Je commencerai par féliciter, au nom de mon groupe, notre rapporteur qui a excellemment posé le diagnostic et rappelé la genèse de la réforme de l'audiovisuel public, qui est devenue un véritable serpent de mer. Son parcours est plus que chaotique depuis 2012. Nous attendons, non seulement une réforme de la gouvernance, de la stratégie numérique, mais surtout du modèle économique.
À ce triptyque s'est ajoutée la nécessaire évolution de la régulation, avec la perspective de la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) ; une fusion qui est retardée. Ce qui est bien malheureux, au moment où les plateformes prospèrent à la faveur de la crise sanitaire.
La réforme audiovisuelle aurait dû avoir lieu il y a cinq ans. À son arrivée au ministère, Françoise Nyssen aurait dû lancer le mouvement. Or, elle s'est contentée d'annoncer la suppression de France 4, sans préciser d'ailleurs quel serait le bouquet de chaînes dans la perspective de la réforme, les objectifs, les valeurs, ni même les moyens. Elle a même annoncé des priorités concernant l'information, l'éducation et la jeunesse, en contradiction avec la suppression de France 4.
Notre commission a été la première, dans le débat public, à demander un moratoire sur la suppression de cette chaîne - bien avant la crise sanitaire, bien avant qu'elle ait démontré son utilité.
Ce qui m'inquiète, c'est que le modèle économique de l'audiovisuel public, en dépit des efforts remarquables des personnels pour s'adapter à la crise, s'est encore fragilisé. Les recettes publicitaires se sont considérablement affaiblies, pour ne pas dire effondrées. Il en va d'ailleurs de même pour les chaînes privées, puisque TF1 et M6 nous ont alertés sur leurs baisses de recettes. L'heure est peut-être venue de clarifier les modèles économiques des uns et des autres pour pouvoir rebondir.
Nous attendons toujours la réforme de la redevance, qui est profondément injuste. Alors même que nous supprimons la taxe d'habitation, faire encore payer la redevance n'est pas tenable. Je rappelle que cette réforme a déjà été réalisée dans nos pays voisins depuis un certain temps déjà.
Fragilité du modèle économique et baisse constante des ressources, dans la perspective de réaliser des gains de productivité ; nous l'avons bien compris. Mais nous devons aussi donner les moyens à l'audiovisuel public d'aborder la concurrence, à savoir les plateformes.
Disney a lancé sa plateforme pendant la crise, et compte déjà un nombre d'abonnés importants. Netflix et Amazon Prime, eux, ont renforcé leur clientèle.
Dans ce contexte, il me semble que la plateforme Salto - créée par TF1, M6 et France Télévisions - dispose d'une assiette trop faible. Pour posséder une masse critique suffisante, cette plateforme aurait dû regrouper tout l'audiovisuel français et européen. Par ailleurs, ce modèle économique n'a pas été débattu au Parlement, ce qui n'est pas normal. Le contribuable, qui paie déjà une redevance, doit s'abonner pour visionner du contenu émanant de l'audiovisuel public.
En outre, je ne comprends pas que, dans ce monde globalisé, où les menaces sont de plus en plus prégnantes, où des infox circulent, où les réseaux sociaux véhiculent de fausses informations et des propos haineux, nous n'ayons pas fait de l'audiovisuel extérieur un enjeu plus fort.
Je sais que, au niveau européen, France Médias Monde travaille beaucoup avec Deutsche Welle ; nous avions auditionné Peter Limbourg, son président. Donner les moyens à cet audiovisuel extérieur de s'imposer est pour moi l'enjeu du siècle.
Nous avons dû nous battre, lors d'un déplacement de la commission au Mexique, pour que des programmes de France 24 continuent à être diffusés en espagnol en Amérique latine.
Si nous soutenons le rapporteur dans son analyse et sa proposition d'adopter les crédits pour donner à l'audiovisuel public les moyens de son fonctionnement, ce sera, à l'égard du budget proposé par la ministre de la culture, avec la plus grande des réserves.