Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 décembre 2020 à 8h15
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des jeudi 10 et vendredi 11 décembre 2020 en présence de m. clément beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

La commission des affaires étrangères a deux grandes questions à la veille du Conseil européen.

Concernant le Brexit, les carottes sont-elles cuites, si je puis dire ? Considérant que l'échange entre Mme von der Leyen et M. Johnson, hier soir, a peu progressé, que penser du scénario-fiction qui verrait les négociations se prolonger jusqu'au 31 décembre ? C'est aussi oublier qu'il faut que les parlements votent l'accord ultérieurement... Encore et toujours, les discussions achoppent sur les mêmes points, notamment l'accès des pêcheurs continentaux aux eaux britanniques, la gouvernance de l'accord et la concurrence équitable...

Les Britanniques n'ont pas intérêt à cumuler les chocs que sont un hard Brexit et la covid. Mais qu'attendre d'un gouvernement britannique qui ne parle qu'à son opinion publique ? L'Europe, et particulièrement la France, sont-elles préparées à un no deal ? Le Gouvernement se place-t-il dans cette perspective ?

Alors que le Royaume-Uni vient d'annoncer un important effort en matière de défense, qu'il est un partenaire opérationnel et industriel important en matière de défense, comment les Européens anticipent-ils les conséquences du Brexit, au moment même où les moyens dédiés au Fonds européen de la défense (FED) ont été rognés ?

Ma seconde question concerne la Turquie. Chacun connaît les agissements turcs en Méditerranée orientale, à l'OTAN, les actions déstabilisatrices en Libye ou dans le Caucase du Sud, avec la tragédie du Haut-Karabagh. Où s'arrêtera la Turquie et, surtout, qui l'arrêtera ? Si l'Europe ne réagit pas, nous risquons de nous réveiller un matin avec des troupes turques sur une petite île grecque, non loin de ses côtes, ou dans la partie nord de Chypre. Même l'OTAN et les États-Unis semblent commencer à durcir leur posture.

Le ministre Jean-Yves Le Drian a dit attendre des actes de la part de la Turquie, plutôt que des déclarations apaisantes. On ne peut que souscrire à ces propos. « Heureux hasard », à la veille du Conseil européen, ce pays vient d'annoncer qu'elle retirait l'Oruç Reis de la zone de recherche, qu'elle faisait de l'adhésion à l'Union européenne une « priorité stratégique » et qu'elle voulait entamer des concertations exploratoires avec la Grèce. Cela ne ressemble-t-il pas à une manoeuvre de plus pour diviser les Européens au moment d'aborder le sujet des sanctions ? Il nous semble qu'aucun agenda positif ne doit être engagé ni même envisagé avec la Turquie tant qu'elle ne renoncera pas définitivement à ses actions illégales.

Le Conseil européen doit clairement poser la question des sanctions et de la suspension de l'union douanière. Mais n'est-ce pas ce qu'attend le président turc pour ressouder la nation derrière lui, phénomène que nous avons déjà observé avec la Russie ? Quelle sera la politique du Gouvernement et quel soutien attendre de nos partenaires européens ? Que fera l'Allemagne ? Ne sommes-nous pas en quelque sorte l'otage de l'accord sur les questions migratoires ? L'Europe peut-elle miser sur le temps long et une possible alternance en Turquie ?

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