Nous examinons un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) relatif à l'octroi du statut diplomatique aux fonctionnaires de l'OMS de grade P5 et supérieur du bureau de l'OMS de Lyon.
Cet accord, signé en décembre 2018 sous la forme d'un échange de lettres, fait suite à une demande de l'OMS exprimée en mai 2017. Il amende l'accord d'établissement du bureau de l'OMS de Lyon conclu entre la France et l'OMS en juin 2010 pour accorder le statut diplomatique aux fonctionnaires de grade P5 et supérieur du bureau de l'OMS de Lyon - donc un statut plus favorable. Ces fonctionnaires bénéficieraient ainsi des mêmes privilèges et immunités que leurs homologues du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), autre agence de l'OMS basée à Lyon depuis 1965.
Cette extension de privilèges et immunités vise à accroître l'attractivité du bureau de Lyon. Cette fois-ci, la France a donné son accord - une demande analogue formulée en 2008 par l'OMS n'avait pas abouti - car l'OMS en a clairement fait une condition pour opérer le recentrage stratégique du bureau de Lyon sur la gestion des laboratoires pour les crises sanitaires et pour son projet d'implantation, à Lyon, de l'Académie de l'OMS, qui a vocation à devenir un centre d'excellence mondial de formation continue pour tous les professionnels de santé, les cadres et les dirigeants, de l'OMS ou non.
Tout d'abord, il faut savoir que les fonctionnaires de grade P5 et supérieur visés par cet accord sont des administrateurs recrutés au niveau international qui disposent d'un niveau de compétence ou d'expertise élevé grâce à une grande expérience dans des domaines variés : gestion et appui aux opérations, développement économique et social, affaires politiques, paix et sécurité, informatique, affaires juridiques, communication, etc.
Ce nouvel accord va leur permettre de bénéficier du même traitement que les agents diplomatiques au sens de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, soit une inviolabilité et une immunité de juridiction totales pour les actes accomplis dans leurs fonctions, mais aussi pour tous les actes de leur vie privée. Ils bénéficieront également de privilèges fiscaux les exemptant de tous impôts et taxes, et ils seront notamment autorisés à acquérir un véhicule automobile en suspension de droits de douane et de taxe au moment de la prise de fonction. Une réserve, classique dans ce type d'accord, prévoit cependant que les fonctionnaires de grade P5 et supérieur de nationalité française ne bénéficieront de l'immunité de juridiction et de l'inviolabilité que pour les actes officiels accomplis dans l'exercice de leur fonction.
Les trois administrateurs de grade P5 et supérieur actuellement employés au bureau de l'OMS de Lyon sont de nationalité française et ne pourront donc pas bénéficier de cette extension des privilèges et immunités.
Le bureau de l'OMS de Lyon a été inauguré en 2001, après la conclusion d'une convention quinquennale en 2000 - constamment renouvelée depuis -, entre l'OMS et le Gouvernement français, les collectivités territoriales et la Fondation Mérieux. Il fait partie du département « Capacités mondiales, alerte et action » chargé de la coordination du Règlement sanitaire international. Sa mission est d'aider les pays à renforcer leurs systèmes nationaux de surveillance des maladies et de riposte, afin de renforcer, à terme, la sécurité en matière de santé publique à l'échelle internationale. L'OMS est actuellement engagée dans une réflexion visant à lui confier la gestion des laboratoires pour les crises sanitaires, ainsi que les voyages et contrôles au point d'entrée, ce qui revêt une importance toute particulière en pleine pandémie de covid 19. Ce recentrage stratégique s'accompagnerait du recrutement de sept agents supplémentaires au bureau de l'OMS de Lyon, qui passerait ainsi de 23 à 30 agents, conformément à l'engagement pris par l'OMS lors de sa dernière réunion bilatérale avec la France de novembre 2019.
S'agissant du projet d'implantation de l'Académie de l'OMS à Lyon, une déclaration d'intention a été signée par le Président de la République et le directeur général de l'OMS en juin 2019, et la France s'est engagée à soutenir le projet via des contributions de l'État, des collectivités territoriales et du secteur privé, pour un montant total de 90 millions d'euros.
L'Académie prévoit de former 60 000 personnes par an en présentiel et jusqu'à 10 millions d'apprenants par voie numérique à partir de 2023. Le recrutement du personnel de direction est en cours, et les cursus des quatorze cours dits de première génération ont été sélectionnés, avec l'objectif de proposer une centaine de cours d'ici 2023. Un nouveau bâtiment, dont la construction devrait débuter au printemps 2021, abritera l'Académie et le bureau de l'OMS. À terme, une centaine d'agents permanents internationaux et de haut niveau travailleront sur le site de l'Académie, générant des retombées économiques significatives.
Si l'on peut espérer que Lyon devienne le deuxième pôle international en santé mondiale après Genève, l'on peut aussi s'interroger sur l'avenir de l'OMS, qui avait déjà bien du mal, avant la crise de la covid 19, à régler ses difficultés de financement, son déficit de crédibilité et la concurrence de nombreux acteurs dans le domaine de la santé, dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme et des tensions entre les États-Unis et la Chine.
Pendant la pandémie de covid 19, la France, qui défend le multilatéralisme, a choisi d'apporter un soutien politique fort à l'OMS, qu'elle considère comme la seule organisation de référence pour gérer les crises sanitaires au plan international. La France a aussi largement augmenté la part de ses contributions volontaires, avec un financement de 50 millions d'euros supplémentaires pour l'organisation en 2020 et 2021.
La résolution sur la covid 19 adoptée par l'Assemblée mondiale de la santé en mai 2020 prévoit une évaluation indépendante de la riposte à la covid 19 coordonnée par l'OMS, à travers le Groupe indépendant sur la préparation et la riposte à la pandémie (GIPR). Sur la base du rapport final, qui sera remis en mai 2021, une réforme en profondeur de l'OMS pourrait alors être envisagée.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, car cet accord favorise les deux échéances prochaines que sont le renforcement par l'OMS des activités du bureau de Lyon et l'implantation de l'Académie mondiale de formation continue de l'OMS à Lyon, dont on peut attendre, outre des retombées économiques, un plus grand rayonnement de la France. La France a fait de l'accueil des organisations internationales sur son territoire une priorité. À ce jour, l'OMS n'a pas encore notifié son approbation du présent accord. L'examen en séance publique est prévu le mercredi 16 décembre 2020, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.