Pour ceux qui ne me connaîtraient pas, je m'appelle Jean-Pierre Farandou, j'ai 63 ans, et on peut dire que je suis cheminot : je suis entré à la SNCF en 1981. J'ai donc quelques heures de vol, et j'ai exercé un certain nombre de métiers de base. J'ai été chef de gare, chef de dépôt, après avoir appris les métiers d'aiguilleur et de conducteur de train, je suis passé par les établissements de production, par les directions régionales, où j'ai pu nourrir une première expérience de relations avec les territoires. Je me suis aussi beaucoup occupé de voyageurs dans ma vie professionnelle : j'ai fait du TER en Rhône-Alpes, qui ne s'appelait pas encore Auvergne-Rhône-Alpes, mais était déjà une belle région ! Je me suis occupé aussi de tous les TER au plan national, ce qui m'a permis de croiser des élus régionaux, des vice-présidents aux transports et des présidents de région. Enfin, je me suis occupé du TGV, comme chef de projet de la ligne Paris-Nord de la France, lancée en mai 1993, puis du Thalys, lancé en 1996, entre la France et le nord de l'Europe.
Je suis aussi passé par la case « transports urbains », puisque j'ai eu la chance de travailler pour Keolis deux fois, d'abord comme patron du réseau lyonnais - je connais donc bien les problématiques des grands réseaux urbains - avant de diriger Keolis pendant sept ans, puis de prendre la tête de la SNCF, il y a un an. Ce parcours diversifié dans les métiers du rail donne quelques avantages, surtout dans les périodes compliquées : on comprend plus vite les enjeux, les problématiques, les gens, la culture...
C'est en effet ma deuxième audition physique devant votre commission, à laquelle s'ajoute une audition aussi par visioconférence au printemps sur la crise sanitaire. Depuis ma prise de fonctions à la présidence du groupe SNCF, en novembre 2019, j'ai donc eu l'honneur de venir plusieurs fois m'exprimer devant la représentation nationale. C'est peu de dire que le contexte a changé depuis ma nomination, il y a un an.
Nous avons réussi à faire face à la crise et à engager en même temps la transformation de l'entreprise, notamment pour nous préparer à l'arrivée de la concurrence. Quand je suis arrivé à mon poste actuel, la SNCF était en pleine ébullition, avec une tension sociale forte. Le dialogue social a été rétabli avec toutes les organisations syndicales. Le travail d'écoute et d'explication paie. J'ai une conviction forte : c'est avec les cheminots que nous ferons avancer la SNCF.
Nous faisons aujourd'hui face à deux mutations majeures, qui sont largement concomitantes et qui viennent bousculer la SNCF. La première mutation, c'est la crise épidémique de la covid-19. Avec ses premières secousses, que l'on commence seulement à mesurer, et qui seront certainement plus fortes que prévu, nous observons une baisse inédite du trafic ferroviaire, mais surtout un changement dans les habitudes et comportements de mobilité des Français. La seconde mutation, c'est l'imminence de l'ouverture à la concurrence, qui annonce un changement dans le fonctionnement même du marché ferroviaire.
Ce contexte, marqué par ces deux mutations, nous conduit à nous interroger sur le modèle du groupe SNCF et, plus globalement, sur le modèle du ferroviaire en France. Cela est d'autant plus nécessaire que notre ambition reste inchangée. Nous voulons garantir à chaque territoire un service public de haute qualité, et continuer à être utiles au pays : utiles pour répondre à l'urgence sociale, que la crise sanitaire va augmenter, utiles aussi pour répondre à l'urgence climatique, dont l'existence fait largement consensus aujourd'hui.
Le débat sur ce nouveau modèle est bien sûr au coeur de ma réflexion en tant que président du groupe SNCF. Il anime également toute l'équipe dirigeante qui m'entoure. J'ai la conviction que ce débat est également un débat public, un débat national, un débat qui appartient de plein droit aux Français et que l'on ne doit pas craindre.
Dans le cadre de cette réflexion, la question financière est centrale. L'équilibre même du pacte ferroviaire décidé en 2018 est soumis au choc de la crise sanitaire. Le groupe SNCF est aujourd'hui entièrement mobilisé pour construire la soutenabilité économique de l'entreprise, je vous l'assure. Mais, en parallèle, nous avons besoin de renforcer la soutenabilité politique du modèle. Quel ferroviaire voulons-nous dans notre pays ? C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, je souhaite partager avec vous notre diagnostic.
