Nous sommes réunis, comme cela a été rappelé, pour examiner les dispositions restant en discussion des projets de loi organique et ordinaire relatifs au report des élections législatives, sénatoriales et municipales partielles ainsi que celles des membres d'une commission syndicale.
Je souhaiterais, en premier lieu, souligner que nos deux assemblées ont été animées, au cours de leurs travaux, du même souhait de renouveler leur soutien aux élus locaux en cette période de crise sanitaire. Ces derniers, en prise directe avec les attentes et les besoins de nos concitoyens, ont garanti par leurs efforts constants et leur disponibilité sans faille la continuité de la vie démocratique locale. En tant que parlementaires, nous y avons également contribué dans nos circonscriptions, mais surtout dans nos assemblées qui n'ont cessé de se réunir au cours des neuf derniers mois pour prendre les mesures exceptionnelles qu'imposait l'épidémie de la Covid-19.
Parmi ces mesures, la modification du calendrier électoral a été nécessaire à plusieurs reprises de manière à limiter le plus possible les risques de propagation du virus à l'occasion des campagnes électorales ou de la tenue des scrutins. Nous avons ainsi dû reporter plusieurs scrutins, en particulier le second tour des élections municipales.
Ces décisions de report ont été fondées sur une seule considération : la meilleure conciliation possible des principes de sincérité du scrutin et de préservation de la santé publique. La recherche de cet équilibre a permis à nos deux assemblées de toujours s'accorder sur une position commune dans l'intérêt des candidats et des électeurs. Nous pouvons nous féliciter de cet esprit de dialogue et de cette recherche de compromis qui caractérise nos commissions mixtes paritaires, dont nous nous apprêtons à faire à nouveau preuve aujourd'hui, et je remercie sincèrement mon homologue du Sénat pour nos échanges.
Nous avons ainsi été vigilants, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, sur les modalités de ces reports. Leur durée a toujours été la plus limitée possible dans le temps au regard des prévisions dont nous pouvions disposer. Les avis du comité de scientifiques nous ont, à ce titre, été utiles pour apprécier l'évolution de la situation sanitaire en France et dans le monde. Nous avons également été attentifs à ce que les candidats et les électeurs soient correctement informés tant sur les dates des scrutins que sur les modalités de leur déroulement.
Nous avons adopté des mesures pour pallier la difficulté de faire campagne dans ce contexte exceptionnel - comme l'assouplissement des règles de financement de la campagne électorale ou le développement de la propagande en ligne - et avons veillé à ce que le protocole sanitaire des bureaux de vote soit constamment renforcé.
Nous avons enfin encouragé la participation des électeurs en facilitant le recours aux procurations par le biais de deux mesures : le doublement des procurations par mandataire et la possibilité pour les officiers de police judiciaire (OPJ) d'établir ou de retirer à domicile les procurations des personnes qui ne pouvaient se déplacer. Nous devrons peut-être, à l'avenir, préciser davantage le champ des « personnes vulnérables » concernées si nous souhaitons réutiliser ce dispositif lors de prochaines échéances électorales.
Ces mesures doivent aujourd'hui nous inspirer alors que nous sommes confrontés à une seconde vague massive de contaminations. Vous le savez, cette situation a justifié que l'état d'urgence sanitaire, déclaré par le Gouvernement le 17 octobre dernier, soit prolongé jusqu'au 16 février 2021. Je rappelle que nous enregistrons toujours plus de 10 000 nouvelles contaminations par jour et que presque l'ensemble des départements français demeure en situation de vulnérabilité élevée. Dans le contexte épidémiologique actuel, l'organisation d'élections partielles dans un délai de trois mois à la suite de la vacance d'un siège de parlementaire ou de conseiller municipal serait très difficile, voire impossible. Il nous faut donc adopter rapidement les dispositions nécessaires pour permettre le report de ces échéances électorales.
