Les investisseurs privés devraient, à eux seuls, dans les six prochaines années, investir plus de 3 milliards d’euros. Par exemple, Free s’est engagé à investir, d’ici à 2012, 250 millions d’euros et nous avons mandaté la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre du volet numérique du plan de relance, pour 750 millions d’euros.
Dans ces conditions, vous comprenez bien que les deux milliards d’euros identifiés par la commission pour le grand emprunt national doivent permettre un effet de levier maximal sur un investissement privé d’ores et déjà prêt à se déployer.
Les collectivités locales, les fonds structurels européens représentent déjà, depuis quelques années, un investissement de plus de 1 milliard d’euros.
En fait, au total, entre 6 milliards et 7 milliards d’euros d’investissement sont déjà mobilisés en faveur du très haut débit pour les prochaines années, soit la moitié des 15 milliards que j’évoquais.
Il est donc clair que nous devrons relancer l’investissement en faveur du très haut débit. Laissons-nous cependant le temps de le faire, d’autant plus que la consommation de ces crédits ne peut pas être immédiate. En effet, si nous disposions dès aujourd’hui de ces 15 milliards d’euros, nous ne pourrions pas les consommer très rapidement, car ces travaux nécessitent une planification…