Malgré toutes les difficultés, le cap stratégique est très clair, et ma détermination reste intacte pour que l'entreprise devienne, d'ici 2030, un champion mondial de la mobilité durable des voyageurs et des marchandises, avec un coeur de métier, le ferroviaire, et un pays de référence, la France.
L'attention de l'État et des parlementaires vis-à-vis du groupe que j'ai l'honneur de présider a été décisive au cours de cette première année d'exercice. Je suis personnellement attaché à la richesse de nos échanges, et je suis très honoré que nous puissions aujourd'hui les poursuivre. Je m'étais engagé, il y a un an, à venir vous présenter le bilan de cette première année. Je serais heureux de revenir chaque année devant vous partager l'état d'avancement et les ambitions du groupe.
La période que nous traversons est rude pour beaucoup de Français. Les risques se superposent : risque sanitaire, économique, social, terroriste... Cela nous affecte tous directement et, face à cela, je souhaite que le groupe SNCF se tienne, aujourd'hui plus que jamais, aux côtés des Français et des territoires.
Permettez-moi tout d'abord de revenir sur cette première année d'exercice, pour le moins particulière. Cette année, nous avons connu la crise dans des proportions inédites, à travers deux épisodes très marquants. Le premier, c'est le mouvement de grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites, en décembre 2019, qui a duré jusqu'au mois de février - le plus long en continu jamais connu par la SNCF. Le second, c'est bien sûr la crise sanitaire de la covid-19, une épidémie mondiale de grande ampleur qui nous a obligés à réinventer l'exploitation ferroviaire en situation pandémique. Jamais l'activité ferroviaire n'avait connu un coup d'arrêt aussi soudain. Rappelons que nous sommes passés en mars de 15 000 à 3 500 trains par jour, et de 5 millions à 150 000 voyageurs par jour. Et, si nous nous attendions à une réplique de la crise, il est clair que la deuxième vague et le deuxième confinement constituent un nouveau choc.
Certes, ces deux crises nous ont atteints sur le plan financier, mais, dans les deux cas, nous devons aussi saluer le travail collectif accompli. La crise sanitaire a révélé tout ce dont le groupe est capable : notre promptitude et la capacité de mobilisation des équipes, dans un climat social apaisé et responsable ; notre capacité d'agilité et de dépassement de soi ; notre attachement profond aux territoires ; et, surtout, notre attachement sans faille à l'intérêt général. Je crois pouvoir dire que les Français ont salué, ces derniers mois, la capacité d'action et de réaction de l'ensemble des cheminots, avec, tout récemment, comme un symbole de cette utilité, une greffe du coeur et une vie sauvée grâce à l'acheminement à grande vitesse ferroviaire du greffon entre la Lorraine et Paris.
Dans ce contexte très difficile, avec ses impacts multiples, la SNCF fonctionne, et continuera à fonctionner, en répondant encore et toujours à des demandes d'urgence qui sont au coeur de la vie et des attentes des Français. Comme je vous le disais il y a un an, cette capacité à répondre aux urgences est la force et l'identité que je veux donner au groupe.
L'urgence, c'est bien sûr la crise sanitaire de la covid-19. Dès mars 2020, nous avons adapté notre offre de transport. Nous avons fait rouler, en liaison avec les autorités organisatrices pour les transports de la vie quotidienne, dix TGV médicalisés, pour aider des malades dans les hôpitaux saturés, notamment de l'est ou du nord de la France. Nous avons acheminé un milliard de masques entre la Chine et la France, grâce à notre filiale logistique Geodis, et fait rouler 60 à 70 % des trains de fret pour que l'économie vitale tienne. À partir de mai, les Français ont pu reprendre le train en toute sécurité, grâce à l'esprit civique des voyageurs, qui suivent les règles sanitaires, mais aussi grâce à la diligence du personnel SNCF, qui veille à leur respect : port du masque pour tous, et désinfection des trains plusieurs fois par jour.
L'urgence, ce sont aussi les catastrophes naturelles - et je me tourne vers Philippe Tabarot, qui les a vécues en première ligne. Dans les Alpes-Maritimes, et avec le plein accord de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, nous avons transformé un TER en train de marchandises, pour contribuer à l'effort de ravitaillement des villages entre Breil-sur-Roya et Fontan.
C'est aussi l'urgence économique pour les entreprises et les territoires. Le fret ferroviaire a joué un rôle décisif dès le début et au plus fort de la crise sanitaire, en permettant l'acheminement de biens essentiels. La période a montré à quel point le fret ferroviaire constitue un enjeu stratégique pour le pays, qui permet de réconcilier besoins logistiques sur de longues distances et protection de l'environnement.
