J'ai été très profondément heurtée par la manière dont tout cela s'est passé, car j'ai fait partie de celles et ceux qui, depuis longtemps, ont milité pour de telles restitutions, à commencer par la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Or, le Parlement a été contourné ; on a évité un débat national qui aurait permis d'impliquer tout le monde dans la réflexion et le geste du retour. Tout cela est contreproductif et a crispé les positions des uns et des autres. Le Parlement, pris à revers une première fois, risque d'opposer à l'avenir un refus systématique. Il aurait été préférable de travailler ensemble, en lien notamment avec le ministère de la culture dont nous voulions d'ailleurs rétablir le rôle par rapport au ministère des affaires étrangères. Je déplore que le ministère de la culture soit, dans cette affaire, sous la coupe réglée de la cellule diplomatique de l'Élysée.
Plutôt que d'établir une procédure rigoureuse et méthodique, permettant d'aboutir, le cas échéant, à certaines restitutions pertinentes, on a pris le risque de voir le dossier s'enliser. Pourtant, depuis 2002, notre souhait avec Philippe Richert, est d'engager une réflexion prospective et lucide sur ces questions. La méthode retenue est donc contreproductive et ne nous fait pas gagner beaucoup en termes de crédibilité sur la scène internationale. D'autres pays sont sollicités sur ces sujets et nous aurions pu être les initiateurs d'une méthode intéressante. Je ne confondrai pas les dons et les retours : on ne peut pas imaginer que nos gouvernants puisent à l'envi dans les collections publiques pour faire des cadeaux ! C'est inenvisageable. Pour éviter les excès, nous avons besoin des garde-fous définis par loi ; en l'occurrence, il s'agit du principe d'inaliénabilité, reconnu par la loi de 2002, mais qui remonte au 16e siècle. C'est pourquoi je vous propose d'adopter la motion tendant à opposer la question préalable.
La motion n° 1 est adoptée. La commission décide donc de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal. En conséquence, elle n'a pas adopté de texte. Dès lors, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.