Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 30 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Solidarités insertion et égalité des chances

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, d’autres orateurs l’ont dit ici avant moi : la crise sanitaire a dramatiquement mis en lumière la diversité des formes de précarité au sein de la population française. Pis encore, elle en a créé de nouvelles et a jeté dans la pauvreté des catégories sociales qui s’en étaient tenues éloignées jusqu’alors.

TPE ou PME contraintes de mettre la clé sous la porte, jeunes travailleurs en insertion sur le marché du travail se retrouvant confrontés au ralentissement, voire au gel des embauches, étudiants : autant de victimes collatérales du ralentissement économique dû à l’épidémie de covid-19.

La jeunesse a indéniablement été la plus fragilisée. Les cas de détresse les plus extrêmes font état d’étudiants contraints de sauter des repas afin de tenir leur budget mensuel, réduit à peau de chagrin. Je tiens aussi à saluer ici l’action des missions locales pour l’emploi, qui ont agi en grande partie pour remédier à ces situations dramatiques.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », examinée aujourd’hui, est l’occasion pour le Parlement d’apporter des solutions concluantes et durables à l’ensemble de la population confrontée à un quotidien particulièrement difficile : de l’isolement social aux discriminations, en passant par l’impossibilité de s’intégrer par l’emploi ou la socialisation. Enfin, il y a les victimes de violences conjugales ou domestiques, drame d’autant plus terrible qu’il est en recrudescence.

Les 26 milliards d’euros sollicités pour cette mission semblent ainsi sous-évalués par rapport à la réalité des besoins actuels. Là où une progression substantielle sur l’ensemble des programmes était attendue, on observe ici et là des remèdes, qui, s’ils dénotent une intention louable, ne vont pas au bout de leur logique et demeurent des solutions de court terme.

Dans une très large mesure, le plan de relance économique fait en réalité la part belle aux volets « travail-emploi », et aux citoyens les moins en difficulté d’un point de vue professionnel et économique, en laissant sur le bas-côté toute la frange la plus vulnérable et la plus fragile des publics visés.

Sur la question de l’accueil des mineurs non accompagnés, l’État manifeste depuis quelques années une volonté tenace d’en céder à terme le financement aux départements. Le PLF 2021 indique en effet une baisse de 42 millions d’euros du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », laissant ainsi, de fait, les collectivités au pied du mur et dans l’obligation d’assumer en très grande partie le coût du dispositif.

Dans l’Aisne, ce sont 264 mineurs non accompagnés qui sont pris en charge au cours de l’année 2020, pour un coût de 15 800 euros par mineur par année, soit un peu plus de 7 millions d’euros annuellement consacrés à ce pan de l’action sociale départementale.

Cependant, cette donnée varie largement d’un département à l’autre, l’Assemblée des départements de France ayant avancé, dans un document daté de juin 2018, le chiffre nettement plus important de 50 000 euros par mineur par an.

Il faut rappeler la révision effectuée par un décret du 27 juin 2019, qui réduit la participation de l’État de 1 250 euros à 500 euros, à laquelle s’ajoute une contribution au titre de la mise à l’abri du jeune de 90 euros journaliers pendant quatorze jours, puis 20 euros pendant neuf jours supplémentaires.

Une disposition additionnelle prévoit de minorer de 400 euros la participation pour les départements qui n’auraient pas signé la convention d’appui à l’évaluation de la minorité, c’est-à-dire, en l’espèce, plus de 30 départements, qui se retrouveraient avec une dotation réduite à 100 euros par mineur.

Face à ce retrait progressif, certains départements se retrouvent complètement dépassés par des arrivées qui excèdent largement les capacités d’accueil et les moyens financiers et matériels à leur disposition : saturation des foyers, surpopulation, insécurité, auxquelles ils ne peuvent faire face sans l’augmentation proportionnelle des effectifs.

Si les chiffres les plus récents attestent d’une tendance baissière du nombre de mineurs non accompagnés accueillis sur le territoire, le moment n’est pas à l’assèchement subit et drastique des financements, mais devrait plutôt permettre de déployer un dispositif d’accueil digne de ce nom et d’appuyer davantage les départements.

Enfin, et à bien des égards, les clés de répartition des mineurs non accompagnés créent des disparités entre les départements : les 8 437 mineurs confiés par décision judiciaire échoient à l’heure actuelle majoritairement à des départements déjà très peuplés, là où des départements plus ruraux restent largement moins ciblés.

Sur le modèle de la péréquation fiscale, une péréquation de la répartition des mineurs sur la base de critères de richesse des départements pourrait répondre plus justement à l’exigence d’équité, et alléger les départements les plus saturés.

En somme, nous devrions particulièrement nous attacher à ce que les programmes de la mission « Solidarité » s’articulent de façon intelligente avec les budgets des territoires et la mission sociale dans laquelle l’État est engagé auprès de ses citoyens les plus fragiles.

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