Intervention de Catherine Di Folco

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 décembre 2020 à 9h00
Projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales et projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco, rapporteur :

Je salue nos collègues reliés à nous par visioconférence.

Deux projets de loi nous sont soumis pour reporter des élections partielles en raison de l'épidémie de covid-19 que nous connaissons depuis quelques mois. L'un, organique, concerne les élections législatives et sénatoriales ; l'autre porte sur les élections municipales et métropolitaines et, à titre subsidiaire, sur les commissions syndicales dans les sections de commune. Ces élections partielles auraient lieu dès que la situation sanitaire le permettra et, au plus tard, le 13 juin 2021.

Nous avons été saisis en urgence par le Gouvernement : ces deux textes doivent être promulgués avant la fin de l'année, notamment pour acter le report des élections législatives partielles dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais. Le Sénat est appelé à délibérer seulement quatre jours après l'Assemblée nationale. Les conditions d'un débat serein sont donc loin d'être réunies.

Le Gouvernement s'est même abstenu d'étendre certaines dispositions aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie pour éviter de consulter les assemblées territoriales. Cette extension a néanmoins été opérée par les députés.

Face aux incertitudes liées à la covid-19, nous pouvons admettre la nécessité du report des élections partielles. Le code électoral prévoit, en effet, un délai de trois mois pour la tenue de ces scrutins, ce qui conduirait à organiser des élections pendant la seconde vague de l'épidémie.

Deux sièges sont vacants à l'Assemblée nationale : l'un dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais, où l'élection partielle aurait dû se dérouler avant le 27 décembre 2020 ; l'autre dans la quinzième circonscription de Paris, où l'élection doit se dérouler avant le 20 février 2021.

À l'échelle locale, des élections municipales partielles doivent être organisées dans au moins 161 communes. L'étude d'impact faisait mention d'une soixantaine de communes. Le nombre d'élections « pendantes » augmente toutefois au fil des semaines, en fonction non seulement des décès et des démissions de conseillers municipaux, mais également du calendrier des contentieux. De nouvelles annulations sont d'ailleurs à prévoir dans les prochaines semaines.

Le Gouvernement souhaite donc allonger temporairement le délai d'organisation des scrutins partiels pour les élections municipales, les élections dans les arrondissements de Paris, Lyon et Marseille et les élections à la métropole de Lyon ; pour l'élection des membres des commissions syndicales dans les sections de commune ; et pour les élections législatives et sénatoriales.

La date du 13 juin 2021 est bien une date « butoir », comme le Gouvernement l'a confirmé lors de mes auditions : l'autorité administrative devra organiser les élections partielles le plus tôt possible, dès que la situation sanitaire le permettra. Le calendrier électoral pourra donc varier d'une circonscription à l'autre.

L'autorité administrative a d'ores et déjà décalé plusieurs élections partielles prévues d'ici à la fin de l'année 2020, malgré l'absence de texte - espérons qu'il n'y ait pas de recours contentieux ! - et en s'appuyant sur la théorie des circonstances exceptionnelles. Ce fut le cas dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais et pour 26 élections municipales partielles. En revanche, plus ponctuellement, certains sous-préfets ont maintenu des élections partielles pendant le second confinement, notamment dans les départements de la Marne et du Tarn-et-Garonne.

Je rappelle que nous avons déjà reporté plusieurs scrutins en raison de la crise sanitaire, dont le second tour des élections municipales, les élections consulaires des Français de l'étranger et l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France. De même, certaines élections partielles ont été « gelées » pendant le premier confinement.

Saisi par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de la loi d'urgence du 23 mars 2020, le Conseil constitutionnel a confirmé que l'impératif sanitaire pouvait justifier un report des élections.

Toutefois, si la situation sanitaire justifie le report des élections partielles, le cas échéant jusqu'au 13 juin 2021, cela n'est pas sans conséquence sur l'organisation des communes, notamment celles qui sont placées sous délégation spéciale. Ce ne sont alors plus les élus qui administrent !

