Intervention de Pierre Laurent

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 décembre 2020 à 8h15
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des jeudi 10 et vendredi 11 décembre 2020 en présence de m. clément beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

Nous ne sommes pas sortis de la crise sanitaire : une troisième vague est évoquée, et l'on constate une reprise préoccupante de la pandémie dans certains pays. L'Europe reste, avec l'Amérique, un foyer majeur. Toutefois, nous entrevoyons une perspective à moyen terme - c'est-à-dire dans les mois qui viennent - de campagne de vaccination. Vous dites que l'Europe s'est donné les moyens d'accéder aux vaccins, ou en tout cas, d'investir dans l'accès à ces derniers. C'est vrai, mais elle le fait sans réelle maîtrise industrielle propre, avec un déficit de souveraineté sur la recherche et la production de ces vaccins qui pose des problèmes d'avenir. Certes, des groupes pharmaceutiques européens sont parties prenantes de certaines des recherches entreprises. Cependant, on ne peut pas dire que l'Europe industrielle aborde cet enjeu de manière cohérente et solidaire. D'ailleurs, quid de Sanofi ? Où se situe la France dans cet effort général ?

Aux côtés de beaucoup d'autres organisations, je suis signataire d'une initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée « Ride to cure ». Cette dernière vise à obtenir un débat pour déclarer les vaccins en tant que biens publics mondiaux (BPM), afin de permettre leur gratuité et leur universalité d'accès, conformément aux recommandations de l'OMS et au discours tenu par la France elle-même lors de son assemblée générale à Genève. Où en est-on de cet objectif ? Je me félicite de l'annonce de la gratuité des vaccins en France. En sera-t-il de même en Europe ? Dans cette ICE, nous posons un certain nombre de questions, notamment sur la transparence des coûts de production, le contrôle de l'utilisation des financements publics, le contrôle de la sécurité des vaccins, ou encore la maîtrise des brevets. Sur tous ces enjeux, comment envisageons-nous, ou pas, de reconstruire une maîtrise industrielle européenne plus importante ? Demain, en séance publique, nous discuterons d'une proposition de loi que mon groupe a déposée, visant la création d'un pôle public du médicament. Nous posons cette question à l'échelle nationale, mais en vérité, cette question dépasse les frontières nationales, et nécessite des politiques de maîtrise européenne.

Ma deuxième question concerne le climat. L'Union européenne va relever de manière significative son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon de 2030, et la France a joué un rôle important dans cette décision. Si vous avez précisé dans votre intervention préliminaire que cela n'était pas encore acquis, vous y travaillez, et les députés européens se sont montrés ambitieux dans le cadre de la loi européenne sur le climat. Ces éléments sont positifs, mais une question demeure : si nous relevons nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre, il faut augmenter de façon bien plus significative les moyens consacrés à la transition énergétique. En effet, des moyens considérables seront nécessaires pour accompagner la transition dans les domaines de l'agriculture, des transports, de l'habitat ou de l'industrie. Au Sénat, nous sortons très insatisfaits du débat budgétaire sur le niveau d'engagement par rapport à ces objectifs, notamment en matière de transport ou de précarité énergétique de l'habitat. Au-delà de la question des ressources propres, celles de l'utilisation de l'ensemble des financements européens et du rôle de la Banque centrale européenne se posent.

Par ailleurs, au sujet du Brexit, quelles seraient les conséquences pour la pêche française ? Sans accord sur ce sujet, qu'adviendra-t-il de l'accès des pêcheurs français aux eaux britanniques ? Quels scénarios envisagez-vous ?

Enfin, sur la question du cadre financier pluriannuel, je ne reviens pas sur ce qui a été dit ni sur ce que nous avons écrit à propos de la Hongrie et de la Pologne dans le rapport que nous venons d'adopter à la commission des affaires européennes, mais je m'interroge sérieusement sur l'avenir de l'Europe. On a souvent dit que l'Europe avançait de crise en crise, mais l'impression domine aujourd'hui qu'elle a plutôt tendance à se déliter de crise en crise. Nous sommes passés de 28 à 27, nous parlons à présent d'une coopération renforcée à 25 et, au sein même de ces 25, les négociations sur le cadre financier pluriannuel ont été difficiles l'été dernier ; elles ont abouti à des rabais pour un certain nombre de pays...

Nous peinons à définir un avenir commun au sein de l'Union, et il est nécessaire de rouvrir le débat sur ce sujet. La Conférence sur l'avenir de l'Europe pourrait débuter ses travaux prochainement, et je sais que la France envisage d'en faire un thème important de sa présidence de l'Union européenne : comment comptez-vous faire de ce débat un véritable débat citoyen, dès le début de l'année 2021 ? Je n'ose vous proposer l'organisation d'une conférence citoyenne, car on a bien vu ce que vous faisiez de ces conférences... Mais il faut trouver les moyens de relancer un tel débat citoyen, en France et dans toute l'Europe, sur l'avenir de l'Union et ses contours. Qu'envisagez-vous pour organiser ce grand débat public avec les Français, les Européens, les parlementaires et les élus ?

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