Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » vont renouer, en 2021, avec une logique de progression, abandonnée lors de l’exercice précédent.
Les crédits de paiement demandés s’élèvent à 1 329 millions d’euros. À périmètre constant, ce montant correspond à une augmentation de 11, 4 % par rapport à celui qui avait été inscrit en loi de finances pour 2020.
Cette mission est composée de deux programmes : le programme 204, dédié à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, et le programme 183, consacré à la protection maladie et dont 99, 3 % des crédits seront consacrés, en 2021, à l’aide médicale de l’État.
L’AME est désormais le principal poste de dépenses de la mission « Santé », puisque 80 % des crédits demandés en 2021, soit 1, 061 milliard d’euros, lui sont dédiés. Les crédits devraient progresser de 15, 4 %, quand les crédits alloués à l’aide médicale de l’État de droit commun atteindront 989, 5 millions d’euros en 2021, soit une hausse de 12, 7 % par rapport à la loi de finances pour 2020. Entre 2012 et 2019, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun a déjà augmenté de 32 %, induisant une majoration des dépenses de près de 51 %.
Je rappelle qu’une réforme, adoptée en loi de finances pour 2020, sur l’initiative du Gouvernement, devait limiter le coût de ce dispositif. Notre commission l’avait jugée insuffisante à l’époque. Un an plus tard, c’est une majoration importante des crédits qui nous est proposée.
La réforme prévoyant une obligation de présence physique lors du dépôt d’une demande d’AME ou encore la subordination de certaines opérations à un délai de présence sur le territoire n’est toujours pas appliquée, faute de décrets d’application. Le nombre de bénéficiaires ne fléchit donc pas. Ainsi, 350 000 personnes environ étaient enregistrées à la fin du mois de mars 2020, soit une progression de près de 5 % en trois mois. Une telle évolution annonce, par ailleurs, une exécution délicate pour 2020.
Plus que jamais, le dynamisme des dépenses de l’aide médicale de l’État incite à l’adoption de mesures structurelles réellement efficaces visant le panier de soins, afin de limiter sa progression, répondre à l’impératif de sincérité budgétaire et garantir la soutenabilité de la mission. C’est l’objet de l’amendement que je vous présenterai tout à l’heure.
La part croissante des dépenses d’AME dans la mission « Santé » tend à réduire celle-ci à une enveloppe de financement de ce dispositif. Doit-on, dans ces conditions, maintenir la mission ? Pourquoi ne pas transférer l’aide médicale de l’État à la mission « Immigration, asile et intégration », tant elle constitue un facteur de croissance de l’immigration irrégulière ?
Ne resterait alors que le programme 204, dont la progression des crédits de près de 30 % en 2021 résulte, pour l’essentiel, d’une mesure de périmètre destinée à répondre aux besoins de financement de l’agence de santé de Wallis et Futuna. Elle n’est donc pas spécifiquement liée à la crise sanitaire, ce qui peut conduire à s’interroger sur l’utilité du programme sur le plan de la santé publique.
Je rappelle que le principal opérateur en matière de santé publique, Santé publique France, qui incarne la lutte contre la pandémie, a été transféré vers le budget de la sécurité sociale l’an dernier. La crise sanitaire souligne encore un peu plus que les missions qui lui sont assignées, comme celles de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ne relèvent pas de la logique contributive que suppose pourtant son rattachement au budget de la sécurité sociale.
Les deux derniers opérateurs de la mission, l’Institut national du cancer (INCa) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), sont quant à eux financés en large partie par les missions « Recherche » et « Agriculture ».
Par ailleurs, 60 % des crédits du programme 204 sont tournés vers le financement de deux sous-actions, à savoir le financement de l’agence de santé de Wallis et Futuna et l’aide aux victimes de la Dépakine, ce qui ne laisse que peu de marges de manœuvre budgétaire pour les autres actions.
Ma dernière observation portera sur les indicateurs de performance. Ceux qui ont été retenus pour l’ensemble de la mission, l’espérance de vie et l’état de santé perçu, s’avèrent insuffisamment renseignés ou peu pertinents. Ceux du programme 204, dont la lutte contre le tabagisme, donnent lieu à des résultats insuffisants et suscitent des interrogations sur l’efficacité de la dépense publique en matière de prévention.
Au regard des éléments que je viens d’évoquer, qui amènent à s’interroger sur la viabilité de la maquette, la commission des finances a décidé de proposer le rejet des crédits de la mission « Santé ».