Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 82 %, à périmètre courant, des crédits des programmes de cette mission, par rapport à la dernière loi de finances initiale ; toutefois, à périmètre constant, les crédits de paiement diminuent de 6 %, soit de 500 millions d’euros.
Le budget alloué à l’écologie est néanmoins complété par les crédits du plan de relance. Seuls les crédits du programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », augmentent en 2021.
Je regrette, pour ma part, cette ventilation des crédits entre le plan de relance et la présente mission, car cela nuit à la lisibilité ; nous le verrons lors de la discussion des amendements.
Si le Gouvernement a renoncé de manière générale à son objectif de baisse de l’emploi public, je constate que le ministère de la transition écologique est un bon élève en la matière, puisque 50 % des départs à la retraite ne seront pas remplacés. Toutefois, cette baisse des effectifs, qui concerne tant le ministère que ses opérateurs, pourrait fragiliser la mise en œuvre du plan de relance ; je pense notamment à l’Ademe, qui se voit confier 1, 8 milliard d’euros de crédits pour les deux prochaines années, au titre du plan de relance.
Le budget de 2021 se caractérise par un renforcement de la politique de l’eau et de la biodiversité : la subvention pour charges de service public versée à l’Office français de la biodiversité (OFB) augmente de 10 millions d’euros, conformément aux engagements pris par le Gouvernement en 2020 ; les crédits de la politique de protection des grands prédateurs augmentent de 1 million d’euros ; 7 millions d’euros supplémentaires sont affectés à l’Office national des forêts (ONF), pour sa mission de biodiversité ; 3 millions d’euros supplémentaires sont alloués au bien-être animal – malheureusement, nous n’avons aucun élément sur la portée effective de ces crédits ; et 8 millions d’euros sont affectés aux aires marines protégées.
Le programme 345, « Service public de l’énergie », dont la maquette évolue sensiblement cette année, représente près de 58 % des 15, 7 milliards d’euros de l’enveloppe budgétaire que je rapporte. Or le Parlement n’a aucun pouvoir de modification sur ces dépenses ; il ne peut que les enregistrer. En effet, ces charges sont évaluées chaque année par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Elles sont estimées à 9, 1 milliards d’euros pour 2020, soit une augmentation de 12, 1 % par rapport à 2019.
Pour éviter, à l’avenir, des difficultés analogues à celles que nous évoquerons ultérieurement, lors de la discussion de l’article 54 sexies, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur deux « bulles » en devenir. Je pense au biométhane, dont les charges sont multipliées par cinq entre 2019 et 2021, et à l’hydrogène, dont la stratégie nationale présentée le 8 septembre dernier constitue un changement radical d’échelle par rapport au plan Hydrogène présenté en juin 2018, puisque l’on est passé de 100 millions d’euros à 7, 2 milliards d’euros, mobilisés d’ici à 2030, dont 2 milliards d’euros pour les deux prochaines années. En outre, au-delà de ces dépenses d’investissement, la filière bénéficiera aussi de dispositifs de soutien.
Je ne peux donc qu’inviter le Gouvernement à prendre en considération la remarque de la Cour des comptes, formulée dans un rapport de 2018, qui fut présenté au Sénat, selon laquelle « les décisions de programmation énergétique ne reposent pas suffisamment sur une analyse consolidée et comparative des coûts et des prix – actuels et prévisibles – des différentes filières de production énergétique, qui permettrait de fiabiliser les projections de soutiens nécessaires à leur déploiement, et donc de réaliser une programmation énergétique permettant de les minimiser ». Il devient indispensable de réduire les dépenses publiques, en privilégiant les modes d’énergie renouvelable dont les coûts de production diminuent le plus.
À ce sujet, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, quand le Gouvernement compte-t-il soumettre au Parlement sa programmation pluriannuelle de l’énergie, conformément à l’article L. 141-4 du code de l’énergie ? Cette programmation pluriannuelle a été prise par décret, au mois d’avril dernier ; depuis lors, on aurait largement eu le temps d’en débattre…
J’en termine, sur le sujet de l’énergie, en observant que le rythme des projets subventionnés par le fonds chaleur progresse, mais pas suffisamment pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, notamment dans un contexte de concurrence du prix du gaz ; des aides au fonctionnement sont en cours d’étude.
Lors de mon intervention dans la discussion générale de ce projet de loi de finances (PLF), j’ai déploré que l’excellence énergétique reste inaccessible pour une grande partie de la population ; le soutien à la décarbonation demeure perfectible. Le chèque énergie est un indéniable progrès par rapport aux tarifs sociaux de l’énergie, mais beaucoup reste à faire pour sa pleine appropriation. En outre, ses montants paraissent encore insuffisants pour compenser les hausses de la composante carbone.
Pour ce qui concerne l’acquisition de véhicules propres, je note l’inscription de 507 millions d’euros sur le programme 174, « Énergie, climat et après-mines », auxquels s’ajoutent 732 millions d’euros au travers du plan de relance, soit un total de 1, 2 milliard d’euros. Si les critères du bonus automobile, nettement assouplis, paraissent pertinents, ceux de la prime à la conversion sont trop restrictifs, les critères adoptés en juin 2020 ayant été durcis, une fois écoulées les 200 000 primes qui pouvaient en bénéficier.
Dans ce domaine, le reste à charge pour les ménages les plus modestes reste très important, même avec le bénéfice du montant maximal des aides. Je reviendrai sur ce point lors de l’examen des articles non rattachés.
L’ouverture de MaPrimeRénov’ aux ménages situés au-dessus des huitième et neuvième déciles est une excellente disposition ; le groupe LR la soutenait d’ailleurs bien avant le Gouvernement. Néanmoins, cette mesure ne permettra pas de provoquer un élan massif vers la rénovation.
En effet, compte tenu des barèmes, un couple avec deux enfants touchant 60 000 euros de revenus annuels ne pourra bénéficier de la prime qu’à la condition de réaliser une rénovation globale de son logement ou, à tout le moins, de l’isoler. Ce ménage bénéficiera alors d’une prime de 3 500 euros pour une rénovation dont le coût global oscille entre 50 000 et 70 000 euros. Avant 2020, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) permettait à ces ménages de bénéficier d’une aide pour une rénovation partielle ; malheureusement, nous n’avons pas pu amender ce point, puisque celui-ci relève du domaine réglementaire.
Il en va de même pour le plafond de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, qui est dérisoire – 150 euros – au regard du coût de cette prestation pour une rénovation globale – entre 4 000 et 5 000 euros.
Je terminerai mon intervention par une question pour le Gouvernement : l’article 15 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat habilitait le Gouvernement à définir par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an – délai qui, vous le voyez, est dépassé –, la notion de passoire thermique. Cette définition devait être exprimée en énergie primaire et en énergie finale, en prenant en compte la zone climatique et l’altitude du logement. Le Gouvernement compte-t-il demander une nouvelle habilitation pour prendre cette ordonnance ou envisage-t-il d’utiliser un nouveau véhicule législatif ? Si oui, lequel ? En effet, l’identification des passoires thermiques est au cœur du plan de rénovation des bâtiments.