Je vais essayer de répondre avec rythme à ces nombreuses et riches questions ! Je le répète : nous n'avons pas encore de pronostic quant à la hauteur des pertes, et je ne peux valider aucun chiffre à ce stade. Cependant, nous avons un ordre de grandeur et savons qu'elles seront élevées, que l'impact économique sera rude pour cette année et préoccupant pour l'année prochaine.
Au sujet des cessions, vous en avez mentionné une dont le processus est engagé de manière quasiment publique, mais c'est différent en ce qui concerne Akiem, entreprise européenne qui loue des locomotives à des opérateurs. En effet, la participation de la SNCF dans cette société n'est que de 50 % et, si des réflexions sont en cours, aucune décision n'a été prise et il serait prématuré de répondre.
Quand cela est justifié, l'État octroie des aides sans difficulté pour l'entretien ou la rénovation du réseau ferroviaire, parce que celui-ci relève de la politique publique et profite à tout le monde, à la SNCF comme aux nouveaux entrants. En revanche, pour soutenir le côté transporteur de la SNCF, il faut que les aides soient apportées à tout le secteur du fret. Un montage prévoyant une aide destinée au seul opérateur Fret SNCF n'obtiendrait pas facilement l'approbation de l'Union européenne.
Je suis conscient qu'il reste encore des friches industrielles, un peu partout, et qu'elles ne font pas très bon effet dans le paysage. C'est un travail de Romain, et il faut prendre ces lieux un à un, en travaillant avec les collectivités. La SNCF le fait déjà, mais sans doute peut-elle mieux faire.
Je suis sensible à la question des projets qui s'inscrivent dans le temps long, et j'ai fait des territoires un axe stratégique majeur de l'entreprise, qui s'est un peu trop centralisée au cours des dernières années. Le réflexe jacobin nous guette assez vite dans notre pays, mais je suis, en raison de mon histoire personnelle et de ma culture, plutôt girondin. Nous devons mieux travailler avec tous les territoires, dans leur diversité. Je ne peux pas revenir sur ce qu'a prévu la loi en créant un univers ferroviaire à la fois uni dans un groupe, mais constitué d'entités séparées, mais je peux oeuvrer à ce que les choses se passent de façon plus fluide. J'ai donc décidé de créer des fonctions de coordinateurs régionaux, qui seront souvent occupées par les directeurs de l'activité transport express régional (TER), qui sont très bien implantés sur le territoire, connaissent bien tous les services de la SNCF, et pourraient donc faire office de guichets uniques auprès des élus. Je veux faire de cette question un axe de progrès et j'ai commencé à agir pour consolider notre capacité à mieux travailler avec les collectivités. Cela facilitera d'ailleurs, entre autres choses, le traitement du sujet des friches. Je m'engage à suivre moi-même cette nouvelle fonction, ce qui dit bien l'importance que j'accorde à cette animation territoriale, qui sera un engagement fort de mon mandat.
En ce qui concerne la coopérative, je n'ai pas vraiment de commentaire à faire si ce n'est qu'elle sera traitée en toute équité par rapport à ces projets. Je me dois d'être étanche sur ces sujets. Mon seul questionnement citoyen porte sur la notion de contribution publique puisqu'il ne s'agit pas de concurrence avec des opérateurs privés, mais d'un opérateur qui recherche des fonds publics. Chaque collectivité est libre bien sûr de l'usage qu'elle fait des fonds qui sont les siens.
Quant au télétravail, il me semble être autant une menace qu'une opportunité. La menace est directe puisqu'il entraîne une baisse du nombre de gens se déplaçant pour aller travailler. Dans les sièges de la SNCF, nous suivons les consignes du Gouvernement et nous sommes en télétravail cinq jours sur cinq. C'est un peu lassant et nous reviendrons à un ou deux jours par semaine quand la situation le permettra. En tout cas, le télétravail et la réduction entraînée de la fréquentation des trains me semblent être des phénomènes durables. En revanche, à moyen terme, de nouvelles mobilités feront leur apparition, car de nombreux Français font le choix de déménager pour quitter leur appartement des grandes villes et s'installer dans des maisons de villes moyennes, où la qualité de vie est meilleure et les prix de l'immobilier moins élevés. On commence à observer ces mouvements vers des villes situées à moins d'une heure et demie de train de Paris, comme Chartres ou Tours. Ces populations feront des allers-retours plus ou moins fréquents dans la semaine, et nous devrons réajuster l'offre de mobilité pour nous adapter à ces nouveaux comportements. Nous pourrions aussi réfléchir à créer des lieux de télétravail dans les gares parce qu'il n'est pas toujours facile de rester chez soi. Ce serait une autre utilité possible pour les gares qui ont de l'espace, et pourraient en consacrer une partie à des bureaux, des lieux connectés, sécurisés et nettoyés.
