En matière de revalorisation des enseignants, deux piliers sont à considérer : la prime d'équipement informatique de 150 euros annuels pour tous les enseignants ; la prime d'attractivité qui concerne les professeurs ayant moins de 15 ans d'ancienneté, soit 35 % des enseignants. Cela ne préjuge en rien des années suivantes.
Le sénateur Brisson a eu raison de souligner l'hétérogénéité des équipements informatiques. Les besoins peuvent être différents. Dans le cadre des discussions avec les organisations syndicales, la prime d'équipement informatique s'est imposée comme la solution apportant le plus de souplesse dans l'accompagnement des professeurs. Cette prime constitue un signal sur l'importance du numérique dans le métier d'enseignant. Nous pouvons concevoir qu'elle soit augmentée au fil des années. Nous entrons dans un monde ultra-technologique et certains concluent hâtivement à la disparition du métier de professeur. J'estime que l'être humain professeur doit au contraire prendre une place de plus en plus importante dans ce monde-là. Les moyens que nous consacrons à l'enfance et à l'adolescence doivent aussi être renforcés.
Les évolutions du métier d'enseignant figure parmi les questions évoquées lors du Grenelle de l'éducation. J'ai utilisé à plusieurs reprises l'expression « évolution systémique ». Le terme « contreparties », en revanche, me paraît peu adapté, car nous ne sommes pas dans un système binaire dans lequel une revalorisation s'accompagnerait de devoirs supplémentaires pour les professeurs. Je préfère parler d'une logique « gagnant-gagnant ». La rémunération n'est pas le seul enjeu. Il faut également tenir compte des conditions de travail, du logement des jeunes professeurs et de la santé préventive des professeurs. Nous devrons sortir du Grenelle avec des éléments concrets de progrès. Quant à la carrière des professeurs, nous devons réussir à donner plus de satisfaction aux professeurs dans leurs désirs d'évolution, dans le cadre d'une gestion des ressources humaines de proximité. Cette modernisation générale est en jeu. Toutes les avancées positives en faveur des professeurs sont aussi positives pour les élèves.
Nous savons par ailleurs que la formation continue crée de l'absentéisme dès lors qu'elle est dispensée durant le temps scolaire. Nous devons donc rémunérer la formation continue effectuée hors temps scolaire. Voici un exemple d'une logique « gagnant-gagnant ». L'évolution systémique n'est pas à craindre. Au contraire, nous visons un épanouissement général.
Vous m'avez demandé si le dédoublement des classes ne se faisait pas au détriment du second degré. Nous assumons une politique qui octroie plus de moyens au premier degré. Il n'y a pas de vases communicants, mais des moyens propres sont dédiés au dédoublement des classes dans le premier degré. De même, ce n'est pas parce qu'on dédouble les classes en CP et CE1 qu'il y a des classes de CM2 plus chargées. À Paris, nous comptabilisons en moyenne trois élèves en moins par classe dans l'enseignement primaire. Des exceptions sont certes possibles. Nous avons pu garantir une amélioration du taux d'encadrement pour chaque rentrée, département par département, commune par commune.
Vous m'avez par ailleurs interrogé sur les AESH. 380 000 élèves en situation de handicap sont accueillis cette année et 150 000 sont accompagnés par des AESH. Tout élève en situation de handicap n'a pas forcément besoin d'un AESH. Ce sont les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui prennent la décision en fonction des besoins. L'objectif des PIAL est d'utiliser nos moyens au plus près du terrain, quantitativement et qualitativement. Il est souhaitable qu'un élève en situation de handicap bénéficie de l'accompagnement du même AESH tout au long de l'année, mais aussi d'une année sur l'autre. La politique des PIAL permet cet accompagnement au long cours. Auparavant, au cours de sa scolarité, un élève voyait se succéder des AESH en contrats aidés. À l'échelle d'un PIAL, nous pouvons mener des formations, une politique de ressources humaines et apporter une vision territoriale. Nous les déployons dans le but de les généraliser à la rentrée 2021. Nous souhaitons également valoriser le métier d'AESH, notamment en permettant davantage de plein-temps - rémunérés environ 1 100 euros. Les AESH travaillent souvent à temps partiel, rémunéré 700 à 800 euros, ce qui est faible. Leur rémunération pourra aussi être revalorisée en tant que telle. En trois ans, nous avons créé un « continent RH » à l'éducation nationale. Les AESH représentent plus de 100 000 personnes en CDD et CDI. Nous considérons que les AESH font partie intégrante de l'éducation nationale. Nous avons ainsi créé des AESH référents à l'échelle de chaque département, offrant une évolution de carrière intéressante pour les personnes concernées et permettant une meilleure attention à leur vie quotidienne. Certes, tous n'est pas parfait. Mais nous faisons en sorte d'améliorer la situation. Ainsi, le travail consacré à la préparation de la rentrée et la montée en puissance des dispositifs ont permis de réduire le nombre d'appels des parents sur le numéro vert unique. Cette semaine, le comité interministériel sur le handicap que nous avons organisé avec le Premier ministre a permis de faire le point sur ces enjeux, en présence des associations. Des progrès ont été faits, même si bien sûr il en reste à faire.
