Intervention de Bérangère Abba

Réunion du 27 novembre 2020 à 9h30
Loi de finances pour 2021 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Bérangère Abba :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République nous l’a rappelé : notre génération a à vaincre cette épidémie et à affronter le terrorisme, la crise climatique et celle des inégalités.

La tâche est immense, et la responsabilité qui est la nôtre aujourd’hui, devant le pays, est de nous porter à la hauteur de cette époque bouleversée. Nous devons inventer un nouveau chemin, ne sombrer ni dans le déclinisme ni dans la résignation, regarder la réalité en face, faire bloc autour de ce qui nous rassemble et nous unit et, chacun dans son existence, chacun dans son mandat, penser à l’avenir du pays, à la démocratie comme elle va, à la terre et au monde que nous allons léguer à nos enfants et petits-enfants.

Agir avec détermination, sans hésitation, dessiner un nouveau modèle, sans doute plus sobre, plus solidaire, plus souverain, plus soutenable, c’est précisément ce que ce projet de budget doit nous permettre de faire. Il est temps – le temps de la cohérence et du redressement – de nous donner concrètement les moyens de nos ambitions, afin de faire face à toutes les crises que traverse notre pays, crise sanitaire, crise économique, crise sociale, crise écologique.

Le budget que nous présentons ce matin y pourvoit. C’est un budget de protection des Français, un budget pour l’avenir, un budget de combat, l’écologie au cœur.

Cette écologie que nous portons, mesdames, messieurs les sénateurs, a enfin dépassé les portes du ministère du même nom. Aujourd’hui – on l’a vu avec la mission « Plan de relance » –, elle irrigue tous les volets du budget français.

Vous le savez également : pour la toute première fois au monde, chaque dépense, chaque recette, est évaluée en fonction de son impact écologique. C’est ce « budget vert » qui nous donne aujourd’hui une photographie de notre déficit écologique et qui constitue un moyen de transformation extrêmement profond dans la conception même de l’action publique. C’est une révolution qui fera date et contribuera sans doute largement à garder notre pays sur la voie d’un avenir plus vert.

Être à la hauteur des crises de notre époque, c’est donc toute l’ambition de ce budget. Vous connaissez nos objectifs : faire de la France un pays neutre en carbone, respectueux de la biodiversité, faire de la France un pays qui protège la nature au lieu de la détruire, qui s’appuie sur les immenses atouts de nos territoires, faire de la France un pays résilient face au changement climatique.

Construire cette France-là, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à la fois un marathon et un sprint : un marathon pour transformer le pays – production, logement, déplacements, consommation, tous les pans de nos existences sont concernés, dans un temps, celui de l’urgence, qui n’est pas toujours le temps politique – et un sprint, car chaque minute compte : extinction de masse, pollution de l’air, ce ne sont pas là seulement des mots dans des discours ni de bonnes feuilles dans la presse ; c’est une espèce qui s’éteint toutes les vingt minutes, ce sont 40 000 décès prématurés chaque année à cause de la mauvaise qualité de l’air. On parle bien, ici, d’hommes et de femmes, de Français et de Françaises, qui, chaque jour, souffrent de ces dérèglements climatiques et de ces perturbations de la biodiversité.

Pour mener cette bataille en leur nom, le Gouvernement et le ministère de la transition écologique sont évidemment mobilisés, au front, avec des moyens renforcés. Ils s’élèvent, pour l’année prochaine, à 48, 6 milliards d’euros – c’est historique, et c’était tout à fait nécessaire. Ces moyens doivent nous permettre d’accélérer le combat. Nous pensons par exemple au déploiement des énergies renouvelables, dont le budget est en hausse de 25 %. Nous pensons aussi et surtout à ce qui est peut-être la première responsabilité des décideurs publics, celle de protéger : protéger nos concitoyens, nos territoires, notre pays.

Les grandes menaces de ce siècle que sont le changement climatique et l’érosion de la biodiversité sont aujourd’hui au cœur des attentes et des besoins de nos concitoyens. Cette crise que nous traversons, celle de la covid-19, nous a brutalement placés face à l’impact de ces perturbations de la biodiversité, qui peuvent créer ce genre de zoonoses, de pandémies.

Ceux qui étaient encore les plus rétifs ou les plus indécis sur la nécessité d’agir pour nous prémunir contre ces dérèglements doivent bien désormais regarder en face ces réalités qui sont à la fois sanitaires, sociales et économiques ; elles sont telles qu’elles ne nous permettent plus d’ignorer le besoin d’action.

Nous en voyons donc les premières conséquences. En outre-mer, les tempêtes sont de plus en plus fréquentes et dures, de même qu’en métropole, avec des événements plus extrêmes, plus intenses : inondations, sécheresses structurelles, canicules sont devenues presque habituelles. En matière de catastrophe écologique, il n’y a malheureusement pas de vaccin. Notre seule ressource est la volonté politique et une nécessaire lucidité.

Être lucide, je le dis ici, devant la chambre des territoires, c’est anticiper : anticiper pour l’avenir des territoires et de leurs habitants, anticiper pour construire dès maintenant cette résilience et anticiper pour protéger. Ce budget doit nous en donner les moyens, avec des crédits alloués à la prévention des risques naturels majeurs en très forte hausse, à hauteur de plus de 55 %.

Grâce à ces nouveaux moyens, l’État va pouvoir apporter davantage de soutien aux élus, aux territoires, aux riverains sinistrés, aux citoyens inquiets ; il pourra être à leurs côtés pour reconstruire quand il le faut et surtout pour mener des actions de prévention. Il est essentiel de construire les territoires du XXIe siècle, adaptés à cette nouvelle donne climatique.

