Le point de départ de notre contrôle reposait sur le constat suivant : 146 femmes tuées et 213 000 victimes de violences physiques et sexuelles en 2019, selon La lettre de l'Observatoire national des violences faites aux femmes. En outre, nous constations également que moins d'une victime sur cinq déclare avoir déposé plainte.
L'annonce par le Gouvernement d'un budget de un milliard d'euros en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommesen 2020 nous a fait réagir, de même que le lancement du Grenelle de lutte contre les violences conjugales (fin 2019) devant mobiliser 360 millions d'euros. Nous avons alors décidé, dans un premier temps, d'apporter un éclairage à ces chiffres lors de notre précédent rapport budgétaire dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, puis dans le cadre du contrôle budgétaire dont nous vous présentons aujourd'hui les conclusions.
Tout d'abord, selon nous, le milliard d'euros annoncé est un « tour de passe-passe » budgétaire.
En effet, ce montant est exprimé uniquement en autorisations d'engagement (AE). En réalité, il a correspondu, pour 2020, à seulement 557,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP) ouverts. La prochaine loi de règlement sera l'occasion d'examiner l'exécution de ces crédits.
En outre, ce montant correspond pour trois quarts au financement de programmes de diplomatie culturelle et d'aide aux pays en développement. Nous ne contestons pas le bien-fondé de ce financement de politiques d'aide aux pays en voie de développement, mais si les trois quarts du financement national prévu pour la lutte contre les violences faites aux femmes concernent l'étranger, cela fait nécessairement réagir !
Pour les crédits de paiement qui restent affectés au financement d'action menées sur le territoire français (282 millions d'euros), la moitié est consacrée à l'effort d'éducation à l'égalité entre les sexes dans les écoles, collèges et lycées, cette contribution étant calculée à partir de la rémunération des enseignants.
En outre, les 360 millions d'euros annoncés dans le cadre du Grenelle sont loin de constituer une révolution. D'abord, on note la quasi-absence de mesures nouvelles : les intervenants sociaux en commissariat et gendarmeries, les psychologues, ou encore les correspondants locaux de lutte contre les violences intrafamiliales existaient déjà. Les nombreux changements de périmètre budgétaire pour le financement de cette politique publique nuisent d'ailleurs à la lisibilité du financement de cette politique publique.
Ensuite, on relève le peu d'augmentation des crédits entre 2019 et 2020 pour les mesures déjà existantes, voire une diminution des crédits s'agissant des moyens humains de l'administration centrale et déconcentrée.
Enfin, concernant la contribution des programmes « gendarmerie » et « police », la valorisation financière des personnels est quelque peu sujette à caution : ces personnels sont-ils dédiés intégralement à cette mission ? Cela n'est pas acquis. Il s'agit en effet de dispositifs comptabilisés dans la politique de lutte contre les violences de façon un peu extensive.
À l'intérieur de ces ensembles, le programme 137 de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances » ne représente qu'une faible part des crédits dédiés à cette politique (30 millions d'euros en 2020).
On observe, depuis 2010, une relative augmentation de ces crédits, qui masque néanmoins des sous-exécutions importantes.
Par ailleurs, depuis le projet de loi de finances pour 2019, ce programme 137 dispose d'une nouvelle maquette budgétaire ne permettant plus d'identifier clairement les crédits spécifiques à la lutte contre les violences et la prostitution. Il est donc difficile de reconstituer la réalité des financements de cette politique publique.
Enfin, le document de politique transversale (DPT) de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes ne permet pas d'identifier de façon satisfaisante ces différentes sources de financements et la méthodologie de son élaboration est peu claire, voire « artisanale ».
Nous soulignons également dans notre rapport le rôle que peuvent jouer les aides privées, notamment les dons des particuliers et le mécénat.
Elles restent une ressource peu développée : une des rares études sur le sujet, datant de 2016, indiquait que les actions des fondations en faveur des droits des femmes représentaient un budget de trois millions d'euros, même si cela commence à changer à la faveur de la communication engendrée par le mouvement #MeToo et lors de la période de confinement. Ainsi la Fondation des femmes a réalisé une collecte record de 2,7 millions d'euros, dont environ 500 000 euros de dons de particuliers, avec une moyenne d'environ 100 euros par personne.
La générosité publique ne peut et ne doit cependant pas se substituer au financement public, s'agissant notamment de dispositifs qui relèvent de services publics, comme l'hébergement par exemple.