Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 30 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Santé

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2021 relève d’un contexte particulier en cette pandémie.

Si cette mission est censée compléter, vraiment à la marge, les dispositions du PLFSS, il faut bien préciser que son champ est extrêmement réduit et le montant des crédits tout autant, même s’ils progressent de 200 millions d’euros. Certes l’aide médicale de l’État en croque la quasi-totalité, et je ne reviendrai pas sur les conclusions de nos rapporteurs, que je partage, qu’il s’agisse de leurs interrogations sur les contrôles ou de l’éventuel tourisme médical qu’a évoqué Mme Delmont-Koropoulis. Je suivrai les recommandations de nos deux commissions sur ce programme. Pour ma part, je n’ai pas saisi du tout de quel durcissement du dispositif Mme Poncet Monge voulait parler.

Je ne parlerai que du programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », soit un peu plus de 260 millions d’euros – à comparer au milliard de l’AME, tout un symbole…

Comme cela a déjà été souligné, 60 % des crédits de ce programme sont fléchés vers l’ARS de Wallis-et-Futuna et l’aide aux victimes de la Dépakine. La prévention se trouve donc mise à la diète alors que les campagnes vaccinales qui s’annoncent sont cruciales.

Nous avons eu d’abord le bug du vaccin contre la grippe, dont la disponibilité est notoirement insuffisante. Comment en est-on arrivé là ?

Fin octobre, au Sénat, lors des questions d’actualité au Gouvernement – voilà donc un mois –, le ministre Véran a précisé que 3 millions de doses allaient être livrées jusqu’en décembre et que l’État continuerait de se pourvoir en vaccin, sans urgence, puisque l’épidémie ne démarrera pas avant Noël. Je veux bien le croire, mais depuis sa déclaration et jusqu’à ce jour, peu de pharmaciens peuvent délivrer des vaccins, faute d’en avoir reçu, à trois semaines de Noël…

Le ministère dit avoir débloqué le stock de vaccins de l’État, par arrêté du 21 novembre, destiné aux personnes ciblées – d’abord les Ehpad, puis ensuite seulement les pharmacies – à compter du 30 novembre, c’est-à-dire aujourd’hui.

Alors même que le climat sanitaire est anxiogène pour nos concitoyens les plus vulnérables, voilà tout un pan de population qui n’a pas accès à cette protection vaccinale et que s’annonce celle de la covid. Il est temps de réagir.

Cette dernière a-t-elle été budgétée à un niveau suffisant ? Là est la question. La nomination d’un « M. Vaccin » ou encore la mise en place « d’un collectif de citoyens » évoquées par le Président de la République ne sont-elles là que pour la communication ? La logistique de distribution sera-t-elle plus efficace que pour le vaccin antigrippe ? Nous l’espérons !

Comment le bon approvisionnement de la France en vaccins est-il anticipé lorsqu’ils seront disponibles sur le marché mondial ? Beaucoup de questions demeurent – ampleur de la protection, délais, quantités, accès… – cependant que le chef de l’État a décidé du caractère non obligatoire de la vaccination. Peut-être vous faudra-t-il réfléchir à une organisation différente ?

La pédagogie sera d’autant plus primordiale que 54 % des Français n’ont pas l’intention de se faire vacciner, selon un récent sondage Ipsos. Parmi eux, 15 % refusent systématiquement tout vaccin, soit 5 % de plus qu’il y a seulement cinq ans. Des quinze pays sondés, la France figure parmi ceux où le taux de consentement à se faire vacciner est le plus faible. Or l’adhésion de la population aux vaccins est un véritable enjeu dans cette lutte contre la pandémie. Outre l’enjeu sanitaire, l’enjeu politique est colossal. Il ne va pas falloir faillir.

Les médecins de ville devront être associés, et non négligés, comme cela a été trop souvent le cas durant une bonne partie de la pandémie.

Tout récemment, les communes, départements et régions, qui se sont montrés particulièrement solidaires et efficaces pendant la crise sanitaire, ont proposé d’être les « QG opérationnels » de la campagne de vaccination, en copilotage avec les ARS. Elles arguent qu’elles sauront créer des synergies avec les autorités sanitaires, en évitant les doublons et en étant au plus près des populations à vacciner. Quelle sera votre réponse à ces demandes ?

Autre aspect de cette pandémie : quid des dépenses à venir à la suite des procédures judiciaires engagées sur la responsabilité de l’État dans ce dossier covid ?

En conclusion, que penser des crédits « Veille et sécurité sanitaires », dont le montant est quasi égal à celui de l’an dernier ? L’actualité que nous vivons aurait pu nous faire penser à une nette augmentation.

Enfin, avons-nous avancé sur le renforcement de l’indépendance de la France en matière de production d’équipements sanitaires et de masques de protection ?

En matière de soins, je soutiens les amendements de nos collègues sur la recherche sur le cancer pédiatrique, sur la maladie de Lyme, sur la prévention de l’endométriose et sur le sevrage tabagique.

J’en viens, pour finir, à la prévention vis-à-vis de nos jeunes. Nous assistons, depuis plusieurs mois, à une augmentation exponentielle de la consommation du protoxyde d’azote par les jeunes mineurs.

Gaz destiné à l’usage culinaire, son inhalation a des effets hilarants fortement recherchés. Pourtant, ils entraînent des troubles du rythme cardiaque importants, des risques neurologiques et neuromusculaires. Ce phénomène demande une réponse ferme de l’État, attendue depuis déjà plusieurs années. Que proposez-vous ? Nous attendons, là aussi, des éléments de réponse. Je rappelle, à cet égard, la proposition de loi de notre collègue Valérie Létard, largement cosignée et votée par le Sénat voilà un an, à l’unanimité des présents, mais toujours pendante à l’Assemblée nationale.

La prévention pourrait être assurée également par la médecine scolaire, que nous espérons tous voir remise sur pied, alors que près 500 postes ne sont pas pourvus. La crise de la médecine scolaire, soulignée par la Cour des comptes cet été, mérite une action d’envergure.

Puisque je parle des jeunes, je parlerai enfin des études de médecine. En 2018, le Président de la République déclarait, à propos de la Paces : « le système est absurde, et il nous faut le regarder en face. »

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