Le programme 144 voit ses crédits progresser plus que la moyenne du ministère, avec une hausse de 8,9 %. Cette augmentation profite aux deux volets principaux du programme, à savoir le renseignement, sur lequel Yannick Vaugrenard reviendra dans quelques instants, et les crédits d'études amont.
Les crédits d'études amont progresseront de 80 millions d'euros, pour s'établir à 901 millions d'euros. Ces crédits commenceront en 2021 à financer le nouveau Fonds d'innovation Défense (FID, Ex-Definnov), qui atteindra à terme 200 M€. Sa montée en puissance se fera sur 5 ans. Comme prévu, ce fonds pourra intervenir dans des tours de table d'entreprises innovantes de la défense, jusqu'à 10 % de son encours. Il est à noter que ce montant de 200 M€ serait un socle minimal, auquel pourraient venir s'ajouter la participation d'autres acteurs publics ou privés, ce qui pourrait éventuellement permettre d'envisager des tickets par opération d'un montant supérieur.
Ce nouveau Fonds d'innovation Défense va dans le bon sens. Mais il ne saurait régler le fond du problème : les difficultés croissantes qui pèsent sur le financement des entreprises de la défense, conduisant les plus fragiles à péricliter ou à être rachetées par des acteurs étrangers.
De façon de plus en plus forte, les entreprises de la BITD font état des difficultés qu'elles rencontrent à se financer auprès du secteur bancaire, désormais quels que soient la taille de l'entreprise et son secteur d'activité (terrestre, aéronautique, naval). De très beaux noms de la BITD sont maintenant aussi concernés.
Les causes sont multiples :
- il n'est jamais facile, pour une entreprise, d'aller se plaindre de son banquier aux autorités de régulation ou même à la justice. C'est encore moins aisé dans le secteur de la défense, qui travaille en général dans la discrétion ;
- des éléments factuels incitant les banques à la prudence. On pense en particulier aux sanctions extraterritoriales américaines, qui avaient par exemple frappé BNP Paribas d'une amende de 9 milliards d'euros en 2014. Nous avons déjà évoqué ce sujet qui renvoie tout simplement à notre souveraineté ;
- l'action d'ONG qui veulent orienter l'opinion publique dans le sens d'une hostilité croissante aux ventes d'armes, et en définitive même à leur production.
A ce stade, nous pensons que pour faire évoluer la situation, il faut agir dans trois directions :
- établir un réel dialogue, autour des représentants de l'Etat (en particulier la DG Trésor, le Médiateur national du crédit et l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR)), entre les entreprises de la BITD et les banques ;
- faire comprendre, au-delà de la communauté de défense, la relation directe entre l'existence de la BITD et la souveraineté nationale ;
- oeuvrer à défendre notre souveraineté économique, en nous soustrayant aux régimes de sanctions extraterritoriales ou en développant des solutions nationales de financement, par exemple à travers des fonds d'investissement privés d'un genre nouveau. Notons tout de même, à ce sujet, que nous Européens sommes aussi en train de définir une extraterritorialité, par exemple en matière de lutte contre le blanchiment et le terrorisme.
C'est un vaste sujet et nous ne pouvons l'épuiser ici : il nous faudra continuer à nous mobiliser sur ces questions fondamentales.
Enfin, je voudrais signaler très brièvement que nous avons été étonnés et choqués de découvrir la réduction de voilure de notre réseau de missions militaires à l'étranger, dans des postes très sensibles (Alger, Tunis, Amman, Tbilissi (qui couvre l'Arménie et l'Azerbaïdjan)), ou même Londres et Moscou. C'est un contresens total, dans le contexte actuel. On cherche à économiser quelques centaines de milliers d'euros quand le budget de la mission augmente d'1,6 milliard d'euros !
Voici donc les réserves et les nuances qu'il me paraissait utile d'apporter à ce budget du programme 144 qui reste, sur le plan budgétaire, positif car marqué par un accroissement sensible des crédits.