La comparaison du nombre de décès de la covid-19 et de la politique d'endiguement de l'épidémie mise en place est certes d'un grand intérêt, mais cette dernière n'est qu'un aspect parmi d'autres des moyens engagés par les États pour lutter contre le virus (capacités hospitalières, mobilisation des différents secteurs de la médecine, politique de tests, EPI, communication...). Fonder des comparaisons internationales sur ce seul critère aurait comporté un biais méthodologique important, en tenant excessivement compte de la décision ayant conduit au confinement.
À propos de la fermeture des frontières, le rapport apporte un élément de réponse, notamment lorsqu'il évoque le caractère tardif de la décision prise par l'OMS de déclarer l'urgence de santé publique internationale ainsi que les modélisations incomplètes de l'Inserm transmises à Mme Buzyn. En revanche, le rapport n'aborde pas la question de la fermeture des frontières aux ressortissants chinois par nos voisins européens.
La question du déconfinement stricto sensu, intervenu dans la phase de décélération de la première vague et bien que participant de la gestion sanitaire de la crise, ne rentrait pas dans le périmètre de la résolution créant la commission d'enquête, qui se concentre sur l'épisode ayant précédé le pic épidémique.
En revanche, nous n'avons pas de réponse dans l'immédiat à votre question concernant le rôle de l'échelon départemental en cas de saturation des hôpitaux. En matière de capacités d'accueil en réanimation, nous avons privilégié l'échelon régional, qui correspond à l'échelon d'exercice de la compétence sanitaire. Un graphique illustrant l'effort régional en capacités de réanimation figure page 164 du rapport. Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que la capacité d'accueil en réanimation est la question centrale. Le nombre de lits est certes une dimension importante, mais la question du personnel l'est tout autant, sinon plus. Les Allemands, qui ont trois fois plus de lits de réanimation, ont reconnu qu'ils n'auraient peut-être pas eu le personnel suffisant pour faire face à l'épidémie si son ampleur avait été la même qu'en France. L'enjeu de notre travail est aussi de prévoir l'avenir ; or la prochaine épidémie ne sera pas nécessairement liée à un virus respiratoire.
À propos de l'évolution du virus, lors de la table ronde « dépistage » le 10 septembre, le virologue Bruno Lina a écarté toute idée de mutation du virus qui aurait pu affecter sa virulence.
Le rapport consacre de longs développements à la question de la mortalité (p. 57 et s., p. 204 et s., p. 392 et s.), notamment pour indiquer le caractère encore lacunaire des données disponibles.
Sur la grippe et la Covid, le chiffre de 72 morts qui a circulé début mars correspond à celui des décès liés à la grippe enregistrés en service réanimatoire ; le nombre total de décès toutes causes confondues sur la période, qui sert de base aux modèles mathématiques calculant le nombre de morts de la grippe, n'était alors pas disponible pour extrapoler. Ces projections ont été faites depuis : de janvier à mi-mars, d'après Santé publique France, la grippe aurait fait environ 3 700 morts, ce qui reste loin de 9 000 décès environ enregistrés chaque année. Depuis le 1er octobre, seuls 6 cas de grippe ont été détectés en France, en milieu hospitalier, dont 2 chez des personnes de retour de voyage à l'étranger. Il est exact que la France, avec l'Italie, connaît chaque année une mortalité liée à la grippe supérieure à la moyenne européenne, mais les comparaisons sont en la matière délicate puisque ces chiffres dépendent aussi directement de la part des personnes âgées dans la population (supérieures à la moyenne européenne dans ces deux pays) et de la couverture vaccinale (faible dans ces deux pays). Sur l'imputation des décès à leur juste cause. Le codage de la grippe comme cause directe ou indirecte du décès est toujours complexe. L'Insee indique ainsi qu'il « peut exister un rapport de 1 à 10 entre le nombre de décès causés directement par la grippe et recensés comme tels dans les certificats de décès et le nombre de décès dont l'épidémie est « responsable », mesuré à partir de l'analyse statistique de la surmortalité ». Cette complexité est plus grande encore pour la covid-19, car « contrairement à la grippe ou à la canicule, pour lesquels la répétition des observations et la mise en place de dispositifs de suivi spécifiques permettent d'affiner les modèles et les analyses, le coronavirus est une maladie nouvelle ».
Quant au nombre de morts liés aux effets du confinement, ces données ne sont pas encore connues et nécessiteront un suivi dans le temps. Des études devront se poursuivre et c'est ce que préconise à ce stade le rapport. Toutefois, une étude d'Unicancer rendue publique le 8 décembre [et donc non intégrée dans le rapport] estime que la prise en charge retardée de certains cancers pendant le premier confinement pourrait causer 1 000 à 6 000 décès dans les prochaines années.
Sur le coût des propositions, nous nous sommes gardés de formuler certaines propositions qui auraient pu se révéler coûteuses : ils ont par exemple écarté le retour à un opérateur dédié à la gestion des stocks stratégiques sur le modèle de l'Éprus, option qui aurait eu un coût significatif (en revenant notamment sur la mutualisation des fonctions support entre les entités constitutives de Santé publique France). La création d'une instance nationale d'expertise scientifique ne devrait pas non plus représenter de coût supplémentaire par rapport aux dépenses déjà engagées par le Gouvernement dans la création de quatre structures scientifiques ad hoc (conseil scientifique, comité CARE, comité scientifique vaccins covid-19 et le nouveau conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale). Au contraire, la proposition des rapporteurs est de rationaliser et coordonner cette profusion de production scientifique autour d'une seule organisation qui disposera de moyens dédiés pour en garantir l'autonomie de fonctionnement et l'indépendance. Mais elle ne coûtera vraisemblablement pas plus que ce que coûtent déjà les quatre comités créés par le Gouvernement.