Avec les constructeurs, nous travaillons sur le registre du partenariat comme avec Alstom-Bombardier, notamment sur le TGV de nouvelle génération et, pour le reste, nous faisons jouer la concurrence entre Alstom, l'opérateur espagnol CAF ou encore Siemens, qui n'est pas très présent sur le marché français, mais pourrait le devenir davantage. Un peu de concurrence chez les constructeurs ne nuit pas au secteur. Pour autant, on ne le dit pas assez, mais cette filière industrielle ferroviaire française représente 250 000 emplois. Nous n'apparaissons pas assez comme une filière, du constructeur à l'opérateur, une filière d'excellence qui plus est. Alstom-Bombardier est le deuxième constructeur mondial derrière les Chinois, et SNCF est le troisième opérateur mondial. Nous n'avons pas à rougir de ce que sait faire la France en matière de ferroviaire. D'ailleurs, j'ai pris bonne note de votre invitation à privilégier la communication positive et nous allons essayer de le faire par tous les canaux, y compris par les réseaux sociaux. La question du constructeur se pose aussi pour trouver le matériel le plus adapté à la desserte fine du territoire, et nous tournons autour du concept de « train léger », qu'il faudrait que nous définissions et qui ne repose pas vraiment sur des questions de poids, mais surtout de prix et de frugalité. Le Gouvernement devrait lancer une thématique de recherche industrielle, à laquelle nous souhaiterions participer, pour définir avec les territoires ce que pourrait être ce train léger, qui pourrait fonctionner avec de l'hydrogène. En effet, la question des modes d'énergie se pose aussi. Il y a les trains hybrides, les trains à batterie et en ligne de mire, la technologie de l'hydrogène qui pourrait permettre de faire rouler des trains propres sur des lignes qui ne sont pas électrifiées aujourd'hui. Et c'est toute la filière qui devrait se mobiliser, et même au-delà puisqu'il faudra aussi associer la production d'hydrogène en amont. Il s'agit d'un vaste ensemble industriel et technique qui pourrait se rassembler autour d'un objectif à cinq ou dix ans.
L'emploi cheminot est un vrai sujet bien sûr, et il est lié à deux questions. Tout d'abord, la compétitivité, car la concurrence va devenir la règle et les collectivités vont jouer sur le prix. La question du coût se posera donc, et notamment celui de la masse salariale, et il ne sera pas anormal de procéder à des ajustements. Nous avons déjà engagé des efforts et la question des coûts de production est plutôt maîtrisée, mais des progrès restent à faire sur les coûts administratifs et de structure. La seconde question est conjoncturelle et concerne une baisse d'activités d'environ 20 % liée à la covid. Il me semble normal que la production soit ajustée, de façon ponctuelle je l'espère. Les deux effets combinés affectent le budget, avec un cas particulier pour Fret SNCF, qui n'a pas droit au déficit, doit assurer son équilibre économique et être rigoureux dans la gestion de l'ensemble de ses coûts, y compris la masse salariale. Cependant, sur le long terme, j'ai confiance, même si nous devons faire face à une période un peu compliquée, et il faut que les cheminots aient confiance eux aussi. Nous allons gérer cette période difficile en faisant attention à chacun. Je rappelle qu'il n'y a pas de licenciement à la SNCF et je m'engage à ce que chaque cheminot soit reclassé, formé, et qu'on lui retrouve un poste, si possible dans son bassin d'emploi. Nous traiterons ce sujet avec beaucoup d'attention, en toute transparence avec les organisations syndicales, et j'ai d'ailleurs créé un processus « solidarité emploi » pour gérer l'emploi par bassin, en anticipant au mieux de possibles reconversions.
Sur le sujet du TGV, il nous faut retrouver un vent de conquête commerciale. Cela passera par un ajustement des prix, et nous devrions avoir la trame d'une nouvelle gamme tarifaire autour de l'été 2021. Les tarifs des billets achetés au dernier moment, qui n'offrent aujourd'hui aucun prix réduit, pourraient changer. Par ailleurs, je pense qu'il nous faut admettre qu'une entreprise comme la SNCF, qui est une entreprise publique au service des Français, doit faire attention à cette image d'entreprise chère et nous pourrions réfléchir à un prix maximum en seconde classe, qui soit acceptable psychologiquement. Je suis très sensible à ces sujets et j'espère que nous serons capables d'avancer, pour notre clientèle.
