Intervention de Erik Orsenna

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 26 novembre 2020 à 8h30
Audition de M. Erik Orsenna de l'académie française

Erik Orsenna, membre de l'Académie française :

Il faudrait alors dire les valeurs, tant cette notion renvoie à des réalités multiples. Avec la notion de coût, je reste dans le domaine de l'économie. Par exemple, quelle est la valeur du luxe, par ailleurs l'une des premières capitalisations boursières françaises ? À l'inverse, la rémunération des soignants est, on l'a vu, inversement proportionnelle à leur utilité sociale. Et quelle est la valeur ou l'utilité sociale des banquiers d'affaires qui démantèlent actuellement le troisième éditeur français, Hachette ? Mon parcours m'a conduit du coût, par ma formation d'économiste, à la valeur, en ma qualité d'écrivain.

Pour susciter l'adhésion, comme je le disais, il faut un récit. Lorsque je me suis rendu compte que je ne comprenais pas une question posée à mes enfants à l'école, j'ai écrit une grammaire - La grammaire est une chanson douce - d'après le titre de la chanson qu'Henri Salvador m'avait autorisé à reprendre.

Un dernier mot sur les animaux, où l'on retrouve la question du prix, du coût et de la valeur. Nous sommes tous dans le même bateau. La question-clé à laquelle nous devons répondre pour définir l'agriculture de demain, c'est celle de la valeur que l'on donne à notre nourriture, au prix que l'on accepte de payer pour elle. Or en 20 ans, la part consacrée par un foyer à ses dépenses alimentaires est passée de 25 % à 11 %, et la guerre des prix est repartie de plus belle malgré le « Grenelle de l'alimentation ». Il faut comprendre que « toujours moins cher », cela veut dire « toujours plus dangereux », sans même parler de la question du bien-être animal. Je ne parle pas des porcs élevés en plein-air et nourris aux glands pour produire du jambon haut de gamme : les conditions d'élevage sont bonnes, car on y met le prix. Mais ce n'est pas la majorité, loin s'en faut. Or on ne peut pas non plus imaginer d'élever tous les porcs en extérieur, pour des questions de sécurité sanitaire, et pour des questions de coût. Et l'on ne peut pas non plus compter sur cette fausseté qu'est la « viande non animale », qui n'est pas de la viande, ni sur les seules protéines végétales, car il faudrait alors étendre au-delà de ce qui est raisonnable les surfaces cultivables.

En conclusion, et si je devais résumer mon métier, je dirais qu'il s'agit d'expliquer les interdépendances.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion