Intervention de Arnaud Bazin

Réunion du 30 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Solidarités insertion et égalité des chances

Photo de Arnaud BazinArnaud Bazin :

Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2021 s’élèvent à environ 26 milliards d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une stabilisation à périmètre courant par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

À y regarder de plus près, la stabilité des crédits de prévision à prévision masque en réalité une nette décrue du budget de la mission en 2021, puisque l’exécution 2020 a été marquée par la réponse à la crise sanitaire, avec en particulier le financement d’aides exceptionnelles de solidarité représentant un total d’environ 2 milliards d’euros.

On aurait pu s’attendre à ce que le plan de relance vienne renforcer les dispositifs financés par la mission, mais force est de constater que ses apports sont bien maigres, et se limitent pour l’essentiel à la création d’un fonds de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté, doté de 50 millions d’euros en 2021.

On assiste donc en réalité à une reconduction du budget 2020, comme si le chômage et la pauvreté générés par la crise allaient s’évaporer au 1er janvier. Éric Bocquet et moi-même sommes un peu dubitatifs…

Nous ne pourrons pas, avec nos deux interventions, couvrir l’ensemble des sujets traités par la mission, qui sont nombreux et variés.

Je commencerai par dire un mot du financement de l’aide alimentaire, qui doit constituer un axe prioritaire de la réponse à la crise.

Pendant le confinement, et même après, les files actives devant les centres de distribution alimentaire ont augmenté de façon extrêmement préoccupante ; dans certains cas, des hausses de plus de 40 % des personnes venues demander un soutien ont été enregistrées. Les associations constatent aussi l’apparition de publics nouveaux, qui n’étaient jusqu’ici pas connus des acteurs des politiques sociales.

Des ambitions très importantes ont été affichées en la matière, avec le financement d’un programme de 869 millions d’euros, soit 110 millions d’euros de crédit nationaux et 769 millions d’euros de crédits européens sur la période 2021-2027.

Des incertitudes subsistent toutefois quant au fonctionnement concret du nouveau fonds social européen plus (FSE+), qui remplacera le fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) à compter de 2021. Ni les administrations ni les associations ne disposent à ce jour de visibilité suffisante à ce sujet.

Comme nous l’avions montré lors d’un précédent rapport de contrôle, il est indispensable d’améliorer le système d’aide alimentaire européen, qui impose des exigences draconiennes pour la validation des montants présentés par les autorités nationales. Il conviendra de se montrer vigilant à ce que les centaines de millions d’euros annoncés puissent effectivement être mobilisées en faveur des publics qui en ont le plus grand besoin.

Je souhaite également attirer votre attention sur une tendance qui se manifeste dans ce budget, à savoir l’affirmation du partenariat entre l’État et les départements dans la conduite des politiques sociales.

En tant qu’ancien président de conseil départemental, le sujet me tient particulièrement à cœur. Les démarches de contractualisation avec l’État se développent de plus en plus, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ou du lancement de la stratégie nationale de prévention et protection de l’enfance.

Dans un monde idéal, les départements, qui disposent d’une expertise incontestée en la matière et d’une fine connaissance de leur territoire, devraient être en mesure de conduire leurs politiques sociales de façon autonome.

Toutefois, au vu de leurs difficultés financières avérées, la contractualisation avec l’État, qui leur permet de bénéficier de moyens supplémentaires, constitue pour eux un moindre mal. Encore faut-il que le processus de contractualisation se fasse sur une base équitable et que les départements soient pleinement associés à la définition des objectifs et des indicateurs de résultats des actions, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

Pour consolider le partenariat entre l’État et les départements, il faut aussi apaiser certaines tensions qui subsistent, au premier rang desquelles figure le financement de l’accueil et de la prise en charge des mineurs non accompagnés.

Face à la montée en puissance du phénomène, les départements se sont trouvés trop seuls. L’État a certes pris en charge une partie des coûts du premier accueil, de la mise à l’abri et de l’évaluation, mais sa contribution s’étiole d’année en année, et l’année 2021 ne déroge pas à cette règle.

En attendant, c’est avec un enthousiasme modéré que la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission. Je crains cependant que ce ne soit pas la dernière fois que nous aurons à nous prononcer sur ces crédits pour 2021. Ce budget « pour temps calmes » semble quelque peu en décalage avec la situation du pays, ce qui imposera vraisemblablement de financer de nouvelles mesures en direction des plus fragiles.

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