J'ai l'impression que nous sommes entrés dans une phase de clarification sur la question des lignes de desserte fine du territoire. La répartition des rôles a longtemps été ambiguë entre État et région, chacun se renvoyant la balle et SNCF Réseau se retrouvant au milieu. Malheureusement, cela n'a pas produit beaucoup d'effets positifs et ces lignes se dégradent. Tous les acteurs doivent faire un effort, et il faut mettre en place des mécanismes partagés de financement entre l'État et les régions, à travers des protocoles, dont certains existent déjà et fonctionnent très bien. Par ailleurs, je le répète : le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau doit être le cadre institutionnel au sein duquel ces efforts de clarification seront menés. Il faudra environ dix ans pour rénover toutes ces petites lignes de desserte fine du territoire et il faut espérer que l'on saura conduire ces travaux avec lucidité et volontarisme pour aller au bout du processus. Une fenêtre de tir se présente ; il nous faut la saisir.
La liaison Amiens-Paris est effectivement une ligne importante, et je suis conscient que se posent des questions de qualité de service, de composition et de régularité. Nous y travaillons. Les Français veulent avant toute chose que les trains soient à l'heure. Et sur cette question les indicateurs moyens vont dans le bon sens, même s'il faut toujours se méfier de la moyenne. La régularité des TER et celle des TGV ont été améliorées, même s'il reste des foyers de difficulté, notamment en Picardie et en Normandie. Cependant, il n'y a pas de fatalité, et je m'engage personnellement à m'attaquer à ces difficultés. Il faudra se mettre autour d'une table, être transparents, avec les élus, les populations et les associations, et mobiliser tous les services techniques de la SNCF parce que ces problèmes sont multifactoriels. Il ne faut négliger aucune ligne et n'accepter aucune situation durable de manque de qualité.
En ce qui concerne le TGV du Sud-Ouest, les installations sont vétustes et il faut traiter les caténaires du Midi. Il faudra de la détermination et dix ans d'effort pour traiter, de façon systématique, tous les éléments défectueux du réseau. Par ailleurs, la technologie pourrait offrir des solutions et nous envisageons d'installer des capteurs sur les supports de caténaires, qui permettraient de repérer les anomalies et signes de faiblesse, avant que des incidents ne se produisent. La maintenance prédictive se fait en amont et de façon ciblée, permettant des économies. Entre l'effort durable de l'État et l'introduction de ces technologies modernes dans la maintenance du réseau, nous devrions obtenir une amélioration significative de la qualité dans les années qui viennent, et ainsi transformer les clients râleurs en clients satisfaits !
La liaison Paris-Hendaye par Toulouse sera effectivement lancée en 2022.
Sur la question de la voiture - et je suis tout à fait conscient de m'adresser à la commission du développement durable -, il y a effectivement un risque que le grand gagnant du confinement, après le vélo, soit la voiture individuelle. Ce serait un paradoxe que la voiture se taille la part du lion en sortie de confinement. Il faudra se montrer vigilants et nous mobiliser pour renforcer l'attractivité des transports collectifs et mieux faire valoir auprès des Français l'argument écologique. En effet, le train émet en moyenne vingt fois moins de gaz à effet de serre que les autres modes de transport. Vingt fois moins ! Si nous sommes tous convaincus que les politiques publiques doivent prendre en compte le fait écologique, il est impossible que l'on ne parvienne pas à orienter l'action publique autour du ferroviaire ! En cas d'échec, nous passerions à côté d'un mode de transport extraordinaire, le plus respectueux qui soit à l'égard de la planète. Il faut tout faire pour en encourager l'usage, pour les voyageurs comme pour les marchandises.