C'est cet objet très circonscrit que traitent les deux projets de loi présentés par le Gouvernement. Ces derniers permettent en effet de déroger au délai de droit commun de trois mois pour organiser les partielles à venir « dès que la situation sanitaire le permet », notamment au regard des recommandations du comité de scientifiques Covid-19, et au plus tard le 13 juin 2021.
En première lecture, l'Assemblée nationale a complété ces dispositions sur deux points : d'abord, nous avons introduit en commission des Lois la possibilité pour chaque mandataire de disposer de deux procurations au lieu d'une seule, comme le prévoit le droit en vigueur. Cette disposition avait déjà été adoptée pour le second tour des élections municipales du 28 juin dernier, et elle devrait permettre de renforcer la participation, notamment des personnes fragiles au regard du virus.
D'autre part, nous avons adopté un amendement du Gouvernement - qui répondait à une demande de la Commission - permettant de majorer le plafond des dépenses de campagne si la durée de cette dernière se trouvait allongée.
Je me réjouis que, sur ces deux points, le Sénat soit en accord avec l'Assemblée nationale. La rapporteure du Sénat a d'ailleurs utilement complété ces dispositions en permettant que les officiers de police judiciaire (OPJ) se déplacent au domicile des personnes vulnérables pour établir ou retirer les procurations et en précisant que les équipements de protection des bureaux de vote seraient pris en charge par l'État. Je me rallie à ces ajouts qui reprennent des mesures que nous avions adoptées pour le second tour des élections municipales.
Sur les autres points restant en discussion, nous sommes également parvenues à un compromis qui me semble équilibré. Nous souhaitons rétablir la date du 13 mars 2021 jusqu'à laquelle les vacances de siège constatées pourront donner lieu à des élections partielles jusqu'au 13 juin 2021, et ce pour trois raisons.
La première est que le Sénat a donné les moyens concrets au Premier ministre ou au préfet d'organiser effectivement l'élection partielle concernée « dès que la situation sanitaire le permet » en fondant explicitement cette décision sur les données épidémiologiques locales qui devront être rendues publiques par les ARS tous les quinze jours. Ce suivi précis et transparent permettra de convoquer les électeurs le plus tôt possible au regard des circonstances locales. Par ailleurs, le Sénat a également prévu qu'à la suite du refus opposé à la demande d'un électeur que l'élection soit organisée, ce dernier puisse saisir le juge des référés dans un délai de quinze jours s'il considère que le report n'est pas justifié. Il n'y a donc plus de risque que l'élection soit reportée pour d'autres motifs que la seule situation épidémiologique locale.
Deuxièmement, la date du 16 février 2021 laissait peu de marge en cas de difficultés sanitaires persistantes dans certains territoires : entre les vacances scolaires du mois d'avril et les jours fériés du mois de mai, il nous a semblé qu'il convenait de conserver un peu de latitude pour organiser ces élections partielles. C'est d'ailleurs tout l'objet de ces deux textes.
Enfin, la date du 16 février couplée à la date butoir du 13 juin pouvait avoir un « effet de bord » un peu paradoxal : une élection partielle au titre d'une vacance constatée le 15 février, bénéficiant du régime dérogatoire, aurait pu être organisée plus tardivement qu'une élection partielle pour une vacance constatée, par exemple, le 17 février, qui aurait été soumise au délai de trois mois. Cela ne nous a pas semblé assurer pleinement le respect du principe d'égalité devant le suffrage.
Je souhaiterais, pour conclure, souligner la qualité des dispositions introduites par le Sénat, qui rendent acceptable le report des élections partielles en permettant de mieux l'objectiver ou, le cas échéant, de le contester. Il me semble qu'au travers du texte de compromis que nous vous proposons, nos deux assemblées auront fait oeuvre utile en améliorant les rédactions initiales proposées par le Gouvernement - comme nous en avons l'habitude - et en défendant avec force la continuité de notre vie démocratique. Je me félicite que le Parlement français sache s'entendre quand il y a urgence et nécessité de défendre notre démocratie et la République. Je vous remercie.