Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, nous sommes très heureux de vous accueillir pour cette audition organisée dans un format exceptionnel, compte tenu de l'enjeu. Nous discuterons en effet de la dernière étape de la réforme de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027, à la lumière, d'une part, des négociations en trilogue qui viennent de débuter, d'autre part, de la transition verte que tous les États membres appellent de leurs voeux et dont on commence tout juste à mesurer les implications.
Vous êtes auditionné par les commissions des affaires économiques et des affaires européennes du Sénat et de l'Assemblée nationale, réunies en visioconférence. Les députés français au Parlement européen ont également été invités à assister à nos échanges, s'ils le souhaitent.
Nous sommes ensemble pour une durée d'environ deux heures. Après votre propos liminaire, vingt parlementaires représentant les différentes sensibilités de nos deux assemblées vous interrogeront : dix députés et dix sénateurs ont été désignés par leur groupe politique, dans le respect des équilibres de chaque assemblée. Chacun disposera d'une minute trente pour s'exprimer. Vous nous excuserez de ne pas avoir tenu compte de la parité : cela aurait été beaucoup trop complexe !
Permettez-moi de commencer cette audition en dressant, au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, un constat général. Nous avons bien sûr observé avec satisfaction les efforts et les progrès accomplis dans cette négociation, mais nous avons surtout des inquiétudes assez fortes.
Bien que le budget ait été augmenté au cours de la négociation, il recule de 10 % en euros constants. Quand on annonce à un malade à qui l'on devait couper les deux jambes qu'on ne lui en coupe plus qu'une, il est content, bien sûr, mais cela reste quand même une mauvaise nouvelle.
Nous nous réjouissons du verdissement de la PAC, mais celui-ci s'accompagne, nous semble-t-il, d'une complexité accrue. Je rappelle que nos agriculteurs seront soumis à treize directives déjà existantes, à douze règlements dont cinq nouveaux, ainsi qu'à des eco-schemes - éco-régimes - nationaux, une nouveauté dont nous reparlerons probablement.
Nous observons un risque de renationalisation, que nous avons souligné dans les quatre résolutions adoptées par le Sénat, via le plan stratégique national qui sera élaboré par chaque pays. Nous nous posons des questions sur la cohérence et le contrôle de ce dispositif.
Nous déplorons des possibilités extrêmement fortes de transferts libres entre les piliers, en vertu de recommandations récemment adoptées par le Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne.
Nous dénonçons l'augmentation des écarts de compétitivité et donc des distorsions de concurrence intra-européennes, ainsi que la possibilité pour certains pays de s'exonérer d'une partie des nouvelles conditionnalités environnementales.
Le résultat est assez éloigné des résolutions adoptées par le Sénat. Je suis persuadée, Monsieur le ministre, que mes collègues vous poseront des questions en ce sens.