Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 27 novembre 2020 à 9h30
Loi de finances pour 2021 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances est chaque année un rendez-vous déterminant pour les parlementaires, puisqu’il doit traduire la direction que nous souhaitons donner à notre pays.

Cette année, pourtant, ne ressemble à aucune autre, puisque notre pays traverse une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent.

Les rapporteurs pour avis et les orateurs qui m’ont précédé ont pu aborder l’essentiel des sujets, avec force observations et remarques ; aussi m’arrêterai-je, dans ce contexte inédit, sur quelques points seulement.

Le plan de relance souhaité par le Gouvernement pour faire face à cette crise permet à la mission « Écologie, développement et mobilités durables » de voir ses crédits augmenter, contrairement aux années précédentes. Néanmoins, comme l’a signalé notre collègue Christine Lavarde, à périmètre constant et sans inclure les transports, les crédits de la mission diminuent en réalité de 6 %, soit de plus de 500 millions d’euros.

Le secteur des transports, très sévèrement touché, a enregistré des pertes colossales.

Concernant l’aérien, les compagnies aériennes françaises, déjà fragilisées avant la crise, pourraient enregistrer 4 milliards d’euros de pertes en 2020.

Dans cette conjoncture exceptionnellement difficile, les recettes de la direction générale de l’aviation civile (DGAC), exclusivement financée par le transport aérien, devraient s’effondrer de 80 % en 2020. L’endettement de la DGAC serait susceptible de progresser de 1, 4 milliard d’euros en 2020, pour atteindre l’encours sans précédent de 2, 1 milliards d’euros, contre un maximum historique de 1, 3 milliard d’euros atteint en 2014 – c’est dire…

Les pertes ont été de 4, 9 milliards d’euros pour la SNCF et de 4 milliards d’euros pour les autorités organisatrices de la mobilité, dont 2, 6 milliards pour Île-de-France Mobilités ; elles ne sont évidemment pas entièrement compensées.

Le plan de relance soutiendra très largement le secteur ferroviaire ; je m’en réjouis, même si un effort supplémentaire serait nécessaire sur les petites lignes, comme l’a précisé notre collègue Philippe Tabarot.

Comme nous l’avions déjà affirmé lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, il est aujourd’hui plus que jamais indispensable de sécuriser en le « sanctuarisant » – c’est le mot que nous avions utilisé à l’époque – le budget de l’Afitf, mis à mal par le manque à gagner en matière de recettes concernant la taxe sur le transport aérien, la taxe d’aménagement du territoire et le produit des amendes radar, les pertes afférentes étant respectivement estimées à 230 millions, 90 millions et 180 millions d’euros, soit 500 millions d’euros au total.

Pour ce qui est des transports publics, il sera nécessaire de s’interroger sur les conséquences à moyen terme de cet épisode sur les comportements des voyageurs.

Comme je l’ai indiqué lors du récent débat sur la filière hydrogène, madame la secrétaire d’État, je ne peux que saluer l’engagement contenu dans le plan de relance sur ce sujet essentiel, créateur d’emplois et qui nous permettra, sans négliger aucune piste ou technologie, d’atteindre le zéro dépendance aux énergies fossiles – c’est là notre vœu le plus cher.

Enfin, concernant la filière automobile, grandement fragilisée par cette crise, le Sénat a voté un amendement de notre collègue rapporteur général Jean-François Husson permettant d’étaler la hausse du malus sur cinq ans. Cette mesure nous semble pertinente, car elle permet de laisser tant aux industriels qu’aux ménages le temps d’intégrer pleinement ces enjeux.

Si cette année est particulière, c’est aussi parce que la France a connu, hélas ! une nouvelle tragédie en matière de catastrophe naturelle : la tempête Alex a meurtri le département des Alpes-Maritimes.

Nous nous sommes élevés contre le fait que les gouvernements successifs, depuis plusieurs années, prélèvent des dizaines de millions d’euros sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs et le plafonnent alors même que les besoins sont croissants. Les amendements que nous déposions sur ce sujet recevaient chaque année un avis défavorable du gouvernement en place.

Pour rappel, le fonds Barnier a été prélevé de 55 millions d’euros en 2016 et de 70 millions d’euros en 2017. Lors de l’examen de la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a décidé de plafonner ce fonds à hauteur de 137 millions d’euros, alors que les recettes, issues des cotisations des assurés – particuliers, entreprises, collectivités –, sont largement supérieures à 200 millions d’euros.

J’étais intervenu, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2018, pour rétablir les moyens de ce fonds Barnier. La loi de finances pour 2019 avait acté une nouvelle diminution de 20 millions d’euros du montant des dépenses autorisées pouvant être consacrées par les collectivités territoriales au financement des études et des travaux de prévention. Là encore, nous avions été nombreux, sur ces travées, à dénoncer cette ponction.

Il aura fallu une nouvelle catastrophe pour que le Gouvernement réagisse en proposant une rebudgétisation du fonds Barnier, avec un déplafonnement et une augmentation de ses moyens, le montant des crédits qui lui sont alloués étant porté à 205 millions d’euros.

Je salue cette décision, qui va dans le bon sens – nous la souhaitions depuis longtemps –, mais je tiens à souligner qu’elle ne fait en réalité que rétablir la situation au niveau des cotisations versées : les recettes existaient.

J’y insiste, comme je le fais chaque année en tant que sénateur d’un département qui a connu la tempête Xynthia et sa cohorte de décès et de drames : il est indispensable d’adopter une véritable politique de prévention – j’irai même jusqu’à parler de « culture de la prévention », à l’image de ce qui existe dans d’autres pays comme les Pays-Bas – s’inscrivant, comme son nom l’indique, dans l’anticipation plutôt que dans la réaction face aux événements climatiques, qui sont toujours plus fréquents et toujours plus intenses.

Le groupe Les Républicains suivra l’avis des rapporteurs et votera les crédits de cette mission ; la situation l’exige, pour nos concitoyens, pour notre pays.

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