Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 27 novembre 2020 à 9h30
Loi de finances pour 2021 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Enfin ! Enfin, l’écologie ne serait plus un supplément d’âme : elle serait au cœur de l’action publique, elle-même vivifiée par la démocratie participative avec la Convention citoyenne. Voilà pour la communication !

Pour les actes, c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon : qu’en est-il concrètement de ce projet de loi de finances ?

Ce texte indique globalement un engagement renforcé. Avec les 30 milliards d’euros affichés dans le plan de relance, le projet de budget pour 2021 fait mine d’enclencher le changement de braquet qu’il fallait.

À y regarder attentivement, quand on mesure l’évolution des moyens, quand on décrypte les effets trompe-l’œil et la réalité des redéploiements et des dispositifs, on se met à douter de l’ampleur de ces efforts et de la réelle possibilité d’atteindre ainsi la neutralité carbone en trente ans, de stopper maintenant l’érosion de la biodiversité, de transformer véritablement nos façons de produire, de consommer, de nous loger et de nous déplacer – pour reprendre les termes du cahier des charges de la Convention.

Certes, nous relevons les efforts pour les rénovations thermiques ; certes, les mobilités douces sont mieux servies ; certes, le ferroviaire voit ses moyens abondés. Pour autant, nous n’y voyons pas la puissance et la cohérence de l’engagement qui serait nécessaire.

Du côté de la cohérence, ou plutôt de l’incohérence, le soutien à la compétitivité des entreprises sans aucune conditionnalité, ni sociale ni environnementale, montre combien la marche lourde de la politique gouvernementale contrecarre l’intention écologique.

Le soutien à l’aéronautique, au nucléaire, au secteur automobile ne nous parait pas véritablement en phase avec l’ambition écologique. On ne fera croire à personne que le niveau très symbolique du malus au poids cette année pèsera de façon déterminante sur les choix des acheteurs et des constructeurs automobiles.

Tous les élus locaux le savent : la transition énergétique et écologique nécessite une présence au plus près du terrain pour travailler l’ingénierie, pour accompagner, expliquer, réguler et sans cesse réactiver. En clair, l’écologie, c’est des emplois et une infrastructure mobilisée de compétences publiques. Là-dessus, on est loin du compte : les multiples restructurations auxquelles doivent faire face depuis plusieurs années les administrations chargées des missions environnementales attestent d’une érosion continue de leurs capacités d’interventions.

Pour les ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la perte d’emplois s’élève à 797 équivalents temps plein, soit une baisse de plus de 3 %.

Pour Météo-France, les suppressions d’ETP se poursuivent.

Les subventions du Cerema diminuent. Nous ne pouvons accepter une telle érosion d’un instrument majeur de l’ingénierie au service des collectivités en transition.

L’Ademe est sollicitée pour le pilotage de nombreuses lignes du plan de relance. Il est donc totalement incompréhensible que l’État y prévoie encore une baisse de 18 ETP.

Le temps me manque. Je pourrais encore évoquer les agences de l’eau, décisives pour la restauration des écosystèmes, frappées depuis des années par une baisse d’effectifs et de moyens considérables, ou bien l’Office national des forêts, déjà lourdement réduit, qui bénéficie certes d’un transfert positif de 7 millions d’euros, mais qui ne changera pas véritablement la donne.

On ne peut continuer d’affaiblir ces opérateurs clés. Ces moyens qui manquent, c’est moins de capacité à prendre en compte les spécificités du terrain, moins de souplesse, moins d’adaptation aux territoires. Ce n’est pas de protection de papier dont la nature a besoin.

C’est bien la cohérence de l’État que nous interrogeons : comment tenir la volonté de renoncer aux énergies fossiles carbonées quand les signaux sont si contradictoires ? Certes, on ferme des centrales à charbon, mais, en même temps, le Gouvernement s’apprête à donner en Lorraine le feu vert à vingt ans d’extraction massive de gaz de couche…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion