Le temps qui m'est imparti pour répondre étant assez court, je m'engage à répondre par écrit aux questions auxquelles je n'aurai pas répondu.
Nous allons mener une réflexion sur le financement de la garde des petits enfants, une question que nous nous devons d'aborder par le prisme non pas du financeur ou du décideur, mais des bénéficiaires - parents et enfants. J'ai envie de remettre les parents au centre de cette question, qui est compartimentée, éclatée. Alors certes, il ne faut pas tout unifier, mais il convient de retrouver un peu d'unicité, avec, comme boussole, les parents et leurs enfants. Car la question principale est bien le reste à charge pour les familles, derrière laquelle se trouve la question de la liberté de choix des parents. Je ne pense pas qu'un mode d'accueil soit mieux ou moins bien qu'un autre. Tout dépend de l'enfant, de sa vie, de son développement et son âge, mais aussi des parents. Notre modèle propose différents modes de garde aux parents, pour lesquels les restes à charge sont très variés. Pour certains, la liberté de choix n'existe pas.
Les dispositifs que nous avons bâtis sont complexes, structurants pour les familles, les collectivités locales, les porteurs de projets... Nous devons donc y réfléchir tous ensemble, avec les parties concernées. C'est ce que la CNAF commence à faire, car nous sommes arrivés au bout d'un système.
La création de places de crèche est une question importante. Notre pays n'en a pas assez. Or nous connaissons le rôle social des crèches dans certains quartiers. Certes, nous sortons d'une période électorale, suivie de grandes périodes de confinement, mais cela n'explique pas tout.
Concernant le congé parental - les 1 000 jours -, il s'agit là aussi d'une réforme structurelle, que nous devons bien étudier. Je souhaite missionner deux personnalités pour mener la réflexion, dont l'une sera certainement issue du monde de l'entreprise. Plusieurs rapports existent déjà sur ce point, nous devons étudier les exemples étrangers, car certains pays ont dix ans d'avance sur nous et ont déjà tiré des enseignements du passé.
J'ai bien noté que la Cour des comptes avait retoqué la question du congé des assistantes familiales. Il s'agit d'un sujet que nous abordons dans les concertations que nous menons actuellement : leur offrir du répit. Cette question sera traitée de manière législative ou réglementaire, afin qu'elle ait une base légale.
Concernant la formation, la recherche et la diffusion, je vous rejoins totalement, madame Doineau, s'agissant de la protection de l'enfance.
Madame Meunier, les problèmes que rencontre le site Pajemploi nous ont été remontés ; nous avons saisi la CNAF qui s'en occupe.
La question du délaissement parental dépend essentiellement de la Chancellerie. La proposition de loi visant à réformer l'adoption, si elle ne traite pas directement de cette question, revalorise l'adoption simple. Cependant, il est vrai que, sur le terrain, c'est plus compliqué, non seulement pour des raisons de culture, mais aussi de position des juges.
Nous enregistrons, entre 2018 et 2020, une augmentation de 72 % des délaissements parentaux prononcés, passant de 240 à près de 500. Par ailleurs, 40 % des entrées dans les statuts de pupille de l'État font suite à un délaissement parental.
Madame Guidez, je vous remercie de vos remerciements concernant la dérogation accordée aux colonies de vacances, qui n'est pas encore officielle. Mais la nouvelle est arrivée jusqu'à vous, j'en suis ravi. Cette dérogation était importante.
Le plan relatif au harcèlement scolaire, présenté par Jean-Michel Blanquer, met en place un certain nombre de dispositifs. Je partage cependant votre inquiétude, les actes de cyber-harcèlement ayant beaucoup augmenté pendant le confinement. Hier encore, e-Enfance, l'association qui gère la plateforme de signalements, a confirmé l'augmentation du nombre d'appels pendant le second confinement, alors même que les écoles sont ouvertes. Espérons que cette augmentation est aussi due à davantage d'appels des enfants eux-mêmes.
Un travail de prévention doit être mené, notamment en exigeant une responsabilisation plus importante des plateformes. Cette question nous renvoie à d'autres débats visant à sanctionner d'autres types de comportements en ligne, tels que le revenge porn. La possibilité pour les plateformes de repérer et de mettre fin à ces comportements en ligne existe, mais elles doivent être plus proactives.
Madame Lassarade, je garde un très bon souvenir de ma visite dans l'unité mère-enfant à Bordeaux. Vous avez raison, la dimension sociale prend souvent le pas sur la psychiatrie. C'est la raison pour laquelle, nous devons revaloriser le rôle des techniciens de l'intervention sociale et familiale (TISF) dans l'accompagnement à la parentalité, et ce de façon très précoce, afin d'appréhender au mieux la problématique sociale, qui ne doit pas être prise en charge par d'autres professionnels.
La psychiatrie est effectivement un sujet de préoccupation majeure. J'ai effectué une cinquantaine de déplacements sur le territoire depuis ma prise de fonctions, et à chaque fois les questions relatives à la pédopsychiatrie et aux délais d'attente d'un an dans les centres médico-psychologiques (CMP) ont été abordées.
