Déposée par notre collègue député Lénaïck Adam, cette proposition de loi est essentielle pour la vie démocratique guyanaise, et son adoption est une condition indispensable à la bonne tenue des élections à l'assemblée de Guyane organisées en mars prochain.
Permettez-moi, en préambule, de dire un mot sur ce contexte très particulier.
Comme vous le savez certainement, le rapport de Jean-Louis Debré relatif à l'organisation des élections départementales et régionales a préconisé un report de celles-ci au mois de juin 2021. Néanmoins, en raison de différences objectives dans la situation épidémiologique, le maintien des élections pour l'assemblée de Guyane en mars 2021 pourrait se justifier. Alors que le dispositif de cette proposition de loi prévoit que le préfet de Guyane arrête la répartition des sièges avant le 15 janvier prochain, le Parlement se voit contraint d'adopter la proposition de loi avant le 31 décembre, ce qui implique un vote conforme du Sénat.
Bien que je regrette ce calendrier contraint, j'en ai pris acte et j'ai engagé mes travaux en amont de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. J'ai ainsi porté, au travers d'amendements déposés par Lénaïck Adam, des harmonisations rédactionnelles nécessaires, que je vous présenterai ultérieurement.
Cette proposition de loi a pour objet de tirer les conséquences de la forte croissance démographique que connaît la Guyane. Lorsqu'il a déterminé le mode de scrutin pour les sièges de conseiller à l'assemblée de Guyane, le législateur a en effet prévu une clause de réévaluation de leur nombre lorsque la population guyanaise atteindrait deux paliers, fixés à 250 000 et 300 000 habitants. Alors que le premier de ces deux seuils a été franchi et que le second devrait l'être très prochainement, le texte prévoit une solution pérenne et souple pour la répartition de ces sièges.
En l'état actuel du droit, la répartition des sièges entre sections est effectuée directement par la loi, avec une attribution minimale de trois sièges par section. Le mode de scrutin prévoit également une prime majoritaire de onze sièges à la liste arrivée en tête des suffrages, elle-même répartie entre les différentes sections par le législateur, qui a prévu l'octroi d'au moins un siège par section. Il en résulte une double rigidité. D'une part, lorsqu'un seuil démographique est franchi, le législateur est tenu de légiférer de nouveau pour définir la répartition des sièges supplémentaires entre les sections. D'autre part, dans le cas où des évolutions démographiques divergentes rendraient nécessaire une révision de la répartition des sièges entre sections électorales, il revient au législateur de procéder à cette révision.
Or, si la définition des règles applicables en matière électorale relève bien de la compétence du législateur, il lui est tout à fait possible de renvoyer l'application de ces règles au pouvoir réglementaire, pourvu que cette compétence soit strictement encadrée.
En conséquence, l'objet de la proposition de loi n'est pas de modifier dans la loi le nombre de sièges par section, mais d'y inscrire de façon pérenne les règles de répartition des sièges entre les sections, en renvoyant à un arrêté du préfet de Guyane la mise en oeuvre de ces règles avant chaque scrutin.
Cette répartition s'effectuerait proportionnellement à la population de chaque section selon la règle de la plus forte moyenne. Chaque section se verrait attribuer, comme aujourd'hui, au moins trois sièges, ce qui permet d'assurer la représentation équitable et pluraliste des territoires. En ce qui concerne la prime majoritaire, elle serait fixée à 20 % du total des sièges, ce qui correspond, pour une assemblée de 51 ou 55 membres, au total actuel de 11 sièges. Elle serait également répartie proportionnellement à la population de chaque section, selon la règle de la plus forte moyenne, avec un minimum d'un siège par section.
Il s'agit moins d'une réforme profonde du mode de répartition des sièges que de la formalisation et de la pérennisation de la répartition actuelle, tout en renvoyant à un acte règlementaire la mise en oeuvre effective de ces règles. S'inscrivant dans le sillage du dispositif actuel et introduisant une souplesse procédurale bienvenue, la proposition de loi ne pose pas, sur le fond, de difficulté particulière.
Deux séries de questions ont néanmoins attiré mon attention.
En premier lieu, je me suis interrogée sur le niveau normatif de l'acte réglementaire procédant, avant chaque scrutin, à la répartition des sièges entre sections. Le dispositif de la proposition de loi prévoyant un arrêté du préfet de Guyane, j'ai étudié l'opportunité d'un arrêté ministériel. Après examen attentif, il apparaît néanmoins qu'une telle modification ne soit pas nécessairement pertinente. D'une part, le pouvoir réglementaire n'ayant aucune marge de manoeuvre, il apparaît en situation de compétence liée : attribuer au ministre de l'intérieur la charge d'adopter un tel acte ne présenterait donc aucun avantage substantiel. D'autre part, d'autres dispositions similaires du code électoral renvoient à un acte pris à l'échelon local et non national. L'attribution au préfet de Guyane de la charge de prendre cet acte ne pose donc aucun problème de fond.
En second lieu, certaines formulations méritaient une harmonisation avec les dispositions du code électoral. La mention de la population « légale » aurait en particulier pu prêter à confusion. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré deux de ces modifications formelles à mon homologue de l'Assemblée nationale, qui les a portées. Adoptées aux côtés d'autres modifications de nature rédactionnelle, elles garantissent la solidité juridique du texte.
À cet égard, permettez-moi de souligner la qualité du travail réalisé en commun avec M. Adam en amont de l'examen par le Sénat de cette proposition de loi - je le remercie aussi de sa disponibilité. Grâce à nos échanges fructueux et une convergence de vues sur le fond, nous avons créé les conditions d'une adoption sans modification de la présente proposition de loi.
Tel qu'issu des délibérations de l'Assemblée nationale, le texte me semble donc équilibré politiquement et solide juridiquement. Dans ces conditions, je vous propose de l'adopter sans modification.