Je suis très sensible à la question de l'ascenseur social, dont je suis un exemple. Par ailleurs, je suis parfaitement conscient qu'il y a encore des Français qui n'ont pas suivi d'études pour des raisons diverses, mais le plus souvent sociales. Il faut leur donner la chance de commencer parce que sans cela rien ne peut arriver. La SNCF va donner cette occasion de commencer à de nombreux jeunes, puisque l'on va embaucher cette année 7 000 alternants, et que nous serons l'entreprise comptant le plus de jeunes en contrat d'apprentissage. En outre, nous allons proposer aux jeunes 2 500 contrats d'insertion et ce seront autant de secondes chances d'être formés, de trouver une dignité et une utilité. En tout, ce seront presque 10 000 possibilités pour des jeunes de trouver une place. Je suis très fier des statistiques qui montrent que deux tiers de nos agents de maîtrise et la moitié de nos cadres viennent de l'exécution. Notre entreprise permet encore de commencer au bas de l'échelle et de gravir les échelons et à ce sujet je souhaiterais citer un exemple dont je suis très fier. Le nouveau patron national du TER, Jean-Aimé Mougenot, qui a commencé comme conducteur de train, se retrouve aujourd'hui, 35 ans plus tard, membre du comex de la SNCF. C'est un beau symbole et il montre que c'est encore possible, à condition de travailler et de faire des efforts bien sûr. Vous n'êtes pas les premiers à me dire qu'il y a peut-être un certain ralentissement, et je veillerai personnellement à ce que l'ascenseur social continue de fonctionner, car la SNCF reste l'une des entreprises où la promotion interne est la plus forte et la plus vivante.
La sous-traitance est un sujet dont je discute beaucoup avec les syndicats. Il ne faut pas aller trop loin : il en faut, mais pas trop, et il convient de veiller à ce que les savoir-faire majeurs restent à la SNCF. Mais on a besoin, parfois, de sous-traitants, pour passer les pics de charge de travail. Il est normal que la SNCF s'appuie sur la sous-traitance, en restant très vigilante sur les compétences-clés, qui doivent absolument rester en son sein.
Certains territoires, vous le savez, n'auront pas la grande vitesse. Il s'agit de la Normandie, du Centre, du Limousin, de l'Auvergne. Ces territoires vont passer à côté de la grande vitesse de 300 kilomètres à l'heure. Certes, le doublement de la ligne nouvelle Paris-Lyon pourrait passer par l'Auvergne. Mais ce n'est pas pour demain ! Je ne vais pas vous le promettre à vue d'homme... Pourtant, ces territoires méritent une offre ferroviaire de qualité. L'offre actuelle s'articule sur du 200 à l'heure, ce qui n'est pas si mal et requiert une infrastructure de qualité. D'ailleurs, en Auvergne et dans le Limousin, des efforts importants sont actuellement déployés, pour environ un milliard d'euros à chaque fois, pour rénover les lignes et les rendre capables de supporter, sur des parcours importants, du 200 kilomètres/heure. Le matériel roulant doit aussi être modernisé. Les trains corail ont 40 ans : c'est l'équivalent, pour l'automobile, de la R16... Les wagons ont été rénovés, mais tout de même. Les décisions sont prises, et l'État a commandé du matériel neuf, qui sera construit à Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées, et livré en 2024 ou 2025. En attendant, il faut tenir, avec du matériel ancien et des travaux. Mais avec des voies neuves et du matériel neuf, nous pourrons proposer le meilleur service possible aux clients de ces territoires. Je peux comprendre l'impatience et la colère : en Auvergne, il y a peu, je les ai ressenties, chez les élus comme chez les usagers.
Il y a 3 000 gares et points d'arrêt en France. Traiter 500 gares en cinq ans, ce n'est pas négligeable ! En dix ans, nous aurons rénové 1 000 gares. Ce sera une bonne action pour les territoires, que la SNCF accompagne, bien sûr, avec des travaux de rénovation : ceux qui utilisent ces gares n'ont pas des capacités contributives financières très élevées, nous en sommes bien conscients.
Sur le fret ferroviaire, le paradoxe est que tout le monde comprend qu'il faudrait davantage de marchandises sur les trains, et moins sur les camions, mais qu'on n'y arrive pas - du moins en France. En Suisse, pourtant, le train a plus de 30 % de parts de marché ! Et le meilleur élève de la classe, en Europe, c'est l'Autriche, avec 35 % de parts de marché. Avec 9 %, nous sommes de mauvais élèves : la moyenne européenne est à 18 %. Seules l'Espagne et l'Italie font moins bien que nous, et sont dans le « tout routier » - dont nous ne sommes pas si éloignés que cela ! Il faut réagir, nous ne pouvons pas laisser cette tendance se poursuivre, sous peine de multiplier les problèmes de congestion et de sécurité routière.