Et bien sûr, c'est l'urgence sociale. Avec les régions et Île-de-France Mobilités, nous avons garanti la continuité de service en périodes de confinement, en mars et novembre 2020, pour les trajets nécessaires et les personnels « de la première ligne ». Nous avons fait le choix de baisser nos prix : 4 millions de billets à petits prix ont été vendus cet été. Et, pour permettre à de nombreux Français de renouer avec la mobilité dans cette période de grande incertitude, nous avons rendu gratuits les échanges et les remboursements des billets TGV.
En quelques mots, je voudrais redire que le groupe SNCF a fait la démonstration très concrète, ces derniers mois, de sa capacité de réponse à la demande des Français. Et, je le dis devant vous, nous le devons au travail et à l'engagement des 140 000 cheminots de la SNCF ! Soyons fiers de cette grande entreprise publique et de ses personnels.
La SNCF fonctionne, mais nous ne pouvons pas ignorer la réalité économique.
Face à la baisse de la fréquentation des voyageurs sur les lignes TGV, du fait notamment de la forte diminution des déplacements professionnels, et afin de limiter les pertes financières, nous sommes parfois contraints d'ajuster notre offre à la demande. Ce sont des décisions que nous prenons en responsabilité, et en lien avec les élus des territoires concernés.
En effet, les tensions économiques restent fortes. Juste avant l'annonce du second confinement, nous étions déjà à 5 milliards d'euros de décalage par rapport au chiffre d'affaires attendu. La situation va encore se dégrader avec le deuxième confinement. De nombreuses mesures d'économies ont d'ores et déjà été prises. Elles nous ont permis d'éluder 1,8 milliard d'euros de dépenses, avec le report d'investissements, le chômage partiel - puisque l'État nous a autorisés à y recourir - ou la réduction des frais de fonctionnement, par exemple. Et nous poursuivrons bien entendu, en 2021, nos efforts de gestion.
Nous pouvons également compter sur l'implication de l'État, qui a fait le choix de placer le ferroviaire au coeur du plan de relance. C'est une marque de confiance forte. La SNCF a en effet bénéficié de 4,7 milliards d'euros pour assurer le financement de nos investissements qui sinon n'auraient pas pu se poursuivre. Grâce à ce plan de relance, nous allons pouvoir assurer la régénération et la modernisation du réseau, ce qui est une condition absolument nécessaire de la qualité de service - il n'y a pas de bons services ferroviaires s'il n'y a pas de bons réseaux ferroviaires, et il faut donc absolument poursuivre l'effort de renouvellement et de régénération - et participer à la sauvegarde du secteur du fret ferroviaire, nécessaire à l'industrie française, à la vitalisation des territoires, au verdissement des transports et de l'économie en général. Pour autant, la situation spécifique de la filiale Fret SNCF reste difficile. Il faudra y être attentif. Nous allons aussi pouvoir relancer les trains de nuit, avec la mise à l'étude, grâce à ce coup de pouce, de deux nouvelles lignes.
Je dois dire aujourd'hui, devant vous, combien votre implication est centrale alors que le choc de la crise sanitaire est d'une violence jamais connue pour notre entreprise. Dans ce contexte, nous comptons sur la représentation nationale pour partager avec nous ce diagnostic sur la situation du ferroviaire en général et de l'entreprise en particulier.
La loi de 2018 a installé, pour tout le service public ferroviaire, un nouveau pacte. Elle a aussi tracé les contours d'une nouvelle SNCF. Nous sommes devenus en janvier 2020 un groupe unifié, dont les différentes activités sont structurées en sociétés anonymes (SA). Notre nouveau modèle, c'est un groupe uni et solidaire. Nous sommes une entreprise ferroviaire pour la mobilité des personnes, avec SNCF Voyageurs et Keolis, une entreprise de transport de marchandises et de logistique, avec Fret SNCF et Geodis, et bien sûr un gestionnaire d'infrastructures avec SNCF Réseau et sa filiale SNCF Gares & Connexions. C'est un groupe solidaire, y compris dans son modèle économique, dont l'édifice repose sur le succès du TGV, jamais démenti pendant 40 ans. Je rappelle que ce modèle permet trois types de péréquations consubstantielles à notre modèle à la française.
Les lignes TGV rentables financent les dessertes TGV non rentables : avant la covid-19, il y avait déjà une ligne TGV sur deux qui n'était pas rentable. L'amortissement du matériel roulant est coûteux - une rame de TGV coûte 30 millions d'euros - et les frais d'exploitation sont importants, avec des coûts de péage très élevés. Pour une entreprise publique, cela ne pose aucun problème de mettre en place cette péréquation implicite, au service de l'intérêt général du pays. On peut dire que la SNCF finance d'une certaine manière l'aménagement du territoire et son irrigation à la grande vitesse.
