Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 30 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Santé

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par ces mots de Leibniz : « Deux choses principalement doivent nous occuper, la vertu et la santé ». Ils doivent nous rappeler la lourde responsabilité qui nous incombe, nous, parlementaires, qui avons pour mission de déterminer le sens que nous voulons donner aux actions conduites par l’État en matière de santé.

Aussi, cette vertu, nous la devons à ces millions de professionnels de santé qui œuvrent au jour le jour avec des moyens parfois plus que contraints. Plus qu’un devoir, elle est une nécessité.

En déterminant le financement de l’aide médicale de l’État, ainsi que celui de mesures de prévention et d’autres actions sanitaires, mais également en fixant la politique de modernisation de l’offre de soins de santé publique, cette mission budgétaire demeure importante.

Précisément, pour l’exercice 2021, le budget alloué dans le cadre de ce projet de loi de finances s’inscrit dans une trajectoire en hausse. Les crédits de paiement s’élèvent ainsi à 1, 4 milliard d’euros, soit une progression des crédits de la mission de 18, 2. % par rapport à 2020. Cependant, ces hausses de crédits ne coïncident pas avec les attentes que nous étions en mesure d’exprimer sur le programme 183, « Protection maladie », et le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Le programme 183, qui comprend l’action n° 02 relative au financement de l’aide médicale de l’État pour les soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière et l’action n° 03 pour le financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, connaîtra une hausse d’environ 200 millions d’euros par rapport à 2020. Précisons toutefois que 99 % des finances de ce programme concernent l’AME. Cette dernière, dont la gestion est confiée à la CNAM, se divise en trois composantes : l’aide de droit commun ; l’aide dédiée aux soins urgents ; l’aide dite « humanitaire ».

Dans sa trajectoire budgétaire, le Gouvernement prévoit ainsi une augmentation du coût total de l’AME de plus de 15 % par rapport à l’exercice 2020, un niveau encore jamais atteint. La croissance de cette dépense, qui se concentre essentiellement sur l’AME de droit commun, résulte notamment de la réforme inaccomplie de ce dispositif. Espérons une mise en œuvre en 2021 avec des résultats probants à la clé. À ce stade, et en dépit des propos de l’an passé, force est de constater que les promesses ne sont pas tenues.

Ce sentiment repose sur des déficiences financières et de lutte contre la fraude.

En matière de lutte contre la fraude, un rapport de l’IGF et de l’IGAS en date de 2019 avait souligné l’existence de cas caractérisés de tourisme médical qui conduisaient, de facto, à des détournements du dispositif et à des risques de fraude et d’abus importants que les contrôles exercés par les CPAM peinent encore à endiguer.

Du point de vue financier, ce sentiment d’inachevé repose sur la question de l’apurement de la dette de l’État envers l’assurance maladie, de l’ordre de 15, 2 millions d’euros en 2019, en raison de difficultés de financement observées sur les différentes composantes de l’aide médicale de l’État.

L’AME de droit commun s’illustre ainsi par des retards successifs de remboursement, alors que l’AME pour les soins urgents se distingue par une insuffisance de financement.

Dans ces circonstances, il apparaît difficilement acceptable que l’assurance maladie ait à supporter le poids de cette dette. Il serait alors légitime que son coût soit supporté par l’État. Aussi existe-t-il aujourd’hui un consensus en faveur de l’adoption de l’amendement conjoint de nos rapporteurs, qui vise à recentrer le panier de soins de l’AME sur les soins urgents et sur les soins de prévention.

En 2021, c’est néanmoins le programme 204 qui affiche la progression la plus significative, en hausse de 29 %. Cet accroissement des crédits pour 2021 rompt avec la diminution régulière des moyens de ce programme observée ces dernières années. Il convient toutefois de préciser que cette rupture de tendance n’est pas une conséquence de la crise sanitaire : cette hausse résulte en effet d’un effort financier principalement consenti sur l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna. L’État ne fait qu’assumer enfin ses responsabilités en budgétant l’agence de santé à hauteur des besoins de ce territoire.

Aussi, la seule dépense du programme 204 expressément rattachée à la crise sanitaire est celle dédiée au développement et à l’exploitation des systèmes d’information de santé publique. Ils verront leurs crédits progresser de 4, 4 millions d’euros en 2021. On pourra ainsi regretter l’absence de budgétisation de certaines dépenses relatives à la crise sanitaire, notamment en ce qui concerne les actions juridiques et contentieuses. Au regard de certaines décisions prises par les autorités sanitaires pendant la pandémie, la responsabilité financière de l’État est susceptible d’être engagée par des tiers, mais aucun crédit n’est prévu à cet effet.

De même, aucun crédit spécifique n’est prévu en faveur de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, alors même que cet établissement devra gérer un dispositif d’indemnisation relatif à la crise sanitaire.

Enfin, je ne peux conclure sans évoquer les crédits consacrés aux questions de sécurité sanitaire et de prévention : nous constatons ainsi leur éparpillement pour l’exercice 2021 et la baisse de la part du financement des agences sanitaires.

Alors que le financement des opérateurs sanitaires captait près de 48 % des crédits du programme 204 en 2014, il en représente moins du quart à présent et ne participe plus qu’au financement de deux agences sanitaires, l’INCa et l’Anses. Cette situation prive le programme 204 de toute cohérence stratégique et accroît les interrogations sur la persistance du maintien de son financement.

Alors que la veille et la sécurité sanitaires constituent des missions régaliennes, un rapatriement des crédits de Santé publique France et de l’Agence nationale de santé du médicament et des produits de santé sur le budget de l’État apparaît souhaitable.

En conclusion, je ne peux qu’inviter le Gouvernement à poursuivre les efforts de réforme engagés et surtout à mettre en œuvre les réformes annoncées. Au regard de l’engagement sans commune mesure des professionnels de santé, vous le leur devez.

Aussi, le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission, enrichie des propositions de nos rapporteurs.

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