Intervention de Annie Le Houerou

Réunion du 30 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Solidarités insertion et égalité des chances

Photo de Annie Le HouerouAnnie Le Houerou :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2021 s’élèvent à plus de 26 milliards d’euros, et ils sont symboliquement en baisse de 161 millions d’euros.

Or 1 million de pauvres supplémentaires annoncés pour la fin 2020 porteront à plus de 10 millions le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ; plus de 800 000 emplois seront détruits d’ici à la fin de l’année.

Ces chiffres nous donnent le vertige. Cette précarité grandissante, qui touche une personne sur dix dans notre pays, nous oblige à prévoir des réponses structurelles pour enrayer ce phénomène. Force est de constater que la politique de ruissellement de M. Macron ne fonctionne pas. Accentuées par la crise sanitaire, ses conséquences sont insupportables, alors que les inégalités se creusent.

Or le budget alloué au programme 304, dédié à l’inclusion sociale et la protection des personnes, est en baisse. Pourtant, l’augmentation de la pauvreté menace notre cohésion sociale.

Les associations caritatives, les communes nous alertent. Nous le constatons nous-mêmes. Les choses vont s’aggraver en 2021, avec des suppressions d’emplois et des faillites d’entreprises attendues. La Banque de France prévoit un taux de chômage dépassant les 11 % dès le premier semestre 2021.

La prime d’activité représente la quasi-totalité du budget du programme 304, en baisse de 1 %, une baisse liée à l’augmentation du chômage.

Afin d’amortir le choc social de la crise, notre groupe a proposé un amendement pour créer un revenu de base, revenu socle pour ceux qui sont sans ressource, ou complément de revenus pour les personnes qui travaillent. Malheureusement, cet amendement a fait long feu à cause de l’article 40. Nous y reviendrons.

L’action n° 14 dédiée à l’aide alimentaire est en baisse de 11 %. Au vu des demandes, il est surprenant que ce budget baisse. Les arguments avancés et le recours à d’autres financements ne sont pas convaincants et nous embrouillent, quand on sait que 8 millions de personnes sollicitent cette aide.

La protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables de l’action n° 17 présentent une hausse d’environ 40 millions d’euros, liée à la stratégie de prévention et de protection de l’enfance. Cette augmentation vise à financer quelques préconisations du rapport de la commission Cyrulnik sur les 1 000 premiers jours de l’enfant. C’est un engagement à saluer. Nous nous interrogeons toutefois sur un saupoudrage qui pourrait nuire à l’efficacité des mesures.

L’action n° 19 consacrée à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes n’est pas à la hauteur des engagements du Premier ministre, qui annonçait des mesures importantes. Le nombre de jeunes inscrits à Pôle emploi âgés de moins de 25 ans est en hausse d’environ 15 % par rapport au mois de février 2020. Les problèmes financiers, qui s’ajoutent à une absence de confiance en l’avenir, plongent notre jeunesse dans une détresse psychologique qui nécessite de prévoir un accompagnement spécialisé.

Les jobs d’étudiants proposés ne suffiront pas. Or les étudiants ont besoin d’étudier sereinement. À cet égard, nous porterons un amendement visant à mettre en place un « minimum jeunesse ».

Concernant le handicap et la dépendance, le programme 157 finance l’AAH, l’aide au poste des travailleurs handicapés et le dispositif « emploi accompagné ». Nous regrettons néanmoins que l’AAH soit conditionnée à la situation familiale et aux revenus du foyer. L’individualisation de cette allocation serait juste pour l’autonomie des personnes. C’est ce que nous proposons.

S’agissant de l’égalité femmes-hommes, déclarée grande cause du quinquennat, nous nous réjouissons de voir ses crédits en très nette augmentation. Néanmoins, sont-ils suffisants au regard des enjeux ?

Sur l’initiative de Laurence Rossignol, notre groupe proposera un amendement pour la création d’un observatoire national des féminicides afin d’objectiver ce phénomène et d’évaluer l’efficacité des mesures.

Nous déplorons en outre que la prise en charge des auteurs de violences s’impute sur ce budget et non sur celui de la justice, réduisant d’autant les actions en faveur des victimes.

La parole des femmes se libère. Elles sont encouragées à révéler les violences. Nous leur devons des solutions pour qu’elles puissent se libérer de toute emprise et être sécurisées, leur permettre de se reconstruire et de reconstruire une nouvelle vie, pour elle et leurs enfants.

Le programme 137 pérennise le budget de 2, 1 millions d’euros pour les personnes en situation de prostitution. Cependant, il n’y a aucune mesure spécifique contre la prostitution des mineures, dont les chiffres sont d’une ampleur catastrophique : entre 6 000 et 10 000 mineures seraient concernées.

Un diagnostic alarmiste réalisé en Bretagne révèle que ce phénomène prospère via les réseaux sociaux tant dans nos villes que dans les zones très rurales, accentué par la situation de précarité de nos jeunes et la banalisation à l’œuvre.

Par ailleurs, notre groupe souligne l’insuffisance du budget alloué pour aider à sortir du système prostitutionnel. L’aide financière allouée, à savoir l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS), est de 330 euros. C’est nettement insuffisant, et elle devrait être alignée sur le montant du RSA. Notre groupe propose un amendement en ce sens.

Sur le volet « égalité professionnelle », la crise sanitaire a révélé combien les femmes sont les premières de cordée. Elles exercent les métiers les plus exposés : soins, services à domicile, métiers de la vente en grandes surfaces. Elles gèrent aussi, souvent seules, les jeunes et les enfants dans le suivi chaotique des scolarités de ces deux années particulières. Une revalorisation de ces métiers serait bienvenue.

Le Ségur de la santé donnait de l’espoir, mais il a suscité des injustices malvenues et mal vécues par les professionnels.

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