Intervention de Jean-Michel Houllegatte

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 décembre 2020 à 16h00
Proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en france — Audition de m. cédric o secrétaire d'état chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Photo de Jean-Michel HoullegatteJean-Michel Houllegatte, rapporteur :

Monsieur le secrétaire d'État, nous profitons de ces échanges non seulement pour recenser les attentes du Gouvernement sur cette proposition de loi, mais également, d'une certaine façon, pour la ciseler. Je souhaiterais, de mon côté, aborder les articles 7 à 10, relatifs à l'obsolescence logicielle rendant inopérants certains terminaux. Le sujet n'a pu être pleinement traité dans le cadre de la loi AGEC. Ces articles ne nous semblent pas poser de difficulté de conformité aux directives européennes devant être transposées d'ici l'été prochain. Partagez-vous cette analyse ? Pour assurer la conformité de l'article 8 à ces directives, nous pourrions prévoir une obligation de distinction entre les mises à jour évolutives et les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité du bien - notion beaucoup moins restrictive que celle des mises à jour de sécurité actuellement retenue dans notre proposition de loi.

Au sujet de l'article 10 prévoyant le droit de désinstaller des mises à jour de logiciels fournis lors de l'achat d'un bien, il pourrait être précisé que le vendeur ne soit pas rendu responsable d'un défaut de conformité. Quel est votre regard sur cette proposition ?

L'article 6, relatif à l'obsolescence programmée, s'avère un peu complexe. Dans notre rapport d'information de juin dernier, nous avions fait le constat du caractère inopérant de l'article L. 441-2 du code de la consommation définissant le délit d'obsolescence programmée. En effet, aucune condamnation n'a été prononcée sur ce fondement depuis 2015. Selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'article est aujourd'hui trop restrictif et contraint l'administration à engager des poursuites sur d'autres fondements, comme l'illustre le récent dossier d'Apple : à défaut de pouvoir retenir le fondement juridique de l'obsolescence programmée, la société a été condamnée à une transaction de 25 millions d'euros pour pratiques commerciales trompeuses par omission.

Afin de donner une réelle portée au droit, il apparaît donc important de réécrire cet article L. 441-2 du code de la consommation. Reprenant une proposition du CNNum, l'article 6 de la proposition de loi prévoit une inversion de charge de la preuve en matière d'obsolescence programmée. Nous sommes conscients que, conformément au code de procédure pénale, cette proposition ne pourra pas être inscrite dans le droit, dans la mesure où l'obsolescence programmée constitue un délit. Cette proposition, néanmoins, a le mérite d'engager une réflexion sur les modifications à apporter sur l'article du code de la consommation. La DGCCRF s'est saisie de cette opportunité pour nous exprimer ses observations. Selon elle, une piste de modification envisageable serait d'exiger la preuve de l'intention délibérée de raccourcir la durée de vie des produits sans exiger, de surcroît et de façon concomitante, la preuve de l'intention délibérée d'en augmenter le taux de remplacement. Partagez-vous cette observation ?

Enfin, je me réjouis que le Gouvernement ait engagé des travaux concernant l'impact environnemental des centres de données. Nous sommes satisfaits de voir repris par l'Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances, l'article 22 de la proposition de loi exigeant une écoconditionnalité à l'octroi d'un tarif réduit en matière de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), dont bénéficient actuellement les centres de données.

Par ailleurs, le décret dit « tertiaire » devrait bientôt s'appliquer aux centres de données, en vertu de la loi portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique (ELAN). Considérant la nature spécifique de ces centres au sein de la catégorie des bâtiments tertiaires, et considérant que leurs impacts environnementaux ne peuvent se résumer à la seule consommation énergétique, ne faudrait-il pas un encadrement environnemental propre aux centres de données, comme le propose l'article 21 de la proposition de loi ?

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