Notre rapport pointe également des initiatives heureuses, même si parfois encore trop isolées, par exemple la coopération ville-hôpital, les prémices fructueuses de la structuration des acteurs de ville ou encore, quoiqu'avec certaines limites, le déploiement accéléré de la télésanté.
La coopération public-privé a également connu des développements inédits après des débuts hésitants, notamment en région Grand Est. Toutefois, toutes les rigidités pesant sur l'hôpital n'ont pas été levées miraculeusement. La mobilisation de renforts s'est notamment heurtée à plusieurs difficultés, révélant une inadéquation du dispositif de réserve sanitaire ; en outre, le redéploiement des postes d'internes s'est également heurté à des freins inutiles.
Surtout, si l'hôpital a tenu face à la vague épidémique, la crise sanitaire a profondément déstabilisé le système de santé et la prise en charge des autres pathologies, aussi bien à l'hôpital qu'en ville. Les déprogrammations massives, décidées uniformément sur l'ensemble du territoire, ont conduit à une baisse de l'activité de chirurgie de 50 à 80 % en avril et mai 2020, notamment concernant la prise en charge des cancers - et cela, sans rattrapage suffisant au cours de l'été. En ville, le message « Restez chez vous » a induit un phénomène de renoncement aux soins, y compris chez les patients les plus vulnérables, et des retards au diagnostic dont l'impact sanitaire, notamment en termes de santé mentale, devra être évalué.
Dans ce contexte, la « mise sur la touche » des instances de la démocratie sanitaire nous a interpelés. Les questions éthiques soulevées par de nombreuses décisions auraient mérité une association étroite des usagers et de la société civile, gage d'une meilleure adhésion. C'est par exemple le cas du sujet délicat du « tri » des patients. S'il constitue une pratique quotidienne pour le corps médical, il a suscité des questionnements légitimes quant à une éventuelle « perte de chance » des patients les plus âgés. Nous en livrons une analyse nuancée, à la lumière d'ailleurs des différents points de vue exprimés par les observateurs de terrain. Si les comparaisons sont rendues difficiles par la variation des ordres de grandeur d'une année sur l'autre, ces données montrent toutefois un « creux » dans la part des plus de soixante-quinze ans admis en réanimation la semaine du 30 mars, au plus fort de la crise, en particulier dans les régions les plus fortement touchées par l'épidémie.
La question des moyens se pose ; nous avons aussi sans doute encore du chemin à parcourir dans le partage avec les familles des choix médicaux, dans la transparence et le respect des principes de dignité et d'équité.