Je partage tout ce qui a été dit sauf peut-être l'avis du président Munerot sur la situation des micro-entrepreneurs. Sur la question de l'accompagnement mis en oeuvre dès le mois de mars pour les indépendants, nous sommes unanimes pour dire qu'un travail important a été fait et plutôt bien fait. Il est extrêmement compliqué de mettre en place un tel fonds de solidarité de façon intelligente, sans créer d'effets d'aubaine. L'UAE a largement participé à quelques évolutions qui nous semblaient indispensables dans la mise en oeuvre de ce fonds, notamment concernant la valeur de référence et la disposition calendaire de prise de référence pour le chiffre d'affaires déclenchant le fonds de solidarité.
La situation est aujourd'hui paradoxale, puisqu'elle est devenue plus hétérogène encore que pendant le premier confinement. Le gouvernement a drastiquement réduit le fonds de solidarité dès la fin du printemps au bénéfice d'une hypothétique reprise qui s'est plus ou moins profilée à partir du mois de juin. On s'est rapidement aperçu qu'un certain nombre d'activités pouvaient reprendre quand d'autres étaient toujours « interdites » administrativement et devaient donc continuer de bénéficier du fonds de solidarité. Dans le même temps, tous ceux qui le pouvaient ont largement recommencé à travailler.
À l'UAE, nous avons la chance de pouvoir analyser, grâce au concours d'une fondation, une cohorte d'auto-entrepreneurs et micro-entrepreneurs. Nous nous sommes aperçu dès le mois de mai que 87 % des indépendants souhaitaient reprendre. Pour des raisons administratives, une part seulement a pu le faire. Le paradoxe est apparu quand un certain nombre de travailleurs indépendants ont repris leur activité, sans recevoir d'aides mais sans pour autant retrouver un revenu suffisant, comparable à celui du mois de janvier ou février 2020. L'idée d'un fonds de solidarité de secteur 1 et de secteur 2 est alors apparue, ainsi qu'une tentative de sectorisation par rapport au code APE attribué par l'INSEE, avec toutes les difficultés que cela comportait.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Avec ce nouveau confinement, une large part des travailleurs indépendants bénéficient à nouveau d'un fonds de solidarité à un meilleur niveau que celui du mois de mars. Cependant, une part que nous évaluons à la moitié ont repris leur activité sans pouvoir bénéficier du fonds de solidarité et sans retrouver leur niveau de revenu, tout en dépassant le seuil minimum pour bénéficier dudit fonds. La moitié, donc, n'ont pas d'aides mais n'ont pas non plus des revenus leur permettant de maintenir leur activité de façon pérenne. Nous pensons qu'il est indispensable, non de les faire tomber dans la trappe de la cessation de l'activité ou sous les 50 % de chiffre d'affaires relatif, mais de les accompagner pour qu'ils aient un complément qui les fasse tenir. La plupart n'ont qu'une faible, voire aucune, capacité d'emprunt et n'ont aucune trésorerie disponible. Le moindre accident de parcours met en péril leur activité économique. Faute de clientèle suffisante, leurs perspectives sont soit de repasser sous la barre des 50 % et de bénéficier du fonds, soit d'interrompre leur activité, soit de ne pas survivre. La difficulté est de trouver un dispositif qui seconde le fonds de solidarité en vue d'une relance, de l'ordre de 500 à 1 000 euros par mois, pour une population qui fait en moyenne 10 000 euros de chiffre d'affaires annuel. Cela permettrait au plus grand nombre de tenir le choc.
Deuxième sujet, celui de l'arsenal juridique dont nous disposons en droit français concernant le droit des difficultés d'entreprise. Le dispositif est très abouti, depuis la loi de 1967 sur les faillites, de 1984 sur la prévention des difficultés des entreprises, et aujourd'hui par le biais de tribunaux de commerce ou civils, de moyens permettant d'accompagner la difficulté, mais nous n'avons pas de dispositif équivalent au « Chapter 11 » anglo-saxon et américain du nord, qui permet, en cas de crise majeure, à tout entrepreneur de se placer sous la protection de l'État en suspendant les poursuites de ses créanciers, qu'ils soient privés ou publics, privilégiés ou chirographaires, afin de poursuivre son activité et de bénéficier d'une bulle d'air sans être harcelé par ses dettes passées. Les très petits entrepreneurs ont une masse de dette conséquente, ce qu'a esquissé Frédéric Lavenir. Nous pensons qu'une démarche de ce genre permettrait de mieux engager un plan de relance, même si elle est temporaire. Elle serait accompagnée d'une démarche financière de relance qui vienne compléter le fonds de solidarité pour ceux qui n'en bénéficient pas mais ont fait le choix courageux de reprendre, pour sauver un certain nombre d'indépendants qui risquent la faillite dans les quelques mois qui viennent.