Nous sommes appelés à examiner, en nouvelle lecture, les dispositions restant en discussion sur le projet de loi prorogeant diverses dispositions du code de la sécurité intérieure, à la suite de l'échec de la CMP du 22 octobre dernier. L'Assemblée nationale a examiné ce texte en nouvelle lecture le 17 novembre, dans un contexte très tendu, marqué par la tragédie qui a coûté la vie à Samuel Paty.
Ce projet de loi a pour objet de prolonger l'application de plusieurs dispositions en matière de lutte contre le terrorisme, qui arrivent à échéance le 31 décembre prochain et qui, en l'absence d'intervention du législateur, ne seront plus en vigueur après cette date. Il s'agit de quatre mesures de la loi relative à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, adoptée par le législateur en 2017 pour prendre le relais de l'état d'urgence, ainsi que d'une disposition introduite par la loi relative au renseignement portant sur la technique dite de l'algorithme.
Les échanges ayant eu lieu au cours de la CMP ont montré que nous n'avions pas de divergence de fond avec les députés sur ces sujets, et que nous nous accordions sur l'utilité de ces mesures pour lutter contre le terrorisme. Par ailleurs, j'ai conduit une mission d'information pluraliste de plus de deux ans sur l'application des dispositions de la loi SILT, qui a conclu à la nécessité de conforter ces mesures, et je vous ai présenté deux rapports à ce sujet.
Cependant, la CMP a échoué en raison d'une profonde divergence sur la méthode et le calendrier. Depuis le début de la navette parlementaire, les députés se cantonnent à l'idée de procéder à une prorogation sèche, sans modification, des mesures de la loi SILT et de l'utilisation de la technique de l'algorithme.
Nous avons validé cette position en première lecture pour la technique de l'algorithme, afin de donner le temps à la réforme de la loi sur le renseignement d'être discutée. En effet, il s'agit d'avancer encore sur les expérimentations menées, et de s'assurer de la conformité des dispositions avec notre Constitution et certaines exigences en matière de liberté.
En revanche, nous avons jugé que la prorogation sèche des dispositions de la loi SILT était non seulement injustifiée, mais également peu opportune au regard du niveau de la menace terroriste. D'ailleurs, depuis l'examen du texte en première lecture au Sénat, notre territoire a malheureusement à nouveau été frappé par le terrorisme. Nous avons donc jugé préférable de pérenniser immédiatement ces mesures, mais aussi d'y apporter plusieurs ajustements, afin de les rendre pleinement efficaces. Il s'agissait tout d'abord d'étendre le champ de la mesure de fermeture administrative aux lieux connexes aux lieux de culte, afin d'éviter le déport des discours radicaux vers d'autres lieux. En effet, nous savons que le prosélytisme radical ne se déploie pas uniquement dans les mosquées, mais aussi dans des lieux souvent liés financièrement à des associations cultuelles - le sujet est d'ailleurs abordé en ce moment, dans le cadre de la loi sur les principes républicains.
De plus, nous avons souhaité renforcer l'information des autorités judiciaires sur les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), de manière à assurer une parfaite articulation avec les mesures judiciaires, notamment dans le cas du contrôle judiciaire.
Enfin, il s'agissait d'élargir les possibilités de saisie informatique dans le cadre d'une visite domiciliaire, dans les cas où l'occupant des lieux ferait obstacle à l'accès aux données présentes sur un support ou un terminal informatiques.
Les récents attentats ayant frappé notre pays ont montré qu'il nous appartenait de ne jamais baisser la garde, et de faire preuve de réactivité pour doter nos services de sécurité des outils nécessaires. Nous savons que les effectifs des services de renseignement ont été renforcés de façon importante, mais cela ne suffit pas : il nous faut un cadre législatif suffisamment complet. .
C'est la position que nous avons tenue en CMP, et que les députés ont catégoriquement refusé de suivre, dans un contexte qui aurait pourtant mérité que l'on trouvât un compromis. Je constate que, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale n'a pas dévié de sa ligne et qu'elle a rétabli pour l'essentiel son texte initial, revenant à une simple prorogation des mesures SILT, au détriment d'une véritable pérennisation.
Elle n'a fait qu'une concession au Sénat, en acceptant de reporter du 31 juillet au 31 décembre 2021 l'échéance pour l'utilisation de la technique de l'algorithme. En effet, avant de réformer la loi sur le renseignement, il nous faut laisser le temps aux administrations de l'État de tirer les conséquences des arrêts récents de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui risquent de remettre en cause le fonctionnement de plusieurs techniques de renseignement.
Malgré cette petite concession, l'Assemblée nationale n'a pas accepté l'essentiel : la pérennisation et l'adaptation des dispositifs de la loi SILT. Pour cette raison, je vous propose de maintenir notre position de première lecture : c'est le sens des deux amendements que je soumets au vote de la commission. L'amendement COM-1 rétablit la rédaction de l'article 1er du projet de loi dans sa version adoptée par le Sénat. Quant à l'amendement COM-2, il procède à l'application des dispositions de la loi dans les collectivités d'outre-mer.