Nous devons donc créer les conditions pour que les opérateurs de fret reprennent des parts de marché. En dix ans, cette part de marché doit doubler. C'est du travail, assurément. Il faut commencer par survivre à court terme, face aux menaces. Le Gouvernement a posé un jalon important en introduisant, comme l'ont fait les Autrichiens - ce qui explique une partie de leur succès - une aide au wagon isolé. Un wagon isolé fait la même masse qu'un camion, mais sans sa souplesse : le camion part de l'usine pour aller au dépôt, quand, pour un wagon, il faut l'amener avec un petit locotracteur, attendre qu'il soit chargé, le ramener à la gare, l'incorporer avec d'autres wagons, l'emmener de gare de triage en gare de triage... Bref, pour le livrer, il faut quatre jours, pendant que le camion fait quatre fois l'aller-retour : si l'on n'aide pas le wagon isolé, il est mort ! Le Gouvernement a fait le choix de l'aider. Nous verrons si le niveau d'aide sera suffisant. De toute façon, il faut une ambition européenne pour le fret, puisqu'il implique les grands ports européens, et que les clients des industries françaises, comme ses fournisseurs, sont partout en Europe. Il faut donc absolument relier les usines et les lieux de production avec des points en Europe. Nous avons d'ailleurs passé un accord avec les Allemands pour mieux travailler ensemble avec la Deutsche Bahn et fusionner nos systèmes de traitement des wagons isolés.
Oui, le digital peut consommer beaucoup d'énergie, et nous y serons attentifs. Pour le wifi, nous nous occupons d'équiper les engins, mais il faut que les réseaux fonctionnent ! Cela renvoie aux opérateurs, qui doivent faire en sorte que les antennes soient assez puissantes le long de nos lignes pour que le signal arrive. Ils avaient pris l'engagement de couvrir tout le territoire : n'hésitez pas à le leur rappeler !
Vous avez mentionné l'article de presse paru ce matin. Cela pourrait m'agacer, mais cela ne m'agace même plus : sans doute la sérénité liée à l'expérience. Il s'agit du recyclage de sujets bien connus. Oui, il y a de l'argent public qui va à la SNCF. Pour les retraites, il s'agit d'une péréquation générationnelle : il y avait 400 000 cheminots après-guerre ! Il en va de même pour les agriculteurs : si on demandait aux agriculteurs de payer la retraite des agriculteurs, ils seraient à la peine... La SNCF compte 140 000 actifs pour 350 000 retraités : il est bien évident que les seuls actifs de la SNCF ne peuvent pas financer les cheminots retraités. Cette solidarité est prévue par la loi, et ne pose aucun problème. Il est donc injuste de prendre ces chiffres pour dire : « regardez ce que ça coûte ! ». L'article comptabilise aussi les sommes versées par les régions pour le TER. Ce n'est pas sérieux : les régions achètent un service, il s'agit d'un chiffre d'affaires, pas de gaspillage ! C'est bien la contrepartie de la production ferroviaire que nous leur offrons. Bref, ces chiffres rapidement lancés dans un article appellent une prise en compte prudente...
Je souhaite « dédieseliser » la SNCF, qui utilise encore de nombreuses tractions au diesel. Près de la moitié de nos lignes ne sont pas électrifiées - heureusement, elles ne représentent que 20 % de notre trafic. Nous cherchons des solutions avec les régions, puisque c'est surtout le TER qui est concerné. Les trains à batterie et les trains hybrides nous permettent d'aller vite et de rendre électrique une partie du parcours. Ensuite, ce sera l'hydrogène. La SNCF doit aussi développer sa capacité à produire elle-même de l'énergie renouvelable. Autrefois, elle avait des centrales hydroélectriques... Nous pouvons poser des panneaux solaires, ou des éoliennes.
Quand le Président de la République a pris ses fonctions, il a décrété une pause sur la grande vitesse et appelé à mettre la priorité sur les transports de la vie quotidienne. Cela n'empêche pas des projets de LGV de se préparer, mais ils demandent un traitement démocratique. Des lignes sont possibles entre Bordeaux et Toulouse, Bordeaux et l'Espagne, et, depuis Toulouse, on ne serait pas très loin de Montpellier et de Marseille... Bref, on pourrait voir apparaître un barreau à grande vitesse qui relierait toutes les grandes capitales du sud de la France. De tels projets, bien sûr, coûtent cher. Mais, à vue d'homme, sans doute qu'un ou deux projets de LGV ont leur pertinence, pour compléter le réseau à grande vitesse français, dans une dimension européenne.