Monsieur le président, toutes nos interventions dans le cadre du projet de loi de finances commenceront cette année par le rappel du désastre infligé par la pandémie aux différents secteurs de la culture. Dès les premiers jours de confinement, la diffusion des titres de presse a diminué de 20 % en moyenne et les recettes publicitaires, de 80 %. Les activités de diversification dans l'événementiel ont été arrêtées. Pour 2020, la profession estime la baisse du chiffre d'affaires à environ 20 %, dans un marché déjà extrêmement fragile. Pourtant, les pouvoirs publics n'ont pas laissé mourir la presse. Je crois même que la solidarité nationale a été mise à contribution. Chaque acteur de la filière - diffuseurs, vendeurs et éditeurs - a exprimé sa reconnaissance de l'effort fourni.
Quelques données illustreront mes propos. Les crédits alloués à la presse dans le cadre du projet de loi de finances progressent de 6,5 %. Le montant de 118,1 millions d'euros est important au regard des précédents budgets qui étaient en stagnation, mais il reste insuffisant pour combattre efficacement la pandémie. Il convient d'y ajouter les moyens déployés pour le troisième projet de loi de finances de juillet à hauteur de 71 millions d'euros et les crédits du Plan de relance, de 140 millions d'euros. Les aides pour 2020 et 2021 totalisent donc 331 millions d'euros. Ces montants sont complétés par un nouveau crédit d'impôt pour le premier abonnement aux titres de presse, qui devrait entrer en application d'ici la fin de l'année dans le meilleur des cas. Ce crédit d'impôt représentera 60 millions d'euros par an. Finalement, en sus des mesures générales, la presse a bénéficié de plus de 400 millions d'euros d'aides spécifiquement destinées à lui permettre de surmonter la crise et à préparer l'avenir.
Ce projet de budget marque par ailleurs la progression de la reconnaissance de la presse en ligne, avec une dotation à hauteur de 4 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2021. En outre, le fonds stratégique pour le développement de la presse est utilisé pour d'autres causes comme les divers sauvetages de Presstalis.
Je souhaiterais aussi évoquer la lutte contre la précarité. Un fonds doté de 18 millions d'euros par an doit être mis en place afin d'accompagner les acteurs les plus fragiles de la profession : pigistes, photojournalistes et dessinateurs de presse. Cela me paraît primordial dans un secteur où le modèle technologique est en pleine transformation.
Deux dossiers nous suivent également depuis plusieurs années. Sur le dossier des droits voisins, nous oscillons entre menaces de procès et signature imminente d'un accord. Je me garderai donc de formuler un pronostic. Les décisions successives de justice et de l'Autorité de la concurrence n'ont pas été à l'avantage de Google, contraint d'engager des négociations vraiment sérieuses. En outre, les autres pays européens ont jusqu'à fin juin pour transposer la directive, poussés par leurs propres éditeurs de presse qui suivent le combat des éditeurs français. La tactique de Google, qui a essayé de diviser la profession, n'a pas fissuré le front des éditeurs, mais, dans le contexte actuel, certains pourraient être tentés de céder. Je serai donc prudemment optimiste quant à l'issue des négociations. Bien entendu, il nous faut continuer sans relâche à appuyer nos éditeurs.
Le second dossier, aussi rituel que déplaisant, concerne Presstalis. Il me revient le triste privilège d'en commenter la cessation d'activité, que je qualifierai de déception surtout au regard des efforts considérables fournis par les pouvoirs publics. La fin de la société au mois de mai a percuté le secteur au même moment que la crise pandémique et les violents mouvements sociaux qui ont perturbé la distribution des titres dans le quart sud-est du pays. L'État est à nouveau sollicité pour près de 190 millions d'euros et ce qu'on espère être un solde de tout compte, soit un peu moins de la moitié de l'enveloppe du plan pour la filière. La nouvelle société France Messagerie, qui constitue une version réduite de Presstalis, doit maintenant faire ses preuves. En un mot, il reste à espérer que cette estocade de près de 200 millions d'euros soit la dernière. Le doute est cependant permis et je vous donne rendez-vous en novembre 2021.
Les crédits de la presse recouvrent également la dotation accordée à l'Agence France-Presse (AFP), qui en représente un peu moins de la moitié, soit 135 millions d'euros en 2021. A l'initiative de son président, l'Agence met en oeuvre depuis 2019 un plan de transformation visant à rétablir un équilibre financier durable. L'exercice est rendu encore plus complexe quand ses principaux clients, les titres de presse, sont dans une situation très difficile. Ce plan a pour double objectif de développer les recettes commerciales de l'Agence, en particulier dans la vidéo avec 23 millions d'euros sur cinq ans, et d'engager une démarche de réduction des charges et de la masse salariale. Il est encore trop tôt pour donner un avis définitif sur les résultats de ce plan. Pour autant, les objectifs relatifs aux dépenses sont bien tenus. Si la croissance de la vidéo a été de bon niveau avec 12 % de hausse entre juin 2019 et juin 2020, elle reste en deçà des prévisions. Je souhaite donc vivement que la bonne maîtrise des charges puisse se doubler d'un accroissement significatif des revenus à brève échéance.
Il m'apparaît important, avant de conclure, de rendre un hommage appuyé au secteur de la presse dans son ensemble. Ce secteur a traversé en 2020 une double crise qui s'est ajoutée à celle qu'il traverse depuis des années. Et pourtant, dans ce contexte ravagé, jamais l'information n'a été aussi essentielle. Et jamais la presse n'a fait défaut, tant la presse nationale et régionale que les magazines spécialisés. Nous devons rendre hommage aux journalistes, aux imprimeurs et aux vendeurs de presse qui sont restés ouverts malgré tout.
Dans ce contexte particulier, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180 « presse et médias » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2021.