Sachez que nous faisons notre possible pour pallier l'urgence. Dès qu'Agnès Buzyn a présenté en 2018 la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie », 80 millions d'euros ont été fléchés vers la pédopsychiatrie et les agences régionales de santé (ARS) ont été dotées de deux fonds régionaux, dont le fonds d'innovation organisationnelle, créé en 2019, pour la psychiatrie et la santé mentale de l'enfant et de l'adolescent, pour financer des projets, des équipes mobiles, la création de places dans des hôpitaux de jour, etc. Par ailleurs, en 2019-2020, nous avons créé deux fois dix postes de chefs de clinique, afin de remonter des filières - cela va prendre six ou sept ans.
Par ailleurs, a été prévu dans le Ségur de la santé, le financement de 120 postes de psychologues pour les CMP. Enfin, des expérimentations sont en cours, notamment sur le rôle que les psychologues pourraient jouer en termes d'accompagnement lors d'un parcours de soins.
Concernant le rôle des grands-parents, sachez que la députée Olga Givernet m'a saisi de cette question, que je n'avais pas forcément reliée au congé parental - avec la présidente de l'association École des grands-parents européens. Au-delà de ce congé, le rôle des grands-parents dans notre société est une vraie question, que nous ne devrions pas appréhender par le seul prisme de la dépendance. Ils ont un vrai rôle social à jouer. Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) mène d'ailleurs également une réflexion sur ce sujet.
S'agissant de l'enfance en danger, la crise a permis d'accélérer un certain nombre de chantiers qui étaient nécessaires, tels que le renforcement des « staffs » et des moyens. Par ailleurs, depuis mon arrivée au ministère, l'État et les départements ont renforcé les moyens du numéro unique, ont accéléré la mise en ligne d'un formulaire. Par ailleurs, un projet de tchat doit voir le jour dans les prochains mois, lié au 119, et nous avons accéléré l'accessibilité du 119 pour les sourds et les malentendants.
J'ai envie de croire que le réflexe « 119 » s'est installé pendant la crise, mais nous avons, quoi qu'il arrive, encore beaucoup de travail. Nous avons d'ailleurs constaté, lors des confinements, une augmentation du nombre des appels en provenance de camarades d'enfants en difficulté. Le nombre d'appels de ces derniers n'a, quant à eux, pas augmenté. Une association de protection de l'enfant a effectué un sondage qui montre que la notoriété du 119 reste faible.
Concernant les UAUP, nous en comptons aujourd'hui 60 sur le territoire, et l'une des mesures du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, que j'ai présenté l'année dernière, en prévoit a minima une par département, d'ici à 2022. Depuis l'année dernière, neuf unités ont été créées, notamment à La Réunion, et douze sont en cours de création.
Nous continuons cette lutte, avec la Chancellerie qui est désormais totalement présente sur cette question, et les associations dont le rôle est toujours important, en particulier la fédération La Voix de l'enfant.
Monsieur Mouiller, concernant le bonus inclusion handicap, 7 millions d'euros ont été alloués, et un quart des crèches en ont bénéficié.
Vous m'avez demandé quelle était ma vision de la décentralisation. J'ai toujours considéré que la protection de l'enfance était une compétence partagée, mais aussi régalienne, au motif que la vie d'un enfant ne suit pas notre organisation administrative. La vie d'un enfant, c'est certes l'ASE, mais aussi l'école, la santé, sa sécurité et la PMI, bien entendu - vous savez l'affection que j'ai pour cette institution.
Les défaillances que nous avons pu constater dans le domaine la protection de l'enfance - et que nous constatons encore dans certains départements - sont liées soit à des départements qui ne sont pas à la hauteur, soit à l'État qui n'est pas au rendez-vous. C'est la raison pour laquelle cette compétence doit être partagée. Nous réussirons ou nous échouerons ensemble.
Lorsque ces enfants sont déscolarisés ou en échec scolaire, c'est parfois parce que l'État n'est pas au rendez-vous. De la même façon, vous nous remontez parfois des informations selon lesquelles le recteur académique n'est pas assez investi ou vous nous informez de difficultés avec l'ARS, alors que nous savons tous que la question de la santé des enfants de l'ASE ou en situation de handicap est prégnante. Ils ont une moins bonne santé que les enfants de leur âge : 25 % d'entre eux sont en maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Par ailleurs, la coopération interinstitutionnelle sur les territoires n'est pas très opérante. L'État doit donc se réinvestir, être au rendez-vous de ses compétences et responsabilités.
Un certain nombre de personnes préconisent une recentralisation. Je ne suis pas de celles-là. Nous avons choisi de renforcer le pilotage partagé de cette compétence, pour les raisons que je viens de vous exposer. Par ailleurs, nous devons être très modestes, quand nous parlons de recentralisation. Souvenons-nous du fonctionnement de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) et de la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep).
Tous les projets que nous avons évoqués ce matin sont élaborés en étroite collaboration avec l'Assemblée des départements de France ou en tout cas avec un certain nombre de départements.