Intervention de Olivier Jacquin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 décembre 2020 à 9h05
Proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure — Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

Photo de Olivier JacquinOlivier Jacquin, auteur de la proposition de loi :

À cause de la crise sanitaire actuelle, des entreprises vont crever. Parallèlement, certains secteurs d'activité se portent bien, et c'est tant mieux ; je pense aux entreprises du secteur de la santé, aux pompes funèbres, à la grande distribution, au commerce électronique. Pendant le premier confinement, le secteur de l'assurance a été pointé : alors que nous payons nos cotisations d'assurance annuellement, nos voitures ont été immobilisées, et il n'y a plus eu d'accidents. Très rapidement, dans le débat public, on s'est demandé qui allait payer la crise. Doit-on condamner les entreprises qui vont mal et applaudir celles qui profitent de la situation ?

Le rapport du Gouvernement publié en juillet dernier, nous l'avons obtenu collectivement de haute lutte, et il nous éclaire un peu. Lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR2), Albéric de Montgolfier, alors rapporteur général, avait demandé que cette question soit approfondie. Ce rapport mentionne une baisse de la sinistralité dans l'assurance non-vie à 1,9 milliard d'euros lors de la première période de confinement, comme l'a souligné le rapporteur, et des « sur-profits » liés à la situation dans certains secteurs. L'APCR indique toutefois qu'il faut attendre la fin de l'exercice pour avoir plus de visibilité.

Les compagnies d'assurances ne se résument pas aux douze majors qui font régulièrement de la publicité à destination du grand public ; une multitude de petites sociétés sont spécialisées dans des créneaux très particuliers. La situation d'une société spécialisée dans la prise en charge de l'annulation d'événements culturels n'a rien à voir avec celle d'un assureur automobile, qui a fait des économies considérables.

Le dispositif qui vous est présenté n'est pas un « one shot » : il serait déclenché en fonction d'un outil administratif rare, mais voué à se généraliser, l'état d'urgence sanitaire. En plus, il n'est non pas aveugle, mais juste, pragmatique et proportionné puisqu'il se fonde sur des sur-profits réalisés lorsque l'état d'urgence sanitaire est appliqué, en se calant sur le dispositif retenu pour l'impôt sur les sociétés (IS). On compare le résultat d'exploitation de l'exercice au cours duquel l'état d'urgence sanitaire est appliqué avec la moyenne des trois derniers exercices. Et que l'on ne parle pas de spoliation ! Seul le « sur-profit » est prélevé à hauteur de 80 %.

Le rapporteur a parlé de la hausse du nombre de sinistres au titre des catastrophes naturelles au cours de la même période ; j'ai les mêmes chiffres que vous.

Dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, un amendement de M. Retailleau a proposé d'augmenter une taxe sur les excédents de provisions d'assurance dommages : elle devait rapporter quelques dizaines de millions d'euros, à rapprocher des 2 milliards que nous évoquons. Cette taxe n'a pas prospéré, car elle n'a pas été retenue par la commission mixte paritaire. Le Gouvernement a aussi usé d'une astuce fiscale courante en créant une taxe additionnelle à la taxe de solidarité additionnelle (TSA) dans le PLFSS pour 2021. Aucun de nos concitoyens n'en voit directement l'effet. Cette taxe discrète a augmenté de manière considérable depuis sa création. Récemment, le Sénat a adopté, à l'initiative de la commission des finances, une taxe au taux initialement fixé à 1 % sur les primes d'assurance dommages, une taxe totalement aveugle, sur toutes les assurances. Le sous-amendement de M. Delahaye l'a portée à 2 %. Je ne vous dis pas ce qu'en pense la société d'assurance spécialisée dans la prise en charge de l'annulation d'événements culturels !

La proposition de Jean-François Husson de couvrir un nouveau risque est une très bonne chose. On l'a vu, de nombreux restaurateurs pensaient être couverts par le risque de fermeture administrative. Mais l'outil que vous proposez n'a pas du tout la même finalité : il vise à améliorer la couverture des risques, tandis que le nôtre tend à opérer un prélèvement juste au bénéfice des entreprises en difficulté.

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