Deuxième péréquation, au-delà de la grande vitesse, le TGV rentable finance aussi les trains d'équilibre du territoire, via une taxation, décidée il y a une dizaine d'années à Bercy et qui s'applique à la seule SNCF - ce qui, je le dis devant vous, nous paraît devoir être questionné eu égard aux conditions d'une concurrence juste et équitable, intra et extra modale, puisque seule la SNCF et le ferroviaire s'en acquittent. Il s'agissait de financer un contrat de service public passé entre l'État et la SNCF, pour faire rouler des trains corail, entre Paris et Clermont-Ferrand ou Paris et Limoges, par exemple. Ces taxes ont été inventées pour financer le déficit d'exploitation de ces lignes, qui atteignait alors 300 millions d'euros, et s'élève aujourd'hui à 240 millions d'euros environ, car certaines ont été reprises par les régions. La SNCF, à travers ses activités rentables, alimente un compte d'affectation spéciale, qui finance ce déficit d'exploitation. On peut s'interroger sur le bien-fondé de ce mécanisme et sur sa durabilité. Il est tout de même curieux que la SNCF finance des lignes qui pourraient passer à la concurrence ; de plus, est-ce bien au ferroviaire d'être pénalisé par cette taxation pour soutenir le ferroviaire ?
Enfin, depuis la loi de 2018, une partie importante des dividendes du TGV finance aussi la régénération du réseau, via un fonds de concours, ce qui me paraît être un mécanisme plus vertueux. Ici encore, quand le TGV est impacté, nous rencontrons un sujet potentiel de financement de réseau. Le réseau est aussi financé par le produit des péages. Et, quand il y a moins de trains, il y a moins de péages. De même pour les gares : un des éléments majeurs de leur financement repose sur les redevances versées par les commerces en gare. Qui dit moins de trains dit moins de clients dans les gares consommant dans les commerces, donc moins de redevances versées par les commerces en gare. On voit donc que des sujets d'équilibre apparaissent : ils peuvent être conjoncturels, et dans ce cas-là il faut passer ce mauvais moment. S'ils sont structurels, nous devrons en débattre pour trouver la manière de gérer ces difficultés.
Aujourd'hui, pour la première fois en 40 ans, l'activité TGV chute. Pour que le groupe aille bien, il faut que le TGV aille mieux. Nous avons d'ores et déjà des idées pour faire en sorte qu'il retrouve la santé, j'y reviendrai.
Je voudrais revenir aussi sur les grands défis collectifs que nous devons relever et sur notre stratégie, qui structure d'ailleurs tout le projet d'entreprise « Tous SNCF », dont j'ai lancé la construction dès le début de mon mandat.
Le premier défi, c'est le défi environnemental. Vous connaissez mon engagement sur ce sujet. J'ai la conviction que le train constitue une réponse d'avenir face aux enjeux climatiques, la clé de la mobilité de demain. Cela suppose un certain nombre de choix industriels et des orientations claires en matière d'innovation. Le deuxième est le défi socio-économique : dans une période qui est déjà brutale pour de nombreux Français, nous devons veiller à l'emploi, et notamment à l'emploi des jeunes, qui sont 700 000 à avoir rejoint le marché du travail à la rentrée, et développer les compétences pour conforter l'employabilité des salariés et leur permettre de réaliser leurs projets professionnels. Le troisième défi c'est le défi territorial : c'est l'échelle de la mobilité du quotidien, l'échelle du ferroviaire de proximité. En tant qu'entreprise d'utilité publique, notre ambition, au-delà de notre coeur de métier qu'est la mobilité ferroviaire, est aussi de participer, en tant que partenaire des régions, à la cohésion sociale et au dynamisme économique des territoires.
Les ruptures que la crise entraîne, et les défis collectifs qu'elle rend encore plus prégnants ne sont pas anecdotiques pour nous : ce sont de nouvelles conditions d'exercice, c'est un tout nouveau cadre pour la SNCF. Je suis convaincu que l'activité ferroviaire a de l'avenir, et un bel avenir, dès lors que nous savons traverser cette crise et que nous saurons en sortir lancés, en nous préparant au monde d'après. Je ne suis pas le seul à le penser, c'est une des conclusions de la Convention citoyenne et un des axes majeurs du Green deal européen. Nous avons cette chance comparativement à d'autres secteurs, et il faut que nous sachions capitaliser sur nos atouts et donner l'envie du train !
