Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous abordons l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », mission emblématique s’il en est là où il s’agit de donner corps aux engagements environnementaux de la France.
Le contexte inédit de pandémie, qui est en lien étroit avec la crise écologique, ne doit pas obérer la nécessité profonde de transformation, alors que, de surcroît, le Conseil d’État, dans une décision inédite du jeudi 19 novembre dernier, donne trois mois au Gouvernement pour qu’il justifie du respect de la trajectoire de réduction des émissions carbone à l’horizon 2030.
Aussi nous attendions-nous à un volontarisme bien plus important. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le résultat nous déçoit – quant au plan de relance, il est de maigre consolation face à tant de renoncements. Tel est aussi l’avis, d’ailleurs, des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat.
Tant de renoncements, dis-je, et au premier chef sur le front de l’emploi public : l’année dernière déjà, j’interrogeais ici même Élisabeth Borne pour lui demander, comme le faisaient l’ensemble des syndicats du ministère de l’écologie, de stopper la suppression des moyens humains et le démantèlement progressif du service public de l’environnement.
Cette année, le projet de loi de finances supprime près de 800 emplois équivalents temps plein – l’ensemble des rapporteurs ont pointé du doigt cette situation. En trois ans, ce sont près de 4 000 emplois qui ont été supprimés. Quand va-t-on arrêter d’appauvrir l’État de ses compétences ?
L’analyse des programmes 217, 113, 159 et 181 est formelle : tous les opérateurs de l’État sont touchés ; 50 % des départs à la retraite ne sont pas remplacés. Le ministère de l’écologie est le ministère qui contribue le plus aux efforts d’économie budgétaire. Comment justifier un tel choix politique ?
Comment, par exemple, l’Ademe assurera-t-elle les nouvelles missions qui lui sont dévolues dans le cadre du plan de relance et des dispositions de la loi AGEC, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ? Même en comptant les 27 emplois supplémentaires affectés à la supervision des nouvelles filières de responsabilité élargie du producteur, dites REP, vous supprimez 18 emplois dans le cadre de cette mission ; le signal envoyé est illisible.
Recruter des intérimaires pour 18 mois n’est pas une solution ; ce laps de temps ne permet pas d’assurer le suivi des crédits du plan de relance ! Il faut au ministère de la transition écologique des moyens humains propres et stables qui garantissent une expertise publique indépendante et de long terme.
On ne compte plus les agences pour lesquelles on constate des diminutions des plafonds d’emploi, alors que leurs travaux sont au cœur des politiques publiques environnementales. Je pense à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), alors que la sécurité sanitaire est au cœur de nos préoccupations, à l’Office français de la biodiversité, alors que nous assistons à l’effondrement des espèces, à Météo-France, aux agences de l’eau, à l’Ineris, et j’en passe.
Pire : alors que les collectivités locales ont un réel besoin d’outillage en ingénierie de projets écologiques, l’État supprime également des postes au Cerema. On déshabille Pierre sans habiller Paul ! C’est encore un mauvais signal pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires et pour les nouveaux contrats territoriaux de relance et de transition écologique prévus sur l’ensemble du territoire. C’est incohérent !
Nous croyons profondément que la logique de destruction de l’emploi public doit être aujourd’hui remise en cause à l’aune de nos objectifs de transition écologique. Nous nous tirons une balle dans le pied, et c’est toute la chaîne de projets, toute l’ingénierie sur nos territoires, toute la mise en œuvre concrète des politiques publiques environnementales, qui sont impactées. Nous espérons, dans le cadre de la discussion des amendements, pouvoir infléchir cette trajectoire.
Et voilà que l’on change l’architecture des programmes pour maquiller un budget et lui donner l’apparence d’un budget à la hausse ! Hors transports, les crédits de paiement alloués à la mission « Écologie » diminuent en réalité, à périmètre constant, de 6 % – cela a déjà été dit. L’intégration du fonds Barnier au budget général est vantée par la ministre de la transition écologique, mais nous nous interrogeons sur les motivations d’une telle budgétisation.
En effet, celle-ci pourrait permettre au Gouvernement de fixer chaque année des crédits budgétaires différents tout en percevant désormais directement dans le budget de l’État 100 % des cotisations des assurés. Nous en rediscuterons également lors de l’examen des amendements ; c’est un sujet important au regard de la recrudescence des catastrophes naturelles qui touchent la France.
Il ne s’agit pas ici de dresser un bilan apocalyptique de votre projet de budget. Il n’y a aucune posture dans la position que nous adoptons ; simplement la conviction qu’il vous faut élever vos ambitions, lesquelles nous paraissent timorées compte tenu des enjeux climatiques.
Les amendements présentés par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous sembleront certainement démesurés, monsieur le ministre, mais tous traduisent cette nécessité d’investir lourdement dans la transition écologique, dans la rénovation énergétique des bâtiments, dans les énergies renouvelables, dans les transports ferroviaires, dans l’économie circulaire, pour réussir la « nouvelle grande transformation ».
Nous touchons peut-être là aux limites de l’exercice budgétaire. À force d’appauvrir les ressources de l’État en recettes, nous n’avons plus de quoi financer ses dépenses ; l’équation est imparable, et l’événement d’hier marquera les consciences.
Aussi, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, et pour celles qu’exposera bientôt ma collègue Angèle Préville, nous voterons contre les crédits de cette mission.