Intervention de Jacques Fernique

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 décembre 2020 à 8h15
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des jeudi 10 et vendredi 11 décembre 2020 en présence de m. clément beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Cette semaine sera déterminante et nous comptons sur votre détermination, monsieur le ministre. La balle est en effet dans le camp du Conseil européen. Il est plus que temps que les gouvernements de l'Union mettent fin au blocage des fonds destinés à la reconstruction et à la relance de nos économies - des économies tétanisées et lourdement impactées par la pandémie.

Il est indispensable que ce sommet permette de surmonter le blocage hongrois et polonais. Il ne serait pas acceptable que leurs menaces, en raison de leurs propres manquements à l'État de droit, paralysent l'accord particulièrement positif qui est à notre portée. Ce serait porter préjudice à l'ensemble des populations de l'Union, y compris aux populations hongroise et polonaise. Il ne serait pas acceptable de céder au chantage ou que les fonds européens servent à alimenter des dérives qui minent l'État de droit.

Monsieur le ministre, nous avons lu votre interview publiée dimanche. Vous nous confirmez aujourd'hui que vous ne sacrifierez ni la relance ni l'État de droit. Vous envisagez un scénario pour avancer à 25. Nous comptons sur cette détermination pour sortir de l'ornière.

Un accord prometteur a été trouvé avec le Parlement européen. Une brèche a été ouverte pour sortir du marasme économique lié à la pandémie, mais également pour engager un budget climatique ambitieux et déployer des ressources propres, selon un calendrier précis. Il s'agit de demeurer ferme, pour que cet accord tienne ses promesses, parmi lesquelles celle de consacrer 10 % du cadre financier pluriannuel à la biodiversité et 30 % au climat, avec l'introduction d'un principe pour priver de tout financement européen des projets qui nuiraient au climat. Le Conseil européen sera déterminant pour cet enjeu climatique, puisque ce sommet conviendra du nouvel objectif de réduction des émissions de l'Union européenne à l'horizon de 2030.

Le vote du Parlement européen, qui propose un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 60 % en 2030, sur la base des émissions de 1990, doit être pris très au sérieux. La neutralité carbone en 2050 nécessite un net changement de braquet. La proposition de la Commission est, elle aussi, déjà un rehaussement.

Au moment où le résultat des élections européennes rouvre les perspectives, il est important que l'Union montre résolument la voie en engageant cette décennie sur la trajectoire qui lui fera tenir, pour elle-même, les engagements de l'accord de Paris. Ce sommet sera réussi s'il nous donne de sérieuses raisons de fêter, le lendemain, dans l'optimisme, le cinquième anniversaire de l'accord de Paris.

Pour parvenir à un bon objectif sur la question climatique, il nous faudra avancer sur la question budgétaire. En effet, si certains pays sont réticents à afficher un objectif climatique à la hauteur, c'est avant tout parce qu'ils craignent de ne pas savoir comment financer la transition. C'est particulièrement le cas des économies les plus carbonées.

Ce sommet doit donc aussi être l'occasion d'avancer vite et bien sur les ressources propres. Le choix de l'endettement commun, ce tabou qui a été levé, nous y oblige. Ce sujet planera dans les couloirs du sommet. Sur cette question, nous n'avons pas le droit de faire du surplace, ni même des petits pas. Les ressources propres seraient inopérantes, si elles devaient se faire au rabais.

La taxe plastique, qui vient d'être instaurée, est positive, mais ce n'est pas pour autant la panacée. Il ne s'agit d'ailleurs pas vraiment d'une taxe, mais plutôt d'une nouvelle modalité de calcul des contributions nationales. Nous avons besoin de passer à tout autre chose : le mécanisme carbone aux frontières, la redevance numérique et la taxe sur les géants du numérique, qui est dans une phase délicate de son élaboration sont autant de leviers qui doivent faire bouger sérieusement les lignes.

Il s'agit de faire en sorte que ceux qui tirent le plus de profits du marché européen contribuent à leur juste part à la chose publique. Il me semble que les actions et les obligations ne sont pas tout à fait des biens de première nécessité... Aujourd'hui, en matière de transactions financières, les volumes échangés sont 45 % plus élevés qu'en 2010. Les faire contribuer à l'effort collectif, avec des taux pas plus élevés que 0,1 % et 0,01 % sur les produits dérivés et le trading à haute fréquence, ne serait que justice et ce serait également une façon de décourager les échanges risqués et improductifs.

Notre groupe regrette que la Commission et le Conseil se soient opposés à la mise en place dès 2024 de la taxe sur les transactions financières (TTF), alors qu'il s'agirait là d'un des moyens les plus équitables pour dégager des ressources importantes, de l'ordre de 50 à 60 milliards d'euros.

Une taxation fondée uniquement des actions, à laquelle échapperaient 99 % des transactions, et qui ne rapporterait que quelques milliards, ne peut pas faire l'affaire. Je parlais de petits pas, tout à l'heure. Étendre au reste de l'Europe la petite TTF déjà en vigueur en France serait inopérant. Nous avons besoin d'une véritable taxe sur les transactions financières, au niveau de ce qu'envisageait la Commission en 2011. Voilà qui contribuerait fortement à financer le plan de relance, au lieu d'aller raboter les dépenses et les politiques structurelles de l'Union.

Si d'ici à 2022, quelques pays s'engagent dans une coopération renforcée sur ce point, alors il sera possible de débloquer les choses à temps, sinon tout sera renvoyé aux calendes grecques de l'après-2026. Sur cette question aussi, nous comptons sur votre détermination lors de ce sommet.

Monsieur le ministre, je terminerai mon propos en saluant l'engagement clair et constructif pour la cause de la démocratie européenne, incarnée par sa capitale parlementaire à Strasbourg. La réunion que vous avez animée, il y a quelques jours, avec la maire de Strasbourg, le président de région et l'ensemble des acteurs et parlementaires locaux, a cerné les actions et les enjeux prioritaires pour relever le statut européen de Strasbourg.

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