De manière plus précise, deux situations d'inégale gravité peuvent se présenter.

Dans certaines communes de moins de 1 000 habitants, des élections partielles « complémentaires » sont nécessaires pour compléter le conseil municipal. C'est le cas de 101 communes sur les 161 soumises à élection partielle.

Dans les 60 communes restantes, une délégation spéciale a été mise en place, notamment lorsque l'élection a été définitivement annulée. Or les pouvoirs des délégations spéciales sont limités à la gestion des affaires courantes, ce qui peut soulever des difficultés pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.

Le Conseil d'État a invité le Gouvernement à prendre en considération les conséquences du report des élections partielles sur le fonctionnement des conseils municipaux : seul un motif sanitaire « impérieux » peut justifier le report des scrutins dans les communes où une délégation spéciale a été installée. Il faudra y veiller pour chacune des communes concernées.

De jurisprudence constante, le report d'une élection doit respecter deux conditions : d'une part, le législateur doit définir avec suffisamment de précision le calendrier électoral et éviter ainsi tout risque d'incompétence négative ; d'autre part, le report d'une élection doit être exceptionnel et transitoire, mais aussi proportionné à l'objectif d'intérêt général.

Aussi, je vous propose d'introduire plusieurs garde-fous pour s'assurer que l'administration convoque ces scrutins dès que la situation sanitaire le permettra.

En premier lieu, il serait souhaitable de revenir plus rapidement au régime de droit commun : la possibilité de reporter les élections partielles pourrait s'appliquer aux vacances de sièges survenues avant le 16 février 2021, au lieu du 13 mars 2021, en cohérence avec la date de sortie de l'état d'urgence sanitaire.

Les vacances de sièges survenues entre le 17 février et le 13 mars 2021 seraient donc traitées dans les conditions prévues par le code électoral, une élection partielle devant être organisée dans un délai de trois mois.

En deuxième lieu, je vous propose de remplacer les « recommandations générales » du comité de scientifiques par des rapports circonstanciés des agences régionales de santé (ARS). Ces rapports seraient présentés tous les quinze jours jusqu'à la tenue du scrutin et seraient rendus publics.

Les ARS sont sur le terrain, alors que le comité de scientifiques voit la situation de plus haut. Si l'on veut que les élections partielles soient organisées dès que la situation sanitaire le permettra, un avis territorialisé, c'est-à-dire au plus près du terrain, me semble plus pertinent : nous aurons ainsi une photographie locale et précise de la situation dans les circonscriptions concernées.

En dernier lieu, je propose d'introduire une voie de recours spécifique pour que les électeurs puissent contester la décision de l'autorité administrative si celle-ci refusait de convoquer des élections partielles alors même que la situation sanitaire le permettrait.

L'autorité administrative disposerait ainsi d'un délai de quinze jours pour répondre à la requête de l'électeur, son silence valant rejet. L'électeur pourrait ensuite saisir le juge des référés, qui se prononcerait en quarante-huit heures sur la possibilité, ou non, d'organiser les élections partielles au regard de la situation sanitaire.

Enfin, je propose d'ajouter deux dispositifs destinés à sécuriser les conditions d'organisation de ces élections partielles en s'inspirant du dispositif mis en oeuvre pour le second tour des élections municipales de juin 2020.

Il s'agit, d'abord, de faire prendre en charge par l'État les équipements de protection à destination des électeurs et des membres des bureaux de vote.

Il s'agit, ensuite, outre la « double procuration » introduite par l'Assemblée nationale, de faciliter le recours aux procurations pour les personnes vulnérables. Ces dernières pourraient établir leur procuration depuis leur domicile, sans justificatif et sur une simple demande adressée aux autorités compétentes par voie postale, par téléphone ou, le cas échéant, par voie électronique. Ce dispositif ne s'appliquerait pas aux élections sénatoriales partielles, en raison de la spécificité de ce scrutin.

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