Lors de la crise, l'ensemble des acteurs territoriaux ont été largement mobilisés, au plus près du terrain. Parmi eux, les services déconcentrés de l'État ont donné la preuve de leur réactivité et de leur capacité d'adaptation. S'il convient donc de saluer les efforts consentis par ces agents, qui n'ont souvent pas compté leurs heures pour maintenir la continuité du service public, il nous faut néanmoins reconnaître que la gouvernance territoriale a montré certaines failles pendant la gestion de la crise.
Cette gestion a pu sembler bicéphale - partagée entre préfets et services des ARS -, illisible et confuse pour les acteurs de terrain. Les élus locaux ont tout particulièrement regretté que le rôle des préfets, avec lesquels ils entretiennent des relations plus nourries qu'avec les services des ARS, ne soit pas davantage affirmé. Les appels à « rendre » aux préfets une compétence de gestion des crises sanitaires, dont ils n'ont en réalité jamais été dépossédés, nous invitent à la vigilance. Après examen attentif, le cadre juridique des relations entre préfets et ARS semble moins souffrir d'un manque de clarté que d'un défaut d'appropriation par les premiers. C'est la raison pour laquelle nous proposons que soit rappelée aux préfets la possibilité de placer pour emploi les services des ARS sous leur autorité, en temps de crise. Les protocoles départementaux de coopération signés par les préfets de département et le directeur général de l'ARS devraient être révisés en ce sens.
Plus généralement, la place et le rôle des ARS dans la gestion de crise ont posé question. Face à un sentiment d'éloignement des réalités de terrain, partagé par plusieurs acteurs, des appels à un démantèlement des ARS au profit d'agences départementales se sont multipliés. Dans des régions au périmètre élargi, il devient en effet difficile pour les services des ARS d'exercer efficacement l'ensemble de leurs prérogatives, notamment en temps de crise. Gardons-nous cependant de modeler une réforme pérenne de notre organisation administrative en partant du seul constat de son incapacité à répondre à un événement par essence exceptionnel. En dehors de la situation de crise qu'elles viennent de traverser, les ARS ont fait la preuve de leur efficacité, en particulier en ce qui concerne l'organisation de l'offre de soins. Afin de remédier à l'éloignement du terrain dont elles ont souffert lors de la crise, il semble donc moins pertinent de les démanteler que d'en consolider l'échelon départemental par redéploiement. Préfets et élus locaux auraient ainsi un interlocuteur sanitaire de proximité, disposant de prérogatives et de moyens renforcés.
Enfin, comment évoquer les questions de gouvernance territoriale sans dire un mot du rôle joué par les collectivités dans la gestion de la crise ? Nous en avons tous été les témoins privilégiés : les collectivités territoriales ont répondu présent et se sont affirmées comme des partenaires fiables de l'action de l'État. Soyons clairs : il ne s'agit nullement de remettre en cause la compétence de l'État, dont le rôle en matière de gestion des crises sanitaires doit demeurer prééminent. Néanmoins, il nous faut constater qu'il a trouvé à ses côtés, pendant cette crise, des collectivités territoriales réactives et agiles, prêtes à pallier les manquements de son action. Il convient donc de les reconnaître en tant que partenaires, en les associant pleinement aux politiques territoriales de santé publique.
Le Sénat tient en la matière une position constante, prônant la garantie d'un réel pouvoir de décision pour les collectivités territoriales, dans la détermination de l'offre de soins régionale. Les collectivités pourraient notamment jouer un rôle accru dans un conseil de surveillance des ARS, qui serait renforcé. Par ailleurs, la déclinaison du plan Pandémie générique, sous la responsabilité de délégués départementaux des ARS aux moyens accrus, dans chaque plan communal de sauvegarde, permettrait d'associer les collectivités à la préparation aux crises sanitaires futures, tout en favorisant la diffusion d'une culture du risque sur l'ensemble du territoire.
Telles sont les principales propositions que nous formulons afin qu'un nouvel événement de cette nature n'ait pas les mêmes effets dévastateurs sur le pays.