Intervention de Max Brisson

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 9 décembre 2020 à 9h00
Projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la république du bénin et à la république du sénégal — Examen en nouvelle lecture du rapport et du texte de la commission

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Merci, madame la rapporteure, pour votre constance et votre volontarisme sur ce sujet. Vous nous avez parfaitement expliqué pourquoi vous déposiez une motion tendant à opposer la question préalable. Comme vous l'avez rappelé, le Sénat a montré sa bonne volonté et son esprit d'ouverture. Nous avons voté à l'unanimité les articles 1er et 2 du projet de loi sur les restitutions. Malheureusement, l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont nullement cherché le compromis. La remise aux autorités malgaches de l'ornement du dais de la reine Ranavalona III, sans consultation ni information du Parlement, est choquante. Le Gouvernement a sa méthode et celle-ci est très éloignée de notre souhait d'une réflexion partagée sur le sujet.

Nous voterons la motion opposant la question préalable. Celle-ci semble s'imposer puisque nous sommes en opposition totale avec le Gouvernement, tant sur le fond que sur la forme. La question des restitutions ou plutôt des retours de biens culturels est une question complexe qui nécessite, pour la traiter, un temps d'approfondissement, car il convient de croiser des approches multiples : la dimension artistique et esthétique, une réflexion sur les origines des biens, etc. Il faut aussi s'interroger sur la question du retour au regard de notre conception universaliste des musées et de la culture. Nous devons aussi trouver les meilleures voies pour renforcer le dialogue des cultures, préciser les modalités d'accueil des objets transférés et de leur circulation. Il faut enfin s'interroger sur la question des dons, des legs, et de la protection des droits des donateurs et de leurs descendants.

Face à ces exigences, le Sénat réclame avec constance une démarche méthodique, scientifique et rigoureuse, mais le Gouvernement et l'Assemblée préfèrent une réponse au cas par cas et mettent en avant l'exigence de simplification. Mais, alors que les demandes vont assurément se multiplier, nous ne pouvons comprendre cette volonté de traiter ces questions dans l'urgence, voire la précipitation, en raison des seules considérations diplomatiques et selon le seul fait du prince. Cela constitue un dévoiement de notre législation multiséculaire et bafoue les droits du Parlement qui est mis devant le fait accompli par un transfert préalable des biens, sans étude ni réflexion préalables, suivi de la signature d'une convention de dépôt, laquelle précède une loi de ratification. Telle fut la procédure qui nous a été imposée pour le sabre attribué à El Hadj Omar Tall ou pour la couronne du dais de la reine Ranavalona III. Le Parlement est mis devant le fait accompli et la décision provient exclusivement de l'exécutif, au mépris de la séparation des pouvoirs. La précipitation répond aux exigences des contingences diplomatiques ; la procédure de dépôt est instrumentalisée ; les conservateurs et les scientifiques n'ont aucune possibilité de faire entendre leur voix. Le groupe Les Républicains votera donc la motion tendant à poser la question préalable pour manifester son mécontentement.

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