Intervention de Sylvie Vermeillet

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 8 décembre 2020 à 16h00
Examen du rapport

Photo de Sylvie VermeilletSylvie Vermeillet, rapporteure :

La séquence de nos auditions a témoigné de l'attention particulière que nous avons souhaité apporter à la dynamique territoriale de l'épidémie, qui n'a pas frappé uniformément les régions lors du pic du printemps, et à la façon dont la crise a été gérée au plus près des besoins du terrain.

Nous revenons notamment dans le rapport sur la gestion de certains clusters, comme celui de l'Oise, mais aussi sur l'expérience de la région Grand Est, confrontée la première au « rouleau compresseur épidémique », pour citer Jean Rottner, tandis que, tout début mars, le reste du pays demeurait dans une relative insouciance. Cette séquence nous semble donner l'illustration d'une gestion excessivement centralisée et manquant d'agilité, à certains égards aveugle face aux spécificités territoriales et aux réalités du terrain. Nous reviendrons sur cet aspect en abordant le volet de la gouvernance territoriale.

Mais l'une des principales illustrations de l'impréparation de notre pays face à la crise restera la pénurie des masques et autres équipements de protection individuelle. Le manque d'anticipation des autorités sanitaires a été, en la matière, lourd de conséquences lors de la flambée épidémique, en particulier pour les soignants. Notre rapport y consacre une longue analyse qui remonte environ dix ans en arrière pour expliquer le chaînage des décisions et responsabilités ; vous trouverez, page 73 du rapport, un schéma très parlant qui retrace l'effondrement des stocks stratégiques jusqu'à la veille de l'année 2020.

De 2011 à 2016, le stock de masques FFP2 - destinés prioritairement aux soignants les plus exposés - est passé de 700 millions d'unités à 0,7 million. La justification de cet assèchement avancée par les autorités s'appuie sur un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de 2011 et sur une doctrine élaborée en 2013 par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Or, les interprétations qui en ont été faites sont contestables, car aucun de ces deux documents ne suggère l'abandon d'un tel stock. L'avis de 2011 préconise, certes, un champ plus restreint d'usage par les professionnels de santé, mais recommande explicitement que le stock d'État continue d'être composé de masques chirurgicaux et FFP2. Le second document, au demeurant non contraignant, rappelle que la protection des travailleurs relève de la responsabilité des employeurs publics et privés et que, de ce fait, il revient à chacun d'entre eux de déterminer l'opportunité de constituer des stocks de masques.

Non seulement cette doctrine n'exigeait en rien la disparition de tout stock stratégique d'appoint, mais, en outre, l'État a organisé sa propre impuissance en ne s'assurant pas de l'application effective de cette doctrine sur le terrain, notamment auprès des hôpitaux ou des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

S'agissant des masques chirurgicaux, le stock stratégique s'est effondré de 754 millions d'unités fin 2017 à 100 millions fin 2019. L'édiction, en 2014, d'une norme de qualité des masques a conduit, en effet, à ce qu'environ 610 millions d'entre eux, tardivement contrôlés, soient jugés non conformes. La direction générale de la santé (DGS) a alors ordonné l'achat de 50 millions de masques seulement - et 50 millions supplémentaires, si le budget le permettait -, soit moins que la quantité nécessaire pour renouveler ceux qui arrivaient à péremption fin 2019. La ministre de la santé et son cabinet affirment ne pas avoir été informés de ce choix pourtant stratégique.

En outre, le directeur général de la santé est intervenu pour modifier la formulation des recommandations d'un rapport d'experts : alors que la première version préconise de cibler un « stock » d'État de 1 milliard de masques chirurgicaux, l'accent est mis davantage, dans la version mise en ligne en 2019, sur la quantification du « besoin » en cas de pandémie.

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