Si 2020 a été une année de révélation, 2021 sera une année d'accélération. L'année 2020 a vu la naissance d'une nouvelle SNCF. L'année 2021 marque l'ouverture de l'année deux pour cette nouvelle SNCF, sortie grandie de la crise sanitaire grâce à la mobilisation quotidienne et solidaire des cheminots, mais faisant face à un enjeu de reconstruction considérable. Le budget 2021 du groupe, en cours d'élaboration, sera inévitablement un budget de crise.
Nous devons ouvrir un travail de transformation en profondeur pour nous préparer à l'après-crise. Il faudra être prêt pour répondre au retour de la demande des Français, des territoires et des entreprises, une fois la crise derrière nous. Cela impose de créer dès maintenant de nouveaux services, de travailler sur de nouvelles logiques tarifaires - il n'est pas normal qu'on ne trouve plus de petits prix au dernier moment, alors que les gens décident de leur voyage de plus en plus tard - et d'anticiper la demande des chargeurs pour des lots plus ajustés et une mobilité plus verte, tout en restant bien sûr extrêmement solides sur nos fondamentaux, la sécurité et la régularité en premier lieu, qui constituent le pacte de confiance entre la SNCF et les Français.
Cela ne s'est peut-être pas vu du grand public, tant la gestion quotidienne de la crise a capté les attentions, mais nous sommes d'ores et déjà en ordre de marche pour préparer l'avenir du ferroviaire et celui de notre entreprise.
J'ai souhaité que le projet « Tous SNCF » définisse un cap commun, clair, pour notre groupe réunifié par la réforme de 2018. Notre stratégie de différenciation, qui fera que la SNCF sera choisie et appréciée, s'appuie sur quatre lignes de force : l'humain, la transition écologique, les territoires, et l'innovation digitale. Nous innoverons pour la mobilité de demain, non pas tous seuls, mais avec des partenariats et dans des écosystèmes ouverts. Nous allons déployer dès l'année prochaine une application de mobilité unique, enrichie de nouvelles fonctionnalités, qui actera une dynamique nouvelle d'articulation du ferroviaire avec des modes de transports complémentaires. Notre objectif : proposer à nos clients des solutions de voyages porte-à-porte. Je souhaite que le groupe SNCF devienne leader européen du numérique dans la mobilité, mais un leader bienveillant, ouvert aux autorités organisatrices et à tous les acteurs de la mobilité.
Par ailleurs, 40 ans après le premier TGV orange, nous inventerons avec Alstom le train à grande vitesse du futur, dont le nom de code est le TGV M, et qui sera déployé à partir de 2024.
Nous allons tout faire pour préserver nos grands équilibres financiers, dans l'esprit de la réforme de 2018, sans jamais renoncer, bien sûr, ni à notre efficacité opérationnelle ni à notre engagement au service des Français et des territoires. Ensemble, il faudra que nous réfléchissions sur les conditions durables du maintien de cet équilibre et de cette dynamique au service des Français.
Dans les mois et les années qui viennent, nous aurons à faire face à l'ouverture à la concurrence, en restant déterminés et conquérants. L'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché national constitue l'occasion pour le groupe SNCF de démontrer et de développer ses savoir-faire et ses compétences, en déployant une politique commerciale orientée vers la conquête et la fidélisation de clients voyageurs et Fret, et pour les transports de la vie quotidienne dans un dialogue renouvelé avec les autorités organisatrices.
Si le contexte a changé depuis ma prise de fonction à la tête du groupe SNCF, ma conviction reste la même, elle est entière et intacte : la SNCF doit porter haut les ambitions de la France en matière de mobilité, elle doit continuer de mériter la confiance des Français, en étant, encore et toujours, utile : dans les périodes de crise comme au quotidien, utile aux territoires, aux voyageurs et aux chargeurs, utile pour répondre à l'urgence climatique, en participant notamment à la réalisation du Green deal européen ; utile sur le plan social et économique en développant les compétences et la transmission des savoir-faire, en donnant toute sa place au dialogue social, et par une politique de responsabilité sociale et environnementale exemplaire, notamment pour les jeunes et l'égalité entre femmes et hommes dans l'entreprise. Pour nous, le monde d'après a déjà commencé. Et c'est comme cela que nous cherchons à l'appréhender pour que la SNCF et la mobilité ferroviaire soient une solution en sortie de crise et sortent renforcées de la période difficile que nous traversons.