Mes chers collègues, la semaine dernière, les présidents de CCI France International, du comité national des conseillers du commerce extérieur (CCE) de la France, de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) ainsi que de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) ont souligné la fragilité des entreprises françaises à l'étranger (EFE).
Depuis le début de la crise sanitaire, à laquelle s'est ajoutée la crise économique, certaines d'entre elles ont déjà fermé et un nombre significatif d'auto-entrepreneurs sont rentrés en France avec leur famille.
Quatre constats préliminaires peuvent être établis.
Premièrement, il n'existe toujours pas de recensement de ces entreprises de droit local mais créées par des Français avec des capitaux français. Il n'en existe pas davantage de définition juridique ou économique. D'ailleurs, de nombreuses entreprises « françaises », et d'abord les plus grandes d'entre elles, sont aujourd'hui mondialisées avec un siège « nominal » sur notre territoire mais avec des stratégies de plus en plus internationales. La nationalité de l'entreprise serait aujourd'hui un vaste sujet de réflexion. Ne serait-il pas possible de transposer à ces entreprises françaises à l'étranger la logique du « bénéficiaire effectif », ce dernier étant défini dans la directive 2015/849/UE du 20 mai 2015 comme la ou les personnes physiques qui possèdent ou contrôlent, directement ou indirectement, une entreprise ? A minima, l'INSEE ne peut-elle établir une méthodologie pour recenser ces entreprises, à charge ensuite au réseau de CCI France International, aux conseillers du commerce extérieur, à Business France et aux élus représentant les Français de l'étranger de constituer des comités nationaux d'instruction afin d'identifier ces EFE et d'instruire leurs demandes d'aide selon des critères objectifs ?
Deuxième observation : les flux économiques que ces entreprises génèrent ainsi que leur contribution à la balance commerciale sont par conséquent et fort logiquement, peu connus. La littérature économique est muette à ce sujet. L'INSEE a certes réalisé en 2017 une enquête européenne sur l'activité des filiales étrangères des groupes français (« Ofats ») auprès d'un échantillon de firmes multinationales françaises contrôlant au moins une filiale à l'étranger en 2016, mais, par définition, ce n'est pas le sujet qui nous occupe.
Troisième observation : tous les Français ont droit à la solidarité nationale, qui ne s'exprime pas seulement par le paiement des impôts directs et inclut les Français qui ne contribuent pas directement mais indirectement aux recettes de l'État. Pendant cette crise sanitaire, le Gouvernement vient en aide aux Français de l'Hexagone et d'Outre-mer, notamment grâce aux mesures de chômage partiel et aux aides personnalisées en mobilisant 500 milliards d'euros, comme l'a annoncé le chef de l'État le 14 juin 2020, pour lutter contre les conséquences de la Covid-19. Or, à ce jour, si les 67 millions de Français résidant sur notre territoire ou en Outre-mer peuvent bénéficier de ce soutien exceptionnel, les Français de l'étranger qui représentent 5,36 % n'ont à ce jour reçu que 250 millions d'aide exceptionnelle; et encore : 100 millions de ce montant constituent une aide remboursable. Or, parmi les 100 milliards d'euros en deux ans du plan de relance présenté le 3 septembre dernier, rien n'est prévu pour les entrepreneurs français à l'étranger.
Quatrième observation : en réponse à ma question d'actualité du 1er juillet dernier, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, M. Jean-Baptiste Lemoyne, avait annoncé un « volet complémentaire, à destination des entrepreneurs, dont certains ne bénéficient pas d'aides locales ». Toutefois, ni la 3ème loi de finances rectificative de juillet dernier, ni l'actuelle loi de finances pour 2021 ne contiennent un tel volet. Cet engagement pris devant le Sénat serait-il caduc ?
Nos interlocuteurs ont ensuite évoqué plusieurs pistes et nous souhaiterions vous entendre, en tant qu'opérateurs et acteurs de l'activité économique internationale, sur leur faisabilité.
Un fonds de solidarité pour les EFE avec des prêts participatifs de l'État peut-il être mis en place ? La garantie de 160 millions d'euros au bénéfice des seules entreprises privées africaines interroge. Qui sont les bénéficiaires de ce fonds et pourquoi une telle discrimination ?
Peut-on mettre en place des crédits fournisseur qui garantiraient les entreprises françaises à l'export afin qu'elles consentent de plus longs délais de paiement aux entreprises françaises basées à l'étranger ?
Pourrait-on étendre le dispositif ARIZ qui deviendrait une sorte de « PGE pour EFE » ? Cette garantie en perte finale, proposée aujourd'hui par l'AFD aux institutions financières, est insuffisante (50 à 75 % d'un prêt) et se limite à quelques pays africains. Son extension à tous les pays, associée à une meilleure garantie via Bpifrance, aiderait considérablement les EFE.
Que pensez-vous du projet de structure commune aux CCI et CCE pour encourager le recrutement de volontaires internationaux en entreprise (VIE) et renforcer l'accessibilité à cette ressource humaine aux PME et TPE ?
Voici les constats que je souhaitais partager avec vous et les premières questions que je pose aux intervenants sollicités pour participer à cette table ronde, que nous souhaitons constructive.
Nos entrepreneurs Français à l'étranger ont repris espoir à l'annonce de cette mission flash. Nous sommes tous tellement reconnaissants au président Babary d'avoir accepté de prendre ce sujet à bras le corps. Nos entrepreneurs attendent des mesures concrètes et mises en place de façon urgente. Ils sont au bout de ce qu'ils peuvent supporter. Ne les obligeons pas à un rapatriement dramatique qui coûtera bien plus cher au budget de l'État. Nous perdrions ainsi des parts de marché à l'international si durement gagnées. L'image de la France, son rayonnement, sa place en seraient durement affectés. Quelle puissance mondiale abandonnerait ainsi certains de ses enfants au seul prétexte qu'ils sont courageusement partis porter nos couleurs à l'étranger ? Donnons-leur les moyens de reconstituer leur trésorerie pour leur permettre d'amplifier la présence de la France à l'étranger.