Depuis les années 1980, nous constatons une augmentation de 50 % du budget de l'éducation nationale et une chute du niveau des élèves. Ces données cachent des enjeux de société et de mondialisation (baisse de la lecture et de l'exercice physique au profit des écrans), mais aussi des enjeux proprement français. Je ne dirais pas que le niveau est en train de chuter ; j'affirme le contraire au regard des évaluations annuelles. La chute que nous avons observée au début de l'école élémentaire, début 2020, est conjoncturelle, car liée au confinement. Elle nous ramène un an en arrière. Nous avons été sur un chemin de progrès au travers du dédoublement des classes de CP et de CE1, de la concentration des savoirs fondamentaux ou encore des plans de formation « français » et « mathématiques » au titre de la formation continue des enseignants. Les progrès réalisés en 2018 et 2019 ont été perdus en 2020 du fait du confinement. Au cours de cette année 2020-2021, j'espère que nous ferons mieux que de rattraper l'année perdue. Enfin, les élèves entrés en sixième cette année ont un meilleur niveau que ceux de l'année dernière. L'objectif de sortir de l'école primaire avec des savoirs fondamentaux consolidés est en progression. Je ne veux donc alimenter aucun pessimisme sur ce sujet. Le volontarisme pédagogique sur l'école primaire porte ses fruits.
La baisse du nombre d'ETP dans les lycées agricoles est un sujet relevant du ministre de l'agriculture. Je précise cependant qu'elle est très modérée (80 ETP) et que le taux d'encadrement demeure très favorable. L'enjeu majeur était surtout de permettre une augmentation du nombre d'élèves, ce que nous avons réussi conjointement avec le ministère de l'agriculture. Nous ne considérons pas du tout l'enseignement agricole comme un concurrent, mais comme faisant partie du service public de l'éducation. Cela nous a conduits à déployer des campagnes d'incitation à rejoindre l'enseignement agricole. L'enseignement agricole a augmenté les seuils de dédoublement de 16 à 19. La capacité des lycées agricoles à accueillir plus de jeunes est ainsi maintenue.
Quant au baccalauréat, la dimension genrée des spécialités est un sujet pour lequel nous revenons de loin. L'enseignement de spécialités permettra des politiques de mixité volontaristes. Les résultats ne seront visibles que dans plusieurs années. Nous savons bien que l'enseignement de sciences numériques et informatiques est plutôt choisi par des garçons. C'est précisément parce que ces matières constituent un objet en soi que nous pouvons inciter les filles à s'y inscrire - et inversement, inciter les garçons à rejoindre des spécialités plutôt choisies par les filles. Nous pouvons désormais mener des politiques ciblées pour « dégenrer les choix ».
Vos contributions sénatoriales nourrissent le Grenelle. La représentation nationale a donc toute sa place. Vous avez la possibilité de participer aux ateliers de ces trois prochains mois.
Enfin, c'est ensemble, avec Sarah El Haïry, que nous avons réagi à l'incident de Poitiers. Je vous confirme que la philosophie allant à l'encontre du « pas de vague » va s'appliquer aux partenaires de l'éducation nationale. Nous avons réagi à cet incident de manière structurelle. Compte tenu de notre attention portée aux temps de l'enfant, il serait absurde de voir se produire, dans le temps périscolaire, des événements qui ne vont pas dans le sens des valeurs de la République. Nous devons être très clairs sur ce point vis-à-vis des associations partenaires. Je remercie la secrétaire d'État de sa réaction.