Un autre des principaux constats de notre rapport est que la politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes est insuffisamment portée et inégalement appliquée sur le territoire.
Parmi les acteurs de cette politique, figure tout d'abord le Service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE), rattaché à la Direction générale de la cohésion sociale, composé de 25 équivalents temps plein (ETP) dont les moyens humains n'ont pas cessé de diminuer depuis sa création. Malheureusement ce service ne bénéficie pas d'un poids suffisant pour assurer une forte mobilisation des autres directions ministérielles concernées par la question des violences, et n'est surtout pas outillé pour répondre aux missions croissantes demandées par le ministère. Il en est de même pour le réseau déconcentré qu'il anime.
Ce réseau repose, au niveau régional, sur une directrice régionale, avec une équipe restreinte de deux personnes, rattaché au secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) et, au niveau départemental, sur une déléguée départementale, rattachée au sein des délégations départementales à la cohésion sociale. Seules trois déléguées sont directement rattachées au préfet. Ces effectifs très minces - qui connaissent des vacances régulières - sont indéniablement un facteur de fragilisation de cette politique. Ces déléguées se trouvent souvent au coeur d'« injonctions contradictoires », les demandes du ministère sur ces sujets d'égalité et des violences sont croissantes et leurs moyens désuets. J'ai eu, par exemple, l'occasion de rencontrer la déléguée départementale du département du Nord : elle est seule avec comme seul moyen humain l'aide d'une stagiaire.
C'est le cas pour le SDFE déjà cité, mais également pour la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), créée en 2012, qui dispose aussi d'un effectif réduit : cinq agents mis à disposition et un budget de fonctionnement de 20 000 euros par an. Nous avons auditionné sa secrétaire générale et avons été étonnés d'apprendre comment étaient réalisés leurs outils de formation, sans équipements ou logiciels informatiques adéquats. Le travail de la MIPROF est réalisé dans des conditions matérielles parfois désastreuses.
Là encore, cette politique publique repose sur un engagement, que l'on pourrait qualifier de militant, de personnalités.
À côté de ces acteurs étatiques se trouvent les associations, qui sont les véritables « bras armés » de cette politique.
Elles ont néanmoins été fragilisées par l'afflux de demandes, à la suite du mouvement « #MeToo », qui n'ont pas été entièrement compensées par les ressources budgétaires correspondantes. Elles ont également souffert de la perte de la réserve parlementaire - cette décision démagogique a eu des conséquences concrètes - et surtout d'un manque de visibilité budgétaire. Leur financement repose, pour beaucoup d'entre elles, sur des subventions annuelles versées parfois tardivement dans l'année.
J'en viens maintenant aux principales recommandations de notre rapport qui s'articulent autour de deux axes.
Premier axe, rendre les financements plus lisibles et à la hauteur des enjeux : cela passe d'abord par une meilleure transparence budgétaire, gage d'une meilleure visibilité de la politique publique et d'information du Parlement. Cela pourrait passer a minima, par la refonte du programme 137, voire l'ajout d'actions ou indicateurs sur d'autres programmes pour suivre la mise en oeuvre de ces crédits.
La création d'un fonds interministériel et pluriannuel sur le modèle du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pourrait éventuellement être envisagée.
En tout état de cause, le document de politique transversale doit être revu, en lien avec la direction du budget afin de remédier aux dysfonctionnements identifiés. Il s'agit d'un préalable avant toute généralisation d'un budget intégrant l'égalité, qui semblerait précoce au vu des conclusions de l'expérimentation menée l'année dernière.
Outre une meilleure transparence, les financements doivent être à la hauteur des enjeux et des mesures annoncées.
Un préalable est sans doute d'appréhender la dépense comme un coût évité pour l'avenir. Un chiffre est éclairant : 40 à 60 % d'enfants délinquants sont des enfants qui ont vécu des violences conjugales, selon le juge pour enfants Édouard Durand.
Il nous semble ainsi nécessaire d'octroyer aux associations un niveau de financement public leur permettant de répondre à leurs missions tout en encourageant les co-financements multi-acteurs publics et privés. Simplifier les réponses aux appels à projet et généraliser les conventions pluriannuelles font partie de nos recommandations.
Le développement des financements privés doit également être une piste à explorer sans toutefois se substituer à l'action publique. L'enjeu est de rendre attractive la donation en faveur de cette politique de lutte contre les violences, comme cela a déjà été amorcé. Les associations doivent rendre visibles leurs actions et les pouvoirs publics doivent les accompagner dans leur modernisation, pour encourager les partenariats avec des fondations.