Je veux, tout en justifiant cet avis, apporter des éléments de réponse à certains arguments qui ont été développés pendant la discussion générale des crédits de cette mission.
Vous soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, que les crédits dédiés à cette action dans le projet de loi de finances s’élèveront l’année prochaine à 120 millions d’euros, soit une baisse de 42 millions d’euros. Comme vous le savez, les flux d’arrivée de jeunes migrants se présentant sur le territoire national en tant que mineurs non accompagnés ont très sensiblement baissé en 2020.
En réalité, ils avaient déjà très sensiblement baissé en 2019. L’année où de nombreux MNA sont arrivés sur notre territoire, c’est l’année 2018. Quand j’ai été nommé au poste que j’occupe aujourd’hui, au début de 2019, j’ai eu beaucoup de discussions avec les présidents de conseil départemental à ce sujet. D’ailleurs, dès que j’en rencontrais un, le premier sujet qu’il évoquait était celui des mineurs non accompagnés. Ce n’était presque plus le cas au second semestre de 2019. J’en ai conclu – vous m’objecterez que c’est de la pure intuition, sans grande réalité objective ; j’en conviens – que les flux avaient tendance à diminuer.
En 2020, pour des raisons dont je ne prétendrai pas qu’elles sont structurelles, mais qui sont évidemment liées au contexte sanitaire et à la fermeture des frontières, ils ont encore baissé : il y a quelques jours, nous décomptions depuis le début de l’année 8 437 jeunes effectivement reconnus mineurs. En 2018, on avait recueilli 40 000 demandes d’évaluation et accordé 17 000 reconnaissances de minorité. Oui, c’est une réalité ! Elle est liée au contexte, soit, mais c’est une réalité : les flux d’arrivées sont bien plus faibles cette année que les années précédentes.
En outre, le budget pour 2020 avait été établi dans un contexte tendanciel à la hausse, avec plus de 15 % d’augmentation d’une année sur l’autre. Cette dynamique n’était de fait déjà plus à l’œuvre ; elle l’est encore moins aujourd’hui, comme je viens de le démontrer. Il s’agit donc, tout simplement, d’adapter nos prévisions budgétaires à une réalité nouvelle.
Enfin, les barèmes financiers sont inchangés et l’engagement global de l’État aux côtés des départements en faveur de chacun de ces jeunes demeure une priorité. À cet égard, je veux répondre à certains propos de M. Antoine Lefèvre : le financement s’élève à 500 euros par jeune évalué, dont 100 euros pour un bilan de santé ; c’est important ! On verse également 90 euros pendant quatorze jours de mise à l’abri, puis 20 euros pendant neuf jours ; sauf erreur – l’ADF pourra vous le confirmer –, cela a été élaboré et acté en accord avec cette association. Il n’y a, à cet égard, ni surprise ni désengagement de l’État. Je le répète, cette participation a été approuvée par l’ADF lors de sa mise en place, sauf erreur de ma part.
J’en viens à la clé de répartition qui a été évoquée, à raison, par M. Lefèvre. Elle a effectivement été fixée en se fondant sur des critères démographiques, à savoir sur le nombre de jeunes de moins de 19 ans présents sur un territoire, dont on peut déduire le nombre de structures préexistantes pouvant accueillir des mineurs non accompagnés. De fait, cela a eu tendance à accroître les inégalités et à susciter des difficultés pour certains départements ; la Seine-Saint-Denis en est le meilleur exemple. C’est notamment à la demande du président de son conseil départemental que nous avons modifié, par voie réglementaire, le seul élément qui pouvait être ainsi modifié, à savoir les critères démographiques, pour retenir la population générale plutôt que le nombre de jeunes de moins de 19 ans.
Si vous voulez intégrer des critères socioéconomiques dans la clé de répartition, ce à quoi le Gouvernement est favorable, pour des raisons d’équité territoriale, il faudra en passer par la loi. Nous aurons peut-être l’occasion, dans les semaines ou les mois à venir, de le faire au travers d’un texte législatif pertinent. Sur le fond, je le répète, j’y suis favorable.
J’en viens enfin au fichier « Appui à l’évaluation de la minorité » (AEM). Ce ne sont pas trente départements qui y ont recours, comme je l’ai entendu dire, mais dix-neuf. Pardonnez-moi, mais il me semble que la commission des finances devrait adhérer au principe selon lequel nous lions l’utilisation du fichier AEM au versement des aides de l’État. En effet, si ce fichier n’est pas utilisé, vous aurez des personnes qui se livreront au nomadisme administratif : si un département les reconnaît majeures, elles iront tenter leur chance dans un département voisin. Concrètement, cela signifie pour les finances publiques que l’État rembourserait deux fois, à deux départements, l’évaluation de leur minorité. D’un point de vue strictement comptable, lier ces remboursements à l’utilisation du fichier AEM se justifie totalement ! Vous jugerez peut-être que c’est regarder le sujet par le petit bout de la lorgnette, mais c’est une réalité du point de vue comptable.
Sachez par ailleurs que, depuis les débuts de l’utilisation de ce fichier, les départements nous disent observer une baisse, qui s’établit entre 20 % à 30 %, du nombre de personnes qui demandent à être reconnues mineures. Très probablement, cela correspond à des personnes qui ont déjà reçu une évaluation.
Enfin, le fichier AEM est aussi protecteur pour les mineurs. En effet, le phénomène inverse existe aussi : il arrive que, du fait de la clé de répartition employée, des jeunes déclarés mineurs dans un département se rendent dans un autre, qui leur refuse la minorité ! C’est illégal et inacceptable.