Intervention de Sylvie Robert

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 18 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Crédits relatifs à la création transmission des savoirs et démocratisation de la culture - examen du rapport pour avis

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert, rapporteure pour avis sur les crédits de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture :

Ce rapport a trait à deux programmes, le programme 131 « Création » et le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le secteur culturel est parmi les plus fortement affectés par la crise sanitaire et singulièrement le secteur de la création, plongé dans une situation d'une gravité sans précédent que n'a fait qu'accentuer le deuxième confinement. La crise est sans précédent par son ampleur, car toutes les disciplines sont touchées, par son intensité, car les pertes sont immenses, et par sa durée, car l'activité restera profondément affectée et irrégulière en 2021 et nous ne savons quand un retour à la normale sera envisageable. Sans soutien fort, le risque de défaillance des structures culturelles privées et publiques est réel. La crise fait peser de graves menaces sur les artistes, sur l'emploi et l'accès à la culture, mais aussi sur le dynamisme des territoires, et particulièrement sur la diversité culturelle. La crise pourrait en effet accentuer les phénomènes de concentration.

Je salue l'effort de l'État et des collectivités territoriales pour préserver l'avenir de notre modèle culturel. Les Régions ont mis en place des fonds de soutien, les métropoles et les communes aussi.

Le projet de loi de finances pour 2021 poursuit cet effort important avec 390 millions d'euros de mesures nouvelles pour soutenir la création. Elles sont destinées à tous les opérateurs, à l'emploi également, par un renforcement des moyens du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), et le lancement d'un programme exceptionnel de commande publique, mais aussi aux artistes, en particulier les équipes artistiques et indépendantes qui sont en réel danger.

À ces crédits s'ajoutent les crédits d'impôt, dont le dispositif est assoupli. Le crédit d'impôt spectacle vivant joue un rôle essentiel pour soutenir les jeunes artistes et la diversité musicale. Le projet de loi de finances le prolonge jusqu'en 2024 et en assouplit les critères d'éligibilité. Je compte déposer un amendement pour augmenter temporairement, pendant la durée du plan de relance, le taux de ce crédit d'impôt à 20 % au lieu de 15 % pendant cette crise. Je vous invite à le cosigner.

Le projet de loi de finances pour 2021 met en place également un crédit d'impôt spécifique pour le théâtre jusqu'à fin 2024. C'est une bonne initiative, mais il est dommage qu'il soit réservé aux représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, laissant de côté tout un pan du spectacle vivant non musical. Je vous proposerai donc de cosigner deux amendements. Le premier élargit le bénéfice de ce crédit à toutes les représentations de spectacle vivant non musical. Un autre amendement relève pour 2021 et 2022 ce taux d'impôt, comme pour le spectacle vivant musical.

Malgré le soutien de l'État, il reste deux dangers majeurs. Le premier est la durée de la crise sanitaire. Les mesures de l'État ont été conçues en septembre dans un contexte de reprise de l'activité, mais l'interruption qui dure depuis fin octobre pourrait se poursuivre en 2021. Il serait donc important que les dispositifs transversaux de l'État soient prolongés au-delà du 31 décembre 2020, notamment l'activité partielle exceptionnelle. Le deuxième danger viendrait d'une coordination insuffisante entre l'État et les collectivités territoriales. Il serait important d'avoir une organisation territoriale au-delà des CTC, voire que des Conseils territoriaux d'action publique soient mis en place pour mieux associer sur le terrain les collectivités et les DRAC. Entre le projet de loi de finances pour 2021, le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 et le Plan de relance, les crédits sont importants, mais la façon dont l'organisation territoriale permet de traduire ces interventions dans les territoires manque de transparence.

Plusieurs points de vigilance sont à noter.

Sur le spectacle vivant, il faut veiller à l'éligibilité de tous les acteurs aux aides distribuées par le Centre national de la musique (CNM) et l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et à l'élargissement du bénéfice du dispositif d'activité partielle aux salariés de droit privé de l'ensemble des structures culturelles, quelle que soit leur forme juridique. A priori, la ministre a donné des consignes pour que les aides distribuées par les opérateurs ne soient pas réservées aux contributeurs de la taxe. L'éligibilité des établissements publics de coopération culturelle à l'activité partielle apparaît toujours compliquée, ce qui me conduit à plaider pour une évaluation des budgets des lieux labellisés. À titre d'exemple, le théâtre de Rennes, lieu labellisé, reçoit une subvention de l'État de 60 %, mais il n'a pas eu droit à l'activité partielle ni à la compensation de billetterie, car c'est une structure publique et une société d'économie mixte.

En matière d'arts visuels, la structuration de la profession reste un handicap.

Je souhaiterais aussi une meilleure prise en compte du rôle joué par toutes les associations qui oeuvrent dans le domaine culturel, qui contribuent à animer les territoires et ne sont pas très reconnues ni soutenues.

Enfin, à l'occasion de la mise en place d'ici avril 2021 d'une politique de l'État à destination des festivals, j'espère qu'il y aura une méthode de travail pour y associer les collectivités territoriales.

J'en viens au programme 361, qui concerne le savoir et la démocratisation de la culture. Le plan de relance prévoit 70 millions d'euros de crédits pour la rénovation de certains bâtiments et la digitalisation des écoles de l'enseignement supérieur placé sous la tutelle du ministère de la culture. Le programme 361 en tant que tel finance également un plan en faveur des étudiants et accorde davantage de crédits en faveur des boursiers. Sur la recherche, les crédits sont toutefois reconduits à l'identique. Or cette question est cruciale pour éviter le décrochage de nos écoles à l'échelle européenne, en particulier les écoles nationales supérieures d'architecture, qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre la réforme de 2018. Seuls 75 postes d'enseignants chercheurs sur les 150 prévus ont été créés. Je compte beaucoup sur le rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). J'alerte sur ce sujet comme sur les écoles supérieures d'art territoriales et sur le statut des professeurs de ces écoles. Une mission pourrait être confiée à l'IGAC, à l'Inspection générale de l'administration de l'enseignement national et de la recherche (IGAENR) et à l'Inspection générale de l'administration (IGA) pour essayer de trouver une issue à cette situation.

Pour terminer sur l'éducation artistique et culturelle (EAC), l'enveloppe du Pass Culture atteint 59 millions d'euros, soit 20 millions d'euros supplémentaires dans l'optique de généraliser éventuellement le Pass dès l'année prochaine. Je crois pourtant que cette décision de généralisation pourrait être mal comprise dans le monde culturel où les activités sont à l'arrêt. Il faudrait réclamer davantage de transparence sur le Pass Culture et ses résultats, comme ne cesse de le faire Jean-Raymond Hugonet, à la tête de notre groupe de travail sur le Pass culture. Il faudrait aussi une grande évaluation d'ici l'été prochain pour que nous puissions nous prononcer sur la pertinence de cet outil.

J'ajoute que je regrette que les crédits EAC n'augmentent pas dans la même proportion que ceux du Pass culture. Les lieux de théâtre sont fermés, je souhaite que les artistes et les associations se mobilisent pour relancer l'EAC au printemps prochain dans le cadre d'un processus plus souple et plus rapide.

Compte tenu de l'ampleur des crédits inscrits en 2021 sur les programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à leur adoption.

Je terminerai en disant que je souhaiterais qu'une mission de contrôle soit mise en place pour aller dans les différentes régions regarder comment se traduisent concrètement ces crédits, à quoi et à qui ils sont destinés. Pour remédier au manque de transparence au niveau des DRAC, il faudrait former une équipe pour aller sur place.

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