L’État sera aussi à leurs côtés pour mener la bataille de la qualité de l’air. Nous le disions, 48 000 de nos concitoyens décèdent prématurément chaque année à cause d’une exposition chronique à un air pollué. C’est tout simplement intolérable. Protéger, c’est aussi répondre à cette urgence sanitaire, environnementale et sociale, en garantissant à chacun et chacune le droit à un air de qualité grâce à des moyens renforcés. Nous allons donc contrôler davantage et soutenir plus encore les associations de surveillance, qui constituent le maillage et la première ligne dans cette bataille.

La transition que nous voulons mettre en œuvre doit être celle de tous. Cette transition n’est pas seulement souhaitable, elle est impérative, car elle est seule garante d’une mobilisation collective afin de retrouver les équilibres entre bénéfices attendus et acceptation des contraintes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, protéger, c’est toujours affaire de solidarité : entre territoires, inégalement exposés aux changements climatiques ; entre citoyens, inégalement affectés par les aléas de la vie. Cette solidarité est également au cœur du projet de budget que nous vous présentons. Alors que le froid hivernal revient, nous sommes fiers que 200 millions d’euros soient provisionnés pour le logement d’urgence et l’aide au retour au logement.

C’est aussi à cela que l’on juge une société : à la manière dont elle prend soin des plus démunis. Nous le savons, nous serons jugés demain sur les choix que nous faisons aujourd’hui, à la fois pour protéger notre planète, la biodiversité, et pour protéger les plus fragiles.

Cette mission est donc au cœur de notre projet républicain. Vous le savez, je suis très attachée à défendre la biodiversité et notre patrimoine touchés par les perturbations. Je rappelle que notre pays abrite 10 % des espèces connues, soit un patrimoine vivant inestimable, en outre-mer comme en métropole. Ce patrimoine fait partie de nos récits, de notre histoire, de nos identités régionales et nationale. C’est un patrimoine que nous devons transmettre intact, voire restauré, aux Français de demain. Il y va de leur droit à connaître la même expérience sensible que nous. Il y va aussi de leur avenir, de leur santé, de leur qualité de vie. Je sais le Sénat particulièrement mobilisé sur ces sujets.

Notre responsabilité devant la Nation est donc immense et simple à la fois. Il nous faut mettre un terme à la sixième extinction de masse, inverser le déclin. C’est un cap qui est dessiné, mais les scientifiques nous ont indiqué des moyens et des trajectoires. Nous tiendrons ce cap, par exemple, comme le Président de la République l’a réaffirmé, en plaçant un tiers du pays sous protection d’ici à 2022, dont 10 % sous protection forte. Nous pouvons et nous devons y arriver.

Ce budget pour 2021 nous en donne la possibilité, en accroissant les moyens de l’Office national des forêts et de l’Office français de la biodiversité, en renforçant les parcs nationaux, en territorialisant nos politiques par le biais des agences de l’eau, du Conservatoire du littoral ou des conservatoires d’espaces naturels, en créant un maillage dense de réserves et de protection de la biodiversité, par le travail et l’engagement des gestionnaires d’aires protégées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous l’ai dit, cette transformation écologique sans précédent concerne rien de moins que notre existence à tous, parce que le vivant, c’est nous !

Les Français y sont prêts, ils l’attendent et ils l’exigent : 150 d’entre eux, tirés au sort, réunis pendant neuf mois, l’ont redit en faisant 146 propositions. Ce budget permettra de répondre à certaines de ces demandes, avant la présentation d’un projet de loi dédié.

Le projet de loi de finances comporte donc déjà des avancées majeures, qui étaient demandées par la Convention citoyenne pour le climat. Ces avancées sont importantes, avant tout parce qu’elles sont la preuve que les Français, leurs représentants dans les deux chambres et le Gouvernement ont à cœur d’agir ensemble dans le même esprit, dans le même sens, pour la justice et pour l’écologie. Je le dis de nouveau, il y va de notre responsabilité !

Nous défendons une écologie de progrès qui ne laisse personne sur le bord du chemin, une écologie qui sait être réaliste sans renier ses ambitions, une écologie de terrain et de territoire, qui fait confiance à celles et à ceux qui imaginent, inventent, interviennent et déploient au quotidien des solutions porteuses d’avenir. Cette écologie-là est également au cœur du plan de relance. Vous le savez, ce sont 100 milliards d’euros, dont 30 milliards dédiés à l’écologie, pour relancer l’économie et la transformer en profondeur, pour décarboner l’industrie, le bâtiment, l’agriculture, les transports, pour faire émerger des filières d’avenir, qu’il s’agisse de l’hydrogène ou de l’économie circulaire.

Ce plan, vous le connaissez. Nous devons maintenant le faire vivre dans et pour les territoires, car c’est de là que viendra le changement qui transformera notre pays.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de mobilisation et de combat que nous vous présentons. C’est un budget qui est conçu pour protéger nos concitoyens contre les crises de l’époque. C’est un budget de résilience pour à la fois faire face aux urgences et dessiner l’avenir. C’est un budget qui repose sur le seul choix qu’il est possible de faire en responsabilité : celui de l’écologie.

Notre époque est à un point de bascule, elle est troublée, elle est difficile. Il nous faut continuer à écrire le futur, à créer des emplois, à accompagner les territoires. Nous devons garder le cap et accélérer. Vous pouvez